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Le corridor ferroviaire méditerranéen : planification, politisation et territorialisation d'un projet d'aménagement

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Academic year: 2021

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ÉCOLE DOCTORALE « VILLE, TRANSPORTS ET TERRITOIRES »

Thèse pour obtenir le grade de docteur en Géographie de l’Université Paris-Est

Spécialité « Transport »

Eloïse LIBOUREL

Le corridor ferroviaire méditerranéen :

planification, politisation et territorialisation d’un projet

d’aménagement

Sous la direction de Nacima BARON-YELLÈS

et

Juan ROMERO GONZÁLEZ

Présentée et soutenue publiquement le 27 novembre 2015

Jury :

Mme Nacima BARON-YELLÈS (Professeur à l’Université Paris-Est), directrice

Mme Josefina CRUZ VILLALÓN (Professeur à l’Université de Séville, Espagne), rapportrice M. Jean DEBRIE (Professeur à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne), examinateur

M. Markus HESSE (Professeur à l’Université de Luxembourg), rapporteur

M. Juan ROMERO GONZÁLEZ (Professeur à l’Université de Valence, Espagne), codirecteur M. Jean-Pierre WOLFF (Professeur à l’Université de Toulouse 2-Le Mirail), examinateur

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ÉCOLE DOCTORALE « VILLE, TRANSPORTS ET TERRITOIRES »

Thèse pour obtenir le grade de docteur en Géographie de l’Université Paris-Est

Spécialité « Transport »

Eloïse LIBOUREL

Le corridor ferroviaire méditerranéen :

planification, politisation et territorialisation d’un projet

d’aménagement

Sous la direction de Nacima BARON-YELLÈS

et

Juan ROMERO GONZÁLEZ

Présentée et soutenue publiquement le 27 novembre 2015

Jury :

Mme Nacima BARON-YELLÈS (Professeur à l’Université Paris-Est), directrice

Mme Josefina CRUZ VILLALÓN (Professeur à l’Université de Séville, Espagne), rapportrice M. Jean DEBRIE (Professeur à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne), examinateur

M. Markus HESSE (Professeur à l’Université de Luxembourg), rapporteur

M. Juan ROMERO GONZÁLEZ (Professeur à l’Université de Valence, Espagne), codirecteur M. Jean-Pierre WOLFF (Professeur à l’Université de Toulouse 2-Le Mirail), examinateur

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Cette thèse a été préparée dans le cadre du Laboratoire Ville Mobilité Transports (UMR-T 9403, ENPC/IFSTTAR/UPEM).

Elle a également été en partie réalisée dans le cadre de l’Institut interuniversitaire de Développement local

(Université de Valence, Espagne).

Elle a bénéficié du soutien financier et logistique de l’Association Rails et Histoire, de la Région Île-de-France, et de la Casa de Velázquez.

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In memoriam Matthieu Giroud.

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Résumés

Le « corridor méditerranéen » est à la rencontre d’un projet ferroviaire espagnol datant des années 1920 et d’un projet inscrit dans la planification des réseaux transeuropéens de transport depuis les années 1990. La thèse s’intéresse à l’un axe littoral qu’il désigne, qui comprend des villes, des activités et un ensemble d’infrastructures. Elle part du constat que le corridor méditerranéen doit être inscrit dans un contexte territorial multiple. Il est pérenne par son inscription dans le temps long de la construction et de l’aménagement du territoire espagnol, mais changeant dans la temporalité politique de la planification et de ses phases successives. Enfin, il est multiscalaire par son inscription dans le jeu institutionnel et ses impacts territoriaux. Nous faisons l’hypothèse qu’en Espagne, le corridor méditerranéen interagit avec les enjeux politiques et économiques, au point qu’il ne peut être considéré comme un simple projet de transport (pour l’heure non matérialisé par une infrastructure), mais qu’il doit être envisagé dans sa dimension politique. À la croisée de ces enjeux, la thèse prend le parti d’une approche territoriale – à la différence de la majorité des travaux qui lui sont consacrés – qui permet d’aborder le corridor méditerranéen sous l’angle de son inscription dans l’espace, en prenant en compte aussi bien les problèmes économiques et politiques qui façonnent le territoire du corridor en amont que les implications du projet sur ce territoire à toutes les échelles en aval. La thèse pose deux questions centrales. Il s’agit d’abord de comprendre comment un objet, qui est au départ un projet d’infrastructures inscrit dans un processus institutionnel de prise de décision en matière d’aménagement du territoire, devient un facteur puissant de recomposition des jeux d’acteurs et de réinterprétation des paradigmes de l’aménagement des territoires à toutes les échelles. Il s’agit ensuite d’interroger la dialectique entre les différents échelons institutionnels d’une part et entre les différentes échelles territoriales (européenne, nationale, régionale et locale) d’autre part. L’inscription du projet dans les territoires peut se faire à travers différentes formes de territorialisation, matérielles ou immatérielles, de la construction d’équipements ferroviaires à la modification du jeu des acteurs dans un territoire donné autour du projet de corridor. On assiste à un double processus de politisation des intérêts locaux par l’action des associations d’entreprises au niveau régional, et de dépolitisation du débat sur le corridor par le biais de l’européanisation du projet.

En s’appuyant sur un ensemble de méthodes fondées principalement sur la pratique d’entretiens, ainsi que sur l’étude des documents de planification et des manifestations du corridor méditerranéen dans le débat public, cette thèse a permis de faire émerger trois résultats principaux. Premièrement, par sa plasticité, le corridor méditerranéen devient un objet politique : il désigne à la fois un projet d’infrastructures aux caractéristiques mouvantes et un catalyseur d’intérêts de nature différente autour d’un objectif commun. Deuxièmement, le corridor méditerranéen, parce qu’il correspond à des représentations territoriales et à des objectifs différents, ne peut s’incarner comme infrastructure car sa matérialité lui ôterait son statut de fédérateur d’intérêts et détruirait l’unité fragile créée autour de sa revendication. Cette impossibilité du corridor méditerranéen est ce qui en fait un excellent médiateur entre les différents acteurs. Troisièmement, le corridor méditerranéen est au centre d’un processus multiple de territorialisation, répondant aux trois sens de ce terme : il apparaît comme un avatar, parmi d’autres, des grandes structures spatiales européennes et espagnoles ; il est un facteur d’émergence de structures territoriales nouvelles par ses impacts sur les territoires locaux ; il permet la recomposition du jeu des acteurs autour d’un projet, dans une réalité spatiale qui lui est propre.

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El Corredor Mediterráneo: planificación, politización y territorialización de

un proyecto de ordenación del territorio

El “Corredor Mediterráneo” se fundamenta en un proyecto ferroviario español que se remonta a los años1920, así como en un proyecto que constituye una parte de los planes de las Redes Transeuropeas de Transporte desde los años 1990. La tesis se focaliza en el eje litoral al que se refiere el citado corredor, abarcando ciudades, actividades y un conjunto de infraestructuras. En el punto de partida de la tesis, se observa que el Corredor Mediterráneo está ubicado en un contexto territorial polifacético: por un lado, resulta perenne porque se inscribe en la construcción y la organización del territorio español a largo plazo; por otro lado, es variable en cuanto a la temporalidad política de la planificación y de sus sucesivas fases. Además, posee carácter multiescalar debido al surtido institucional en el que se apoya y a sus impactos territoriales. Nuestra hipótesis central enuncia que, en España, el Corredor Mediterráneo interactúa con las cuestiones políticas y económicas, hasta tal punto que ya no puede considerarse como un simple proyecto de transporte (que hasta ahora no queda materializado como infraestructura), sino como un acontecimiento cuya dimensión política debe tenerse en cuenta.

