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LA PRÉSERVATION DE L’OBJET

Dans le document La régularisation en droit administratif (Page 169-173)

211. — Un procédé de régularisation est toujours relatif à un certain objet irrégulier qui, purgé de son vice initial, se trouve préservé ¹, confirmé ², consolidé ³, stabilisé ