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PREMIÈRE PARTIE L’OBJET IRRÉGULIER

Dans le document La régularisation en droit administratif (Page 53-57)

55. — Tout procédé de régularisation est relatif, en ce sens il n’y a de régularisation que s’il existe préalablement un objet à régulariser, c’est-à-dire un objet atteint d’une irrégularité qu’il s’agit de consolider. L’objet de la régularisation présente donc deux caractéristiques. Il est, d’une part, un objet irrégulier et, d’autre part, un objet préservé.

56. — L’irrégularité n’est pas une caractéristique intrinsèque de l’acte, de la norme ou de la situation dite « irrégulière ». En effet, l’irrégularité est le résultat d’un rapport de dissemblance entre un objet tel qu’il est — l’acte, la norme ou la situation — et cet objet tel qu’il devrait être en vertu d’une règle particulière. En d’autres termes, l’irrégularité dépend du rapport qu’entre- tiennent un objet et une norme qui s’applique à lui. En outre, l’irrégularité est le résultat d’un examen auquel procède un observateur de cet objet. Cet examen consiste, comme nous ve- nons de le dire, à comparer un objet tel qu’il est avec le même objet tel que le droit exige qu’il

soit. Dès lors, un acte, une norme ou une situation sont illégaux si un observateur démontre

qu’ils s’écartent d’un « modèle » défini par les normes juridiques. Cette assertion comporte cependant deux grandes imprécisions.

En premier lieu, quelle est l’identité de cet observateur capable de constater la commission d’une irrégularité pour ensuite procéder, inviter ou contraindre à l’adoption d’une mesure correctrice ? Nous verrons que les procédés de régularisation suivent le constat d’une irrégula- rité fait par un organe disposant d’une compétence juridique. L’identité de cet organe est va- riable, puisqu’il peut s’agir aussi bien d’une juridiction que d’un organe administratif ou du législateur. Le constat de l’irrégularité peut en outre intervenir à l’occasion du contrôle sponta- né de la régularité d’un objet ou à l’occasion d’un litige particulier.

En second lieu, tout écart d’un objet vis-à-vis de son « modèle juridique » peut-il être suivi d’une opération de régularisation ? En d’autres termes, toutes les illégalités sont-elles « régula-

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risables » ¹ ? Si non, quels sont les vices irrémédiables, ceux dont le constat empêche tout re- cours à la régularisation ? Nous serrions tenté de répondre, intuitivement, que les vices for- mels sont en quelque sorte « naturellement » remédiables et qu’à l’inverse, le constat d’un vice grave ou de la méconnaissance d’une règle substantielle ne peut qu’entraîner la disparition de l’objet irrégulier. Nous verrons que cette affirmation intuitive ne correspond pas à la diversité des procédés de régularisation. En effet, sous réserve de rares exceptions, tous les vices sont a

priori remédiables. Le seul véritable critère du vice remédiable est celui de la possibilité de le

supprimer sans altérer les caractéristiques essentielles de l’objet qui en est atteint. La régulari- sation est en effet une mesure de consolidation.

57. — La régularisation étant un acte de consolidation, elle s’oppose fondamentalement à la disparition de l’objet irrégulier. Ainsi, l’objet des procédés correcteurs est d’assurer la stabili- té de l’action administrative, à laquelle s’opposent évidemment les procédés destructeurs que sont l’annulation, le retrait, l’abrogation, l’interdiction d’appliquer, la démolition de l’ouvrage public ou encore la récupération de la subvention versée.

L’expression « disparition de l’objet irrégulier » renvoie aussi bien la destruction totale de cet objet qu’à l’altération de ses caractéristiques essentielles. Autrement dit, nous prenons la dispari- tion de l’objet au sens large, en y incluant les hypothèses dans lesquelles l’objet ne disparaît pas totalement mais est modifié si profondément qu’il ne peut pas être considéré comme maintenu. En somme, parce qu’on régularise toujours un objet préexistant et parce que la régularisation a toujours pour but d’assurer la permanence de cet objet, la modification pro- fonde n’est pas un procédé correcteur. En revanche, la modification limitée — c’est-à-dire la modification qui n’altère pas les caractéristiques essentielles — d’un acte, d’une norme ou d’une situation peut relever de la régularisation.

La régularisation s’oppose à la discontinuité matérielle, c’est-à-dire à l’altération des carac- téristiques essentielles de l’objet irrégulier. Elle s’oppose également à la discontinuité tempo- relle, c’est-à-dire à la disparition temporaire de l’objet. En d’autres termes, une fois qu’un acte, une norme ou une situation ont disparus, ils ne peuvent plus être régularisés mais seulement

1. Si cette expression est souvent employée, nous ne la trouvons guère appropriée. En effet, on ne « corrige » ou ne « régularise » pas une illégalité mais l’objet qui en est affecté. « Régulariser un vice » signifie « rendre un vice régulier », ce qui n’a aucun sens. Cependant, l’expression étant aujourd’hui présente dans la législation (cf. par ex. les art. L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme), dans la jurisprudence (C.É., 8 juin 2011, Com- mune de Divonne-les-Bains, req. nº 327515 ; Rec., p. 278 ; B.J.C.P., 2011, p. 380 et s., concl. Bertrand DACOS- TA, note Rémy SCHWARTZ) et dans les écrits de la doctrine, nous entendrons « régulariser le vice » comme « sup- primer le vice afin de régulariser l’objet vicié ».

être reconstitués sous une nouvelle forme. Sur ce point, le législateur et le juge ont développé différentes techniques de consolidation de l’action administrative en cours d’instance ou à la suite d’une annulation.

58. — Toute régularisation implique le constat d’une irrégularité (Titre I) et la préserva- tion de l’objet irrégulier (Titre II). Toutefois, les modalités du constat de l’irrégularité et celles de la préservation de l’objet irrégulier varient considérablement d’un procédé de régularisation à l’autre. L’examen des caractéristiques de l’objet irrégulier pourrait donc s’avérer décevant, ne permettant pas de dégager des règles communes à toutes les techniques correctrices.

Dans le document La régularisation en droit administratif (Page 53-57)