Partiendo de las cuestiones anteriormente descritas, en el presente estudio se ha optado por una aproximación territorial que –a diferencia de la mayoría de las publicaciones– permite abordar el Corredor Mediterráneo con la perspectiva de su inscripción espacial, teniendo en cuenta tanto los problemas políticos y económicos que modelan el territorio del Corredor, como las consecuencias del proyecto en dicho territorio a todas las escalas. A lo largo de la tesis planteamos dos preguntas centrales: la primera de ellas se formula para entender cómo un objeto que primero fue un proyecto de infraestructuras, enmarcado en un proceso institucional de ordenación territorial, se llega a convertir en un potente factor que incita a revisar el papel de los distintos actores, así como a reinterpretar los paradigmas de la ordenación del territorio a todas las escalas; por medio de la segunda pregunta, se trata de cuestionar la dialéctica hallada tanto entre los distintos niveles institucionales por una parte, como entre las distintas escalas territoriales (europea, nacional, regional y local), por otra parte. La integración del proyecto en los territorios puede hacerse a través de distintas formas de territorialización, materiales o inmateriales: desde la construcción de determinados equipos ferroviarios, hasta la modificación de las relaciones entre los distintos actores en un determinado territorio en torno al proyecto de Corredor. Se observa, por lo tanto, un doble proceso de politización de los objetivos locales por parte de las asociaciones de empresas a nivel regional, y de despolitización del debate sobre el Corredor a través de la europeización del proyecto.

Apoyándose sobre un conjunto de metodologías basadas principalmente en la realización de entrevistas, en el estudio de los documentos de planificación y en las manifestaciones que el Corredor Mediterráneo plasma en el debate público, de la tesis se derivan tres resultados principales. Primero, por su carácter flexible, el Corredor Mediterráneo se convierte en un objeto político: se refiere a la vez a un proyecto de infraestructuras de características cambiantes y a un catalizador de distintos intereses que giran en torno a un objetivo común. Segundo, el Corredor Mediterráneo, al corresponderse con representaciones territoriales y objetivos distintos, no puede concretarse como infraestructura, pues la materialidad le quitaría su capacidad a homogeneizar intereses y destruiría la frágil unidad creada por su reivindicación. Esta imposibilidad del Corredor Mediterráneo es lo que lo transforma en excelente intermediario entre los distintos actores. Tercero, el Corredor Mediterráneo está al centro de un proceso múltiple de territorialización, cumpliendo con los tres sentidos de la palabra: aparece como un avatar, entre otros, de las grandes estructuras espaciales europeas y españolas; es, por sus impactos sobre los territorios locales, un factor de surgimiento de nuevas estructuras territoriales; y permite, por último, la reorganización del papel de los actores en torno al proyecto, dentro de su propia realidad espacial.

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The Mediterranean Railway Corridor: Organization, Politization and

Territorialization of a Spatial Planning project

The Mediterranean corridor stands at the meeting point of a Spanish railway project in the 1920s and a second project which has formed part of the Trans-European Networks of Transport since the 1990s. The subject is thus this coastal axis, including cities, activities and infrastructure. The bottom line is the idea that the Mediterranean corridor has to be placed in a territorial context that is plural. Indeed, it is both perennial, within the scope of the long-term timeline of the construction and planning of the Spanish territory, and evolving within the political temporality of the planning process and its successive stages. It also has an inherent multiscalar component due to the institutional process and to its impact on the territory. Our hypothesis is that in Spain the corridor involves an interaction with the political and economic questions, so that it cannot be simply considered as a transport project (yet not materialized by infrastructure), and should rather be tackled through its political dimension.

Right at the meeting point of these stakes, we have chosen to use a territorial approach, contrary to the majority of works that have been dedicated to this subject. This territorial angle makes it possible to study the Mediterranean corridor through its spatial dimension, taking into account both the economic and political questions that shape the corridor in its territorial aspect and the various implications of the project on this territory at all scales. This thesis develops two main ideas. The first ambition of this work is to understand how this project, which began as a plan for infrastructure as part of a decision-making process regarding spatial planning, then became a powerful factor in the rearticulation of the roles of the different stakeholders and the reinterpretation of the paradigms of planning at all scales. We will then be able to investigate the dialectics between the various institutional levels on the one hand and between the various territorial scales (European, national, regional and local) on the other hand. The integration of the project within the territories can be performed through different forms of territorialisation, both material and immaterial, from the construction of railway equipment to the rearticulation of the roles of the stakeholders within a given territory. We therefore witness a double process of politisation of the local interests through the action of business associations at the regional level, and depolitisation of the debate about the corridor as the project reaches a European level.

Three key outcomes emerged from this work based on a methodology relying mainly on interviews as well as the study of planning documentation and the manifestations of the Mediterranean corridor in the public debate. The first idea is that, given its plasticity, the corridor becomes indeed a political subject: it is both a project for infrastructure with evolving characteristics and a catalyst gathering different interests around a common objective. Secondly, as it corresponds to different territorial representations and objectives, the Mediterranean corridor cannot be materialized as infrastructure because this materiality would deprive it from its role as a federator of interests and would therefore destroy the fragile unity that was made possible by its claim. This inherent material impossibility of the Mediterranean corridor is at the same time a fundamental component of its position as a mediator between the different stakeholders. Finally, being at the centre of a territorialisation process that is indeed plural, the Mediterranean corridor echoes all three meanings of this concept: it is one of the avatars of the major European and Spanish spatial structures; it is also a factor of the emergence of new territorial structures at a local scale; and it allows a reorganisation of the interactions of the different stakeholders around a project, within its very own spatial manifestation.

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Remerciements

Mes plus vifs remerciements vont tout d’abord à mes directeurs, Nacima Baron-Yellès et Juan Romero González. La première, de la genèse du sujet à la rédaction de la thèse, a toujours été présente, m’a accordé sa confiance et m’a poussée à approfondir et à construire bien des points. Le second a accepté de superviser mon travail depuis l’Espagne et en a suivi et épaulé chaque développement de très près ; toujours encourageant et d’excellent conseil, il m’a ouvert de nombreuses portes et a été l’inspirateur de nombreuses analyses.

Par ailleurs, je souhaite remercier tous ceux qui ont participé d’une manière ou d’une autre à l’encadrement et au déroulement de cette thèse du point de vue scientifique comme du point de vue matériel : tous les collègues du LVMT, qui m’accueille depuis 2011, et en particulier Pierre Zembri, Caroline Gallez et Alain L’Hostis pour les passionnantes discussions que nous avons eues, les doctorants du laboratoire dans leur ensemble (Julie, Etienne, Benoît, Aude, Cyril, Richard, Maylis… et tous les autres !), et Sophie Cambon qui a su apaiser mes angoisses administratives diverses ; Joan Noguera et l’équipe de l’IIDL, qui m’a accueillie à Valence durant trois mois ; la Casa de Velázquez, qui m’a offert d’excellentes conditions de séjour à Madrid ; l’Association Rails et Histoire pour son soutien matériel, mais aussi et surtout pour son cadre scientifique si bien piloté par Marie-Noëlle Pollino ; la Fundación de Ferrocarriles Españoles enfin, pour les journées passées dans ses archives avec l’aide irremplaçable de ses bibliothécaires.

Durant ces recherches, le temps passé sur le terrain a été primordial. Je voudrais donc témoigner de ma profonde reconnaissance envers tous ceux qui m’ont accordé de leur temps en acceptant de répondre à mes questions, en me donnant des conseils et en élargissant toujours mes perspectives de recherche. Ils sont l’élément clé de cette thèse. Ma gratitude va également aux enseignants-chercheurs des universités espagnoles qui ont accepté de faire passer, en ma présence ou non, mes enquêtes pendant leurs cours, ainsi qu’aux étudiants qui ont accepté d’y répondre. Merci aussi à Mari-Carmen Bosch Rubio, à Valence, et à Alexandra Bill, à Madrid, qui ont beaucoup contribué à la qualité du terrain. Enfin, parmi tous les chercheurs avec qui j’ai eu plaisir à discuter, je voudrais citer Armando Ortuño et son équipe alicantine (Patricia, Graciela, David, Juan Carlos), Carmen Bellet, Salvador Antón et Aaron Gutiérrez, Josefina Cruz, Josep Vicent Boira, Cyril Trépier... Dans le domaine ferroviaire enfin, je tiens à remercier tout particulièrement l’Union internationale des Chemins de Fer, et en particulier Iñaki Barrón de Angoiti et Mouna Bennouna, qui m’ont permis d’assister à de passionnantes et instructives formations dans le domaine de la grande vitesse et d’entrer en contact avec certains acteurs clés pour mes recherches.

Dans un autre registre, cette thèse doit beaucoup – à des titres divers – à ceux qui ont partagé les meilleurs et les pires moments des trois dernières années : Daniel Florentin, complice doctoral par excellence, ainsi que Camille Morvant et Raphaëlle Ducret pour le partage de leurs expériences de thèse ; Charlotte Ruggeri, Matthieu Schorung, Liu Liu et Anaïs Volin pour leurs échanges sur la « corridoritude » et pour le croisement de nos terrains respectifs ; Patricia Fernández Aracil et Benjamin Capellari pour leur complicité internationale ès

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dictionnaires de géographie, ainsi que pour leur assistance linguistique sans faille, accompagnés en cela de Christianne Beasley et Marie Moulène ; Florent Le Néchet, Samuel Mermet et Ibtissem Tounsi-Guérin pour leur aide statistico-cartographique ; Mounya el-Hadeuf et Virginie Boutueil pour leurs échanges chocolatés, ainsi que Shadi Sadeghian pour ses indispensables « bonbonothérapies » ; Marie Moulène, Jeanne Mallet et Diane Martinez pour leur accueil chaleureux dans leur « pension 13 étoiles » – à laquelle j’en décerner une 14ème pour l’occasion – et pour les litres de thé avalés… Une mention toute particulière va à Caroline Labrune, soutien moral indéfectible, pour les déjeuners, thés et moments de travail partagés en bibliothèque, ainsi que pour ses relectures attentives. Que l’ensemble de ceux qui ont relu tout ou partie de ce travail – en particulier Jean-Baptiste Feller, Matthieu Schorung et Marion Labourey – soient remerciés mille fois !

Enfin, last but not least, je remercie tout particulièrement mes parents pour leur bienveillante présence, leur indéfectible soutien et leur infinie patience dans la relecture intégrale du manuscrit, ainsi que Jean-Baptiste, qui m’a soutenue et supportée – au sens propre – pendant tout le temps de cette recherche, qui a su cohabiter avec une thèse dans les différents moments de son élaboration, et sans qui les dernières semaines eussent sans doute été beaucoup plus difficiles !

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Sommaire

Résumés ... 1 Remerciements ... 5 Sommaire ... 7 Introduction générale ... 9

PREMIÈRE PARTIE Le corridor méditerranéen : pluralité, unité et mutabilité d’un objet géographique ... 31

Chapitre 1er La notion de corridor : entre approches théoriques et construction institutionnelle européenne ... 35

Chapitre 2 Le corridor méditerranéen dans son contexte historique : évolutions et mise en œuvre d’une vision ... 87

Chapitre 3 Le corridor méditerranéen, objet d’un jeu institutionnel à plusieurs niveaux ... 127

Chapitre 4 Le corridor méditerranéen dans ses territoires ... 171

DEUXIÈME PARTIE Le corridor méditerranéen : argumentaires, politisation et partage d’une vision ... 207

Chapitre 5 Des intérêts des acteurs à la politisation des discours sur le corridor méditerranéen ... 211

Chapitre 6 L’européanisation de la revendication du corridor méditerranéen ... 265

Chapitre 7 Médiatisation, transmission et réception d’un débat sur le corridor méditerranéen ... 305

TROISIÈME PARTIE La territorialisation du corridor méditerranéen : vers une réinterprétation des paradigmes territoriaux ... 361

Chapitre 8 Un corridor pour penser les territoires euro-méditerranéens ... 365

Chapitre 9 La difficile territorialisation du corridor méditerranéen en Espagne ... 405

Chapitre 10 Le corridor méditerranéen dans ses ancrages locaux : une territorialisation en pointillés ... 453

Conclusion générale ... 503

Bibliographie ... 515

Table des sigles ... 557

Table des illustrations ... 559

ANNEXES ... 565

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Introduction générale

“Soñar el sueño imposible, luchar contra el enemigo invencible, correr donde valientes no se atrevieron, alcanzar la estrella inalcanzable.” (Miguel de Cervantes, Don Quijote, 1605)

En janvier 2015, au début d’une année électorale cruciale en Espagne, le gouvernement présidé par Mariano Rajoy (Parti populaire) annonce que le train à grande vitesse (AVE) arrivera avant la fin de l’année dans huit nouvelles capitales de province – ce qui représente la construction d’un millier de kilomètres de voies supplémentaires – conformément aux promesses portées par les gouvernements successifs. C’est bien la grande vitesse pour les voyageurs et non le transport de fret qui est mis en avant dans la campagne. Par ailleurs, la cartographie des nouveaux tronçons montre un rééquilibrage du réseau vers l’ouest et le nord de l’Espagne, à l’exception de courtes extensions vers Castellón, Murcie et Grenade1. Une

ligne en Estrémadure, reliant Badajoz à Plasencia, confirme la volonté de desservir toutes les provinces à grande vitesse. Parmi ces priorités, le corridor méditerranéen tend à disparaître en tant qu’axe, tout en étant présent, puisque la quasi-totalité des provinces littorales – à l’exception d’Almeria – sera ainsi reliée. Ce jeu de présence-absence dans les plans d’infrastructures, qui se manifeste par des opérations ponctuelles aboutissant à une fragmentation de l’axe, est l’un des fils conducteurs de la longue histoire du corridor méditerranéen. En effet, depuis les années 1920, cette histoire est marquée par une alternance de moments de grâce et de disgrâce dans la planification des infrastructures nationales. Il est également un enjeu politique de premier ordre, produit de la confrontation de visions contraires. Le débat sur l’aménagement de cet axe littoral est désormais porté sur la scène européenne, qui lui donne à la fois une légitimité extérieure à son contexte d’origine, des possibilités accrues de financement, et de nouveaux enjeux en matière d’aménagement et de gouvernance.

1 Felipe Alonso, « Fomento inaugurará en 2015 más de 1.000 nuevos kilómetros de alta velocidad », El

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Le corridor méditerranéen : quelle(s) définition(s) ?

L’appellation « corridor méditerranéen » renvoie à un objet géographique qui fait référence à plusieurs tracés et projets, à l’échelle espagnole comme à l’échelle européenne.

Carte 1- Tracés du corridor méditerranéen à l’échelle européenne

Le corridor méditerranéen désigne aujourd’hui à la fois un projet espagnol de longue date devant relier entre elles les régions littorales, et l’un des 9 axes multimodaux définis par la

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Commission européenne en 20132 pour constituer la trame du réseau central de transports.

Dans cette vision européenne, le corridor méditerranéen s’étend du sud de l’Espagne – pays qu’il traverse avec un double tracé par le littoral et par l’intérieur – jusqu’à la frontière ukrainienne. En outre, le corridor méditerranéen fait également référence à la proposition de grand axe ferroviaire transeuropéen portée par Ferrmed3, groupe de pression qui voit dans le littoral méditerranéen espagnol le tronçon fondamental d’un axe de fret s’étendant de Casablanca, au Maroc, à Saint-Pétersbourg, en Russie (cf. Carte 1).

Les différents tracés envisagés pour le corridor méditerranéen et les espaces géographiques dans lesquels ils s’inscrivent convergent uniquement dans sa partie espagnole. C’est en outre en Espagne que se trouvent les origines du projet, les principaux territoires concernés, ainsi que les acteurs qui en portent la revendication. Considérant que le corridor méditerranéen est historiquement et géographiquement situé et qu’il est ancré dans le contexte économique et politique national, nous concentrerons notre analyse sur sa partie espagnole. Par ailleurs, les tracés projetés au nord des Pyrénées et au sud du Détroit de Gibraltar sont plus récents, n’ont pas la même stabilité dans le temps, et ne donnent pas lieu aux mêmes processus d’appropriation territoriale, ni aux mêmes revendications politiques.

Le corridor méditerranéen espagnol, s’il constitue un objet pérenne en tant que projet d’aménagement du territoire, ne peut toutefois pas être réduit à une définition univoque. Il présente en effet de multiples facettes, évoluant dans le temps et l’espace selon les contextes politiques et économiques à différentes échelles. Nous proposons de retenir en première approche trois critères de définition fondamentaux. Il s’agit premièrement d’un projet d’infrastructure ferroviaire dont la destination – fret, voyageurs ou trafic mixte – varie, longeant le littoral méditerranéen espagnol, et d’une longueur pouvant aller, selon les plans et les époques, de la frontière française à Valence, Alicante, Murcie, Almeria ou Algésiras. Cette première définition est d’emblée problématique car les bornes spatiales et le contenu de l’objet ne sont pas nettement délimités, offrant plusieurs interprétations possibles, successivement ou concomitamment. Il s’agit ensuite d’un projet daté et situé, dont l’origine remonte aux années 1920 dans la région de Valence pour les premières revendications. Durant près d’un siècle, le projet a connu des phases successives d’aménagement ponctuées de documents de planification et d’événements politiques. Son centre de gravité a évolué vers le

2 Commission européenne, The Core Network Corridors. Trans European Transport Network 2013, Bruxelles,

Commission européenne, 2013, 48 p.

3 Ferrmed, Ferrmed Global Study. Ferrmed Great Axis Rail Freight Network and its Area of Influence.,

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nord, c’est-à-dire vers la Catalogne, tout en élargissant son espace de référence à l’Europe. Enfin, le corridor méditerranéen est un projet qui prend une dimension politique fondamentale dans le contexte des rapports de forces entre échelons institutionnels multiples.

Si le terme de corridor méditerranéen est répandu en Espagne, s’il est repris par la Commission européenne, et s’il fait consensus parmi les acteurs impliqués dans le projet à tous les niveaux, son usage renvoie néanmoins à un problème de terminologie. En effet, le terme de corridor tel qu’il est employé par les différents acteurs n’est pas univoque. Il recouvre des réalités ou des visions différentes et fait en cela référence à d’autres termes comme celui d’arc, d’axe, de façade… auxquels il se substitue souvent par commodité d’expression et auxquels il fait néanmoins écho par le sens qu’il contribue à construire. La notion renvoie à un ensemble de sens assez large, pouvant inclure un objet tel que le corridor méditerranéen, mais ne se limitant pas à cette seule acception. La question de la définition des corridors de transport pose problème et sera l’un des enjeux de la thèse : il s’agira de savoir d’une part si le projet dénommé « corridor méditerranéen » correspond à la définition des corridors de transport, et d’autre part s’il permet d’amender ou de compléter cette définition. Dans un premier temps, il est possible de donner une définition a minima du corridor comme espace de largeur variable, orienté longitudinalement autour d’infrastructures de transport qui desservent des territoires. Au cours de la thèse, nous utiliserons le terme d’axe comme l’expression la plus neutre pour désigner l’espace linéaire longeant le littoral méditerranéen, doté de ses caractéristiques propres en termes économiques, démographiques, etc. En revanche, les termes d’arc, de façade ou de rangée, également mobilisés autour du corridor méditerranéen, renvoient à des concepts situés en termes d’organisation du territoire, et parfois datés dans l’histoire des politiques européennes d’aménagement. L’ensemble de ces définitions et du champ sémantique associé au corridor méditerranéen pose problème et devra être interrogé. En première approche, le corridor peut être qualifié « d’idée territoriale », terme qui permet de le désigner dans sa complexité et son lien à l’espace géographique tout en s’affranchissant d’un vocabulaire disciplinaire trop marqué et en faisant référence à la charge symbolique et politique que revêt le projet. Nous travaillerons donc sur un objet géographique caractérisé par le fait qu’il n’existe pas encore. En effet, le corridor méditerranéen est inscrit dans des documents de planification espagnols et européens, il est également au centre d’un débat politique national en Espagne, et il a des impacts sur les territoires par le biais de certains équipements à l’échelle locale, mais il n’est pas réalisé en tant qu’infrastructure de transport, ce qui laisse la possibilité d’une fluctuation des projets et des définitions.

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Le terme de « corridor méditerranéen » est une appellation commune en Espagne, partagée à la fois par les acteurs institutionnels, politiques et économiques, et par la société civile. Toutefois, ailleurs en Europe, son usage semble réservé à un petit groupe de personnes spécialistes des transports dans le sud de l’Europe ou des questions d’aménagement du territoire européen. En effet, nous avons pu constater au cours du travail de recherche que cette appellation désignait en Espagne, si ce n’est une réalité bornée et bien précise, du moins un objet familier à l’ensemble des interlocuteurs, y compris en-dehors du cercle des spécialistes ou des acteurs directement concernés. À l’inverse, il est frappant de remarquer à quel point le corridor méditerranéen est un objet non identifié ailleurs en Europe, et en particulier en France, y compris pour des chercheurs spécialisés dans le domaine des transports et pour des acteurs du monde ferroviaire. Il semble donc y avoir un fort décalage dans l’appréhension du corridor méditerranéen comme objet en Espagne et hors d’Espagne. Nous pouvons faire l’hypothèse que ceci est lié à sa nature politique dans le cadre national : le corridor méditerranéen est un objet de pouvoir au centre de conflits politiques espagnols, ainsi qu’un objet de débat sur la question territoriale4, sur le lien entre Madrid et Barcelone, entre

les Communautés autonomes et le gouvernement central.

Le corridor méditerranéen dans la littérature

Le corridor méditerranéen est un projet relativement peu étudié en tant que tel au regard de son ancienneté. En outre, il est le plus souvent abordé au prisme d’une thématique unique (le fret, les ports, la grande vitesse…). Les études scientifiques sur le sujet sont presque toutes espagnoles, et elles sont essentiellement le fait de chercheurs des régions méditerranéennes.

Plusieurs champs disciplinaires consacrent des analyses à la question du corridor méditerranéen, sous des angles différents qui font ressortir les facettes du sujet. L’économie est la discipline qui produit la majorité des travaux scientifiques sur le corridor. Elle aborde le sujet soit sous l’angle de son impact sur l’économie en général, soit sous un angle sectoriel. La question de l’intérêt du corridor méditerranéen et de sa pertinence socio-économique nourrit une partie des travaux de recherche, qui s’intéressent en particulier aux flux existants

4 Alain Faure, La question territoriale. Pouvoirs locaux, action publique et politique(s), Habilitation à diriger des

recherches, Université Pierre Mendès-France-Grenoble II, Grenoble, 2002, 258 p ; Benoît Pellistrandi, « L’Espagne face à elle-même », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 2002, no 2, p. 57‑71.

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sur l’axe littoral ou potentiellement engendrés par la nouvelle infrastructure ferroviaire5. Il

s’agit dans ces travaux d’une part d’interroger la pertinence de l’investissement dans le corridor méditerranéen eu égard au potentiel de trafic constaté et aux enjeux économiques mondialisés, et d’autre part de comparer le rapport coût-bénéfice du corridor méditerranéen à celui d’autres grandes infrastructures, notamment les lignes à grande vitesse, pour lesquelles des efforts importants ont été consentis en Espagne6. Dans le même temps, certains travaux d’économistes sont focalisés sur un secteur en particulier. En la matière, les principales études portent sur l’agriculture7 et sur l’industrie8, les deux principaux foyers de la revendication du

corridor méditerranéen. Toutefois, ces études ne sont généralement pas centrées sur le corridor mais sur une thématique plus large, comme la question des exportations vers l’Europe par exemple, qui place le corridor au centre d’une partie de l’analyse. À ces questions s’ajoutent celles, centrales pour l’axe ferroviaire en projet, du transport de fret, de la logistique, et de la concurrence intermodale9.

5 Josep Vicent Boira i Maiques, « El corredor de la Mediterrània en l’horitzó del 2025: Fluxos, infraestructures i

escenari global », Idees: Revista de temes contemporanis, 2009, no 32, p. 103‑112 ; Agustí Segarra et al.,

Anàlisis coste-beneficio del corredor mediterráneo y sus alternativas, Tarragone, Universitat Rovira i Virgili,

2013, 94 p ; Germà Bel i Queralt, « La racionalización de las infraestructuras de transporte en España »,

Cuadernos económicos de ICE, 2010, no 80, p. 211‑228 ; Blanca Arenas Ramírez et al., « Cuantificación de

incertidumbres en el trasvase de tráfico de mercancías en ejes de transporte », Santander, XI Congreso de Ingeniería del Transporte, CIT 2014, 2014 ; César Muñoz Martínez, Fernando Barreiro Pereira et Vicente Inglada López de Sabando, « Análisis económico del Corredor Ferroviario Mediterráneo en el marco de la Red Transeuropea de Transporte », RUE: Revista universitaria europea, 2014, no 20, p. 49‑72.

6 Daniel Albalate del Sol et Germà Bel i Queralt, « Cuando la economía no importa: Auge y esplendor de la alta

velocidad en España », Revista de Economía Aplicada, 2011, vol. 19, no 55, p. 171‑ 190.

7 Javier Vidal Olivares, « L’impact des chemins de fer dans l’économie espagnole : le cas de l’agriculture du

Pays valencien, 1850-1914 », Histoire, Economie et Société, 1992, no 1, p. 157‑172 ; David Ferrero Carreres et

Francisco Manuel Moreno Valentín, Estudio y análisis económico de viabilidad de implantación de una planta

hortícola, en el polígono industrial La Redonda de El Ejido, Almería, Mémoire de Master, Universitat

Politècnica de Catalunya, Barcelona, 2014, 197 p ; Juan Carlos Pérez Mesa et Ma Carmen García Barranco,

Influencia de la distribución europea en la gestión logística del exportador: El caso de España, Alemania, Francia y Países del Este, Almería, Universidad de Almería, 2015, vol.45, 228 p ; Alfredo Morales Gil, Aspectos geográficos de la horticultura de ciclo manipulado en España, Alicante, Universidad de Alicante,

1997, 165 p.

8 Joaquín David Romera Franco, « Dinámica industrial, planteamiento y ordenación del territorio en el municipio

de Lorca (Murcia, sureste de España) », Investigaciones Geográficas, 2011, no 54, p. 249‑ 278 ; José Luis

Sánchez Hernández, « La reestructuración industrial en las provincias españolas desde la perspectiva de la rentabilidad », Boletín de la Asociación de Geógrafos Españoles, 1997, no 24, p. 127‑ 146 ; Mariano Serrano,

« Referente mediterráneo. El nuevo muelle de la Química del puerto de Tarragona entra en actividad. », Revista

del Ministerio de Fomento, 2014, no 644, p. 36‑ 37 ; Pedro José Milla Bordera, « La exclusión de la comarca de

la Foia de Castalla (Alicante) por el trazado del nuevo proyecto del Corredor Ferroviario del Mediterráneo »,

GeoGraphos, 2013, vol. 4, no 41, p. 224‑ 239.

9 Vanesa Cámara Boluda, Estudio de la competencia de los puertos de la fachada Este española frente a los del

Norte de Europa como vía de acceso de las mercancías a los mercados europeos. Influencia del corredor mediterráneo, Mémoire de fin d’études, Universidad Politécnica de Valencia, Valencia, 2012, 180 p ; Francisco

Aguayo González et al., « Estrecho de Gibraltar y Autopistas del Mar en la Competitividad del Corredor Mediterráneo », Málaga, V Congreso internacional de ordenación del territorio, 2007 ; Armando Estrada, « La realidad del transporte de mercancias en España. Los fracaso del Corredor Mediterráneo. », Logística,

(23)

15

Les analyses économiques et géographiques du corridor méditerranéen sont indissociables d’une analyse politique du sujet. Elles concernent au premier chef les choix faits en termes d’infrastructures en Espagne et la place du corridor méditerranéen dans ces choix. Elles émanent également de chercheurs engagés, en particulier catalans, comme Germà Bel10 ou valenciens, comme Josep Vicent Boira11. Ces deux auteurs s’expriment aussi régulièrement par des tribunes dans la presse12. L’analyse politique porte également sur les relations avec l’Europe et sur le sens du corridor méditerranéen dans son ouverture sur le marché continental13, ainsi que sur les politiques régionales14.

À la croisée de la géographie et de l’économie, la question de l’intégration régionale est également traitée dans la littérature sous l’angle spatial de la construction d’un ensemble littoral cohérent partageant un certain nombre de caractéristiques communes autour du corridor méditerranéen15, en particulier du point de vue des intérêts économiques et commerciaux, mais également de la construction d’ensembles territoriaux macro-régionaux transporte, paquetería y almacenaje, 2014, no 207, p. 3 ; Armando Estrada, « ¿Puede el corredor mediterráneo

afectar al transporte por carretera? », Transporte y logística terrestre, 2011, no 180, p. 3.

10 G. Bel i Queralt, « La racionalización de las infraestructuras de transporte en España », art cit ; Germà Bel i

Queralt, España, capital París: ¿por qué España construye tantas infraestructuras que no se usan? : una

respuesta económica a un problema político, Barcelona, Destino, 2012, 345 p ; Germà Bel i Queralt,

« Infrastructure and nation building: The regulation and financing of network transportation infrastructures in Spain (1720–2010) », Business History, 2011, vol. 53, no 5, p. 688‑705 ; Carmen Bellet, María Pilar Alonso

Logroño et Antònia Casellas, « Infraestructuras de transporte y territorio. Los efectos estructurantes de la llegada del tren de alta velocidad en España », Boletín de la Asociación de Geógrafos Españoles, 2010, no 52, p. 143‑

163.

11 Josep Vicent Boira i Maiques, « Infraestructuras y financiación en España: hacia un nuevo paradigma » dans

Oriol Nel·lo i Colom, Rubén Camilo Lois González et Josefina Gómez Mendoza (dir.), Repen-sar el Estado.

Cri-sis eco-nó-mica, con-flic-tos terri-to-ria-les e iden-ti-da-des polí-ti-cas en España, Santiago de Compostela,

Universidad de Santiago de Compostela, 2013, p. 101‑109 ; Josep Vicent Boira i Maiques, « Débats et combats: al voltant del corredor mediterrani », Revista de Catalunya, 2013, no 282, p. 3‑6 ; Josep Vicent Boira i Maiques

et David Prytherch, « Ordenar el territorio con corredores. Espacio y política en España a propósito de la revisión de la red TEN-T de la Unión Europea. », Universidad de Zaragoza, Análisis espacial y representación geográfica: innovación y aplicación, 2015.

12 Josep Vicent Boira i Maiques, « Los otros y Catalunya », La Vanguardia, 15 mai 2014 ; Josep Vicent Boira i

Maiques, « Un corredor chino », La Vanguardia, 3 juill. 2014 ; Josep Vicent Boira i Maiques, « Un corredor alemán », La Vanguardia, 3 janv. 2014 ; Germà Bel i Queralt, « Corredor para todos », La Vanguardia, 20 oct. 2011 ; Germà Bel i Queralt, « Un gobierno isabelino », La Vanguardia, 1 juill. 2014.

13 Josep Vicent Boira i Maiques, Euram 2010: la via europea, Valencia, Tres i Quatre, 2002, 196 p ; Josep

Vicent Boira i Maiques, « L’Eix Mediterrani: entre les dinàmiques locals i la perspectiva megaregional »,

Documents d’anàlisi geogràfica, 2010, vol. 56, no 1, p. 91‑109 ; César Muñoz Martínez, La red transeuropea de

transportes y el corredor Mediterráneo, Madrid, Working Paper, 2012.

14 José A. Díez Verdejo et Javier Pinazo Hernandis, « La eurorregión Pirineos-Mediterráneo: una evaluación

estratégica », Cuadernos constitucionales de la Cátedra Fadrique Furió Ceriol, 2005, no 52, p. 131‑ 153 ;

Rafael Giménez i Capdevila, « Ideologia i geopolítica en la configuració del sistema de transports transpirinenc (1982-2011) », Treballs de la Societat Catalana de Geografia, 2012, p. 79‑ 99 ; Francesc Carbonell Llovera et Josep Báguena, « El proceso de construcción del arco mediterráneo: una calle de doble dirección », Papers:

Regió Metropolitana de Barcelona: Territori, estratègies, planejament, , no 44, p. 8‑ 19.

15 José Maria Serrano Martinez, « Del arco al eje mediterraneo en España. Hacia la consolidacion de un corredor

de transportes », Finisterra, 2012, XLVII, no 93 ; Jesús Montesinos, « El imposible Corredor Mediterráneo »,

(24)

16

susceptibles d’une meilleure intégration dans l’Union européenne et dans les marchés mondialisés. Il s’agit donc d’une prise en compte des questions territoriales par leurs à la fois enjeux économiques et politiques. Le rapport entre le territoire et l’infrastructure est également abordé, que ce soit à l’échelle nationale pour souligner la place du corridor méditerranéen dans le schéma général des transports16, à l’échelle des régions du littoral concernées par le projet17 pour mettre en évidence la construction d’un territoire méditerranéen, où à l’échelle locale à travers des études d’impact18 portant sur l’implantation

d’équipements de transports et sur leurs conséquences.

À la littérature scientifique sur le corridor méditerranéen, relativement concentrée autour des travaux de quelques auteurs clés, s’ajoute une abondante production de littérature grise sous forme de rapports, d’études et de documents institutionnels, publiés à tous les échelons. En Espagne, les documents de planification nationaux sont majoritairement consacrés à l’ensemble du réseau, et de ce fait n’accordent que rarement une place centrale au corridor méditerranéen, qui y est évoqué comme l’un des multiples projets d’infrastructures proposés. Toutefois, le Ministerio de Fomento (le Ministère chargé notamment des Transports)19 publie régulièrement des communiqués ou des rapports sur le corridor méditerranéen20. Ces documents spécifiques au corridor sont souvent produits au fil de l’eau, entre deux documents de planification, afin de s’inscrire dans un moment fort du débat politique. Certains d’entre

16 Joan Olmos, « España, invertebrada a gran velocidad », L’ESPILL, 2011, no 37, p. 2‑12.

17 J.V. Boira i Maiques, « Débats et combats », art cit ; J.V. Boira i Maiques, « L’Eix Mediterrani », art cit ;

Lluis Català i Oltra, L’Eix Castello-Tortosa-Tarragona. Economia, poblacio i infraestructures al node central de

l’arc mediterrani, Valencia, IIVEE, 2013, 93 p.

18 Ana Isabel Escoms Martínez, El Corredor Mediterráneo como oportunidad: análisis y perspectivas del suelo

destinado a actividades económicas en la provincia de Valencia, Mémoire de Master, Universidad Politécnica

de Valencia, Valencia, 2014 ; J.D. Romera Franco, « Dinámica industrial, planteamiento y ordenación del territorio en el municipio de Lorca (Murcia, sureste de España) », art cit ; M. Serrano, « Referente mediterráneo. El nuevo muelle de la Química del puerto de Tarragona entra en actividad. », art cit ; P.J. Milla Bordera, « La exclusión de la comarca de la Foia de Castalla (Alicante) por el trazado del nuevo proyecto del Corredor Ferroviario del Mediterráneo », art cit ; D. Ferrero Carreres et F.M. Moreno Valentín, Estudio y análisis

económico de viabilidad de implantación de una planta hortícola, en el polígono industrial La Redonda de El Ejido, Almería, op. cit. ; Miguel Huertas Fernández, Centralidad e identidad local en geografías hiperescalares: las cartografías de las encrucijadas territoriales del sudeste ibérico, Mémoire de fin d’études, Escuela Técnica

Superior de Arquitectura de Granada, Granada, 2012, 53 p.

19 Au sens propre fomento signifie « développement ». Comme intitulé ministériel, le terme recouvre les

questions d’aménagement, de logement, de transport et d’équipement. Il n’est pas traduisible de manière synthétique.

20 José Blanco López, « Comparecencia del Ministro de Fomento, José Blanco, en la Comisión de Fomento del

Congreso. Corredor Mediterráneo. 15 de septiembre de 2011 », Madrid, 2011 ; Maribel de Álamo, « Finalizada la primera fase del corredor mediterráneo para velocidad alta. A todo tren », Revista Fomento y Medio Ambiente, juin 1997, p. 57‑62 ; Ministerio de Fomento, INECO et ADIF, Estudio del corredor ferroviario mediterráneo, Madrid, Présentation du Ministère, 2011 ; Ministerio de Fomento, Corredor Ferroviario Mediterráneo, Madrid, Présentation du Ministère, 2011 ; Ministerio de Fomento, Proyecto de implantación del ancho UIC en el

Corredor Ferroviario Mediterráneo, Madrid, Présentation du Ministère, 2012 ; Ministerio de Fomento, Nota aclaratoria sobre el Corredor de Mercancías no6 y el Corredor Mediterráneo, Madrid, Note de presse, 2013.

(25)

17

eux ne sont en réalité que des présentations à la presse ou aux institutions régionales qui n’ont pas donné lieu à des publications institutionnelles, mais qui contiennent néanmoins, outre les productions graphiques utilisées comme support visuel, des informations factuelles sur l’avancement du projet et des informations sur la position politique du gouvernement central dans le débat. L’échelon régional, qui est souvent à l’origine d’une relance du corridor méditerranéen comme thème politique, ne produit pas directement de rapport sur le sujet, même s’il s’associe aux initiatives du secteur privé en la matière. En revanche, la Generalitat de Catalogne, c’est-à-dire le gouvernement autonomique, publie régulièrement des communiqués de presse sur le sujet21. Par ailleurs, le secteur privé, en particulier les associations d’entreprises, ainsi que certains think-tanks comme l’Institut Ignasi Villalonga pour l’Économie et l’Entreprise (IIVEE) sont à l’origine de nombreux rapports, souvent confiés à des universitaires comme Josep Vicent Boira dans le cas de l’IIVEE22, dont les publications sont centrées sur la politique territoriale, ou comme César Camisón Zozorna, de l’Université de Valence, pour l’Association valencienne des entrepreneurs (AVE)23, qui

présente des études économiques sur le corridor méditerranéen.

À l’échelle européenne, le corridor méditerranéen n’est pas, jusqu’en 2011, la dénomination officielle d’un projet porté par l’Union européenne. Toutefois, depuis cette date et en particulier depuis l’adoption définitive des 9 corridors multimodaux du réseau central24, la Commission produit un certain nombre de documents sur le sujet. En effet, la DG-Move, c’est-à-dire la Direction générale à la Mobilité et aux Transports, publie sur chacun des

21 Generalitat de Catalunya, Catalunya presenta a Brussel·les el Manifest per millorar la competitivitat dels

serveis multimodals al Corredor Mediterrani,

http://www.govern.cat/pres_gov/AppJava/govern/notespremsa/285939/catalunya-presenta-brusselles-manifest-millorar-competitivitat-serveis-multimodals-corredor-mediterrani.html , 30 juin 2015, (consulté le 1 août 2015) ; Generalitat de Catalunya, La Generalitat reclama al govern francès que tot el Corredor Mediterrani tingui les

mateixes característiques i funcionalitat,

http://premsa.gencat.cat/pres_fsvp/AppJava/notapremsavw/199288/ca/generalitat-reclama-govern-frances-corredor-mediterrani-tingui-caracteristiques-funcionalitat.do , 16 mai 2013, (consulté le 1 août 2015) ; Generalitat de Catalunya, Territori i Sostenibilitat lidera un projecte europeu per potenciar el transport

ferroviari de mercaderies al Corredor Mediterrani,

http://premsa.gencat.cat/pres_fsvp/AppJava/notapremsavw/183709/ca/territori-sostenibilitat-lidera-projecte-europeu-potenciar-transport-ferroviari-mercaderies-corredor-mediterrani.do , 19 février 2013, (consulté le 1 août 2015) ; Generalitat de Catalunya, El conseller Recoder presenta l’Agenda Catalana per al Corredor

Mediterrani,

http://premsa.gencat.cat/pres_fsvp/AppJava/notapremsavw/125897/ca/conseller-recoder-presenta-lagenda-catalana-corredor-mediterrani.do , 20 octobre 2011, (consulté le 1 août 2015).

22 Institut Ignasi Villalonga, La Via economica de l’Euram. 10 anys, Valencia, Institut Ignasi Villalonga

d’Economia i Empresa, 2010, 194 p ; J.V. Boira i Maiques, Euram 2010, op. cit. ; L. Català i Oltra, L’Eix

Castello-Tortosa-Tarragona. Economia, poblacio i infraestructures al node central de l’arc mediterrani, op. cit.

23 César Camisón Zozorna, Estudio del impacto económico de las inversiones del corredor ferroviario

mediterráneo en la Comunidad Valenciana, Valencia, AVE, 2011, 165 p ; César Camisón Zozorna, Efectos del corredor mediterráneo en la competitividad de la economía valenciana, Valencia, AVE, 2012, 289 p.

(26)

18

corridors un rapport présentant la méthodologie retenue pour sa mise en œuvre ainsi qu’une revue de littérature des travaux existants sur le sujet25. Ce rapport porte essentiellement sur

des questions d’ingénierie et sur les problèmes d’aménagement à résoudre, comme la réduction des goulots d’étranglement. D’après lui, une seule étude a été pour l’heure réalisée sur l’ensemble du tracé du corridor, à travers six pays : une étude prospective commandée par la DG-Move est réalisée par le bureau d’études Setec International26. Elle prend en compte les opportunités économiques du corridor méditerranéen et modélise le trafic potentiel induit par l’infrastructure. Le rapport de la DG-Move souligne également que les études menées en Espagne – qui ne sont souvent pas rendues publiques – concernent majoritairement les prévisions de demande pour la grande vitesse et l’étude des infrastructures de fret existantes et prévues, avec un intérêt particulier pour les connexions portuaires et les goulots d’étranglement. Enfin, au niveau européen, un groupe de pression spécialisé dans la promotion du corridor méditerranéen, Ferrmed, publie régulièrement des études sur le sujet, avec en particulier un rapport fondateur en 200927, suivi d’un certain nombre d’autres études concernant des aspects très techniques du corridor, de l’infrastructure au matériel roulant28. Ces études, parfois réalisées par le truchement ou en association avec d’autres organisations et avec des organismes de recherche, sont destinées à convaincre la Commission européenne et le gouvernement espagnol de la nécessité de faire avancer le projet de corridor méditerranéen, en se plaçant sur le terrain technique. Contrairement à d’autres projets transeuropéens de transport (comme le corridor Rotterdam-Gênes)29, le corridor méditerranéen ne fait toutefois

pas l’objet du travail d’un groupe de recherches spécialisé.

25 Commission européenne, Mediterranean Core Network Corridor Study. Final Report, Bruxelles, Commission

européenne, 2014, 440 p.

26 François Guédel, Etude du marché de transport sur le corridor méditerranéen. Application au transport de

marchandises, Mémoire de fin d’études, École Nationale des Ponts et Chaussées, Champs-sur-Marne, 2014,

70 p.

27 Ferrmed, Ferrmed Global Study. Ferrmed Great Axis Rail Freight Network and its Area of Influence., op. cit. 28 Ferrmed et Cenit, Plan d’action à court, moyen et long terme dans le corridor méditerranéen (entre Lyon et

Algésiras), Bruxelles ; Barcelone, Ferrmed, en cours ; Alstom et al., Ferrmed Locomotive Concept (Étude sur le concept de locomotive de marchandises), Bruxelles / Barcelone, Ferrmed, 2009 ; KTH-Railway Group et TÜB, Ferrmed Wagon Concept (Étude sur le concept de wagon de marchandises), Bruxelles, Ferrmed, 2010 ; Ferrmed

et EU Core Net Cities, Bottom-up analysis and proposals concerning sections: Torino – Lyon – Marseille –

Barcelona – Valencia – Murcia – Almería and Barcelona – Lleida – Zaragoza, Bruxelles ; Barcelone, Ferrmed,

2015, 78 p ; Cenit, Mediterranean Corridor’s South Layout Proposed by Ferrmed, Barcelone, Ferrmed, 2012, 154 p ; Ferrmed, Short, Medium and Long Term Action Plan Proposed by Ferrmed, Bruxelles, Ferrmed, 2012, 39 p ; Ferrmed, FERRMED Report on the Actions in the Mediterranean Corridor. Executive Summary, Bruxelles, Ferrmed, 2012.

29 Krupp Fördertechnik GmbH, APRICOT – Advanced Pilot T rimodal Transport Chains for the Corridors West

– South/South-East Europe of Combined Traffic, Bruxelles, Krupp Fördertechnik GmbH, 1999, 142 p ; Ibid. ;

Victor Behrends et al., The CREAM Project. Final Report Technical and operational innovations implemented

on a European rail freight corridor, Hannovre, HaCon, 2012, 116 p ; Silvia Zangherati (dir.), Alpen Corridor South Final Report, Venise, AlpenCorS, 2003, 25 p ; Integrating the Seaways of the Southern Baltic Sea into the

(27)

19

Dans ce contexte marqué par une forte dimension nationale espagnole de la recherche sur le corridor méditerranéen et par une prédominance des angles économiques dans les analyses, l’approche géographique du projet reste à explorer assez largement. La dimension territoriale peut être abordée en prenant en compte un certain nombre de champs connexes, notamment les enjeux liés aux transports, les enjeux urbains, les enjeux euro-méditerranéens, et les enjeux politiques (cf. Figure 1).

Figure 1- Approcher le corridor méditerranéen par des thématiques connexes

C’est donc à la croisée des travaux sur plusieurs thématiques que se situera notre étude du corridor méditerranéen, se plaçant résolument du point de vue de la géographie et prenant pour angle d’analyse les questions territoriales, quasi absentes de la littérature scientifique et plus encore de la littérature grise sur le sujet.

Pan European Transport System,

http://www.transport-

research.info/Upload/Documents/200909/20090917_175914_25143_Baltic%20Gateway%20-%20Final%20Report.pdf , 2006, (consulté le 16 juillet 2014) ; Liana Giorgi et Annuradha Tandon, Strategic

Assessment of Corridor Developments, TEN Improvements and Extensions to the CEEC/CIS,

http://www.transport-research.info/Upload/Documents/200310/codeten.pdf , 2002, (consulté le 16 juillet 2014) ; Adnan Rahman, Thematic Network for European Transport policy Information System Development, Leiden, Rand Europe, 2005, 45 p ; AustriaTech, Freight Transport FORESIGHT 2050, Bruxelles, 1st Freightvision Forum, 2009, 88 p ; New Opera, New European Wish: Operation Project for European RAil network, Bruxelles, The European Freight and Logistics Leaders Forum, 2008, 188 p ; Esko Niskanen (dir.), TIPP- Final Report.pdf, Leeds, Commission européenne, 2005, 117 p.

•Lobbying •Géopolitique

espagnole •Place des régions •Eurorégions •Intégration régionale •Planification •Interopérabilité •Gouvernance •Grande vitesse •Fret •Ports •Multimodalité / intermodalité •Gares •Aménagement urbain •Métropolisation •Accessibilité

Enjeux urbains Transports

Politique Enjeux

euro-méditerranéens

(28)

20

Entre omniprésence et indifférence

Le corridor méditerranéen est traversé par une multiplicité d’enjeux et d’intérêts, si bien qu’il apparaît dans sa fragilité, son équivocité et sa malléabilité. Devant cette situation, le chercheur peut éprouver, à plusieurs titres, un certain étonnement quant à la façon dont le corridor méditerranéen est défini et utilisé de manière différentielle par les acteurs, et quant à la façon dont il est pris en charge dans la littérature.

La forte présence, notamment médiatique, du corridor méditerranéen, sous la forme d’une prolifération du sujet, sans matérialisation apparente de l’infrastructure, est un premier élément fort. En effet, le corridor méditerranéen est très présent dans les débats, il est investi d’un sens politique et économique, et il est brandi par des acteurs de types et de niveaux différents comme un attribut territorial ou une revendication politique. Dans le même temps, le corridor méditerranéen reste depuis près d’un siècle à l’état de projet d’infrastructure, dont la réalisation est toujours programmée mais jamais réalisée. Dans ce contexte, faut-il considérer le corridor méditerranéen comme un objet uniquement discursif, qui serait le signe d’autre chose restant à définir, et qui ne serait donc pas principalement un projet d’infrastructure ferroviaire ?

La deuxième clé de lecture est liée à la passion que le corridor méditerranéen semble déchaîner en Espagne et qui est révélée par le relais médiatique intense qui lui est accordé. Au niveau national, le surinvestissement du sujet est notamment le fait des acteurs régionaux et locaux, qui mettent l’accent sur le caractère transeuropéen du projet comme garantie de sa légitimité et comme assurance de sa possible réalisation. En effet, tout se passe jusqu’alors comme si le sujet était uniquement espagnol et ne recouvrait qu’un problème d’aménagement ou de géopolitique nationale. Le décalage entre le surinvestissement du corridor méditerranéen aux échelles régionale et nationale et sa faible représentation à l’échelle européenne incite à considérer le statut des projets transeuropéens comme objets de planification réels, ou comme éléments de légitimation de projets ancrés dans des réalités locales.

Enfin, paradoxalement, le corridor méditerranéen suscite également une certaine indifférence, en particulier en France. En effet, qu’on le considère comme un projet d’aménagement transeuropéen – concernant donc la France au même titre que les autres pays traversés – ou comme un projet espagnol dont la vocation est d’assurer l’interconnexion avec le réseau français, l’hexagone occupe une place essentielle dans le dispositif. Pourtant, la

(29)

21

« transparence » du corridor méditerranéen au nord des Pyrénées semble montrer une ignorance quasi totale du sujet, sauf chez quelques acteurs du monde ferroviaire impliqués dans les projets transfrontaliers. Les acteurs des régions frontalières, en particulier du Languedoc-Roussillon, concernées par le projet de LGV Montpellier-Perpignan sont parmi les rares à avoir une vision de l’interconnexion avec l’Espagne, quoique les péripéties de la LGV soient elles aussi envisagées dans un cadre avant tout national. Pour la plupart des autres acteurs, le corridor méditerranéen est un sujet jugé exclusivement espagnol, parce qu’il est associé à un débat politique national, et parce qu’il est envisagé uniquement sous l’angle de l’interopérabilité du réseau, c’est-à-dire de l’adaptation des lignes ibériques aux standards européens.

De ce paradoxe (la France est le maillon central du corridor méditerranéen, mais elle semble s’en désintéresser) naît la nécessité de prendre en compte le corridor méditerranéen comme un objet composite, intégrant plusieurs dimensions qui parfois se complètent ou parfois se jouxtent sans communiquer. Il faut également prendre en compte le corridor dans son contexte multiscalaire, comme objet traversant les enjeux propres à différents échelons institutionnels et à différents territoires.

Problématique générale

Notre étude se situe à la croisée de plusieurs champs épistémologiques, territoriaux et institutionnels. Différents éléments participent de la définition et de l’évolution du corridor méditerranéen tout en ne lui étant pas nécessairement spécifiques. En effet, la géopolitique espagnole et les tensions existant entre les Communautés autonomes d’une part et l’État central d’autre part, ainsi qu’entre les régions elles-mêmes contribuent à forger le corridor comme objet politique. Cependant, l’émergence à partir des années 1990 de la planification des Réseaux transeuropéens de Transport (RTE-T)30 complexifie le jeu d’acteurs autour du projet. En outre, le corridor méditerranéen est né, pour les régions qu’il traverse, de problèmes économiques. Ces problèmes sont aujourd’hui toujours d’actualité, en particulier dans le contexte de la crise économique et des choix qu’elle implique en faveur de la relance de la croissance, de l’emploi et de la réindustrialisation. Enfin, le corridor méditerranéen est traversé d’enjeux territoriaux à toutes les échelles, par exemple celui de la métropolisation des

30 Commission européenne, Towards Trans-European Networks for a Community Action Programme, Bruxelles,

(30)

22

grandes villes littorales et de la quête d’une image de marque sur la scène internationale, en particulier pour renouveler la fréquentation touristique et attirer de nouvelles activités tertiaires.

Le corridor méditerranéen, en tant que projet d’aménagement, s’inscrit donc dans un contexte géographique multiscalaire englobant des enjeux locaux, régionaux, nationaux et euroméditerranéens. En effet, il repose sur des logiques politiques, économiques et d’aménagement qui donnent lieu à quatre niveaux de lecture, perceptibles à travers les différents niveaux de discours employés pour y faire référence : le corridor méditerranéen est aussi bien un terme du langage commun pour désigner un projet ferroviaire et une zone littorale, un terme technique englobant notamment des éléments d’ingénierie, un terme politique qui porte le projet sur la scène du débat national, et un terme du langage scientifique employé par les chercheurs pour décrire un objet polymorphe (cf. Tableau 1).

Niveau de discours Acteurs concernés Thèmes associés au corridor

Discours courant Société dans son ensemble

Projet ferroviaire Zone littorale

Ensemble d’infrastructures et d’équipements sur le littoral méditerranéen

Discours technique Acteurs du transport Acteurs institutionnels Ingénieurs Lobbies Interopérabilité

Voierie et matériel roulant

Solutions techniques (troisième rail…) Sécurité ferroviaire

Évaluation de l’impact du projet

Discours politique

Acteurs politiques Acteurs institutionnels Associations d’entreprises

Confrontation Madrid / littoral Construction d’un réseau national Question territoriale Planification Discours scientifique Chercheurs Universitaires Lobbies Évaluation socio-économique Histoire du corridor Analyse de discours

Tableau 1- Quatre niveaux de discours pour le corridor méditerranéen

À l’échelle infranationale, le corridor représente à la fois une opportunité d’aménagement urbain, un instrument pour le développement des régions, et un objet politique. C’est le caractère politique du projet qui fait le lien entre les échelles régionale et nationale, puisqu’il cristallise les rapports de forces entre ces deux échelons. Par ailleurs, le corridor méditerranéen, comme projet d’aménagement transeuropéen, est à la croisée de la planification espagnole, qui traduit les choix nationaux en termes d’infrastructures et d’organisation du territoire, et de la planification européenne, porteuse d’objectifs d’interconnexion et d’interopérabilité à l’échelle continentale. Enfin, il faut considérer que le corridor méditerranéen s’inscrit également à l’échelle mondiale, bien que celle-ci soit moins

Figure

Figure 1- Approcher le corridor méditerranéen par des thématiques connexes
Figure 2- Les trois dimensions du corridor méditerranéen
Figure 3- La notion de corridor et ses renvois dans le dictionnaire de Roger Brunet
Figure 4- Typologie des corridors de transport
+7

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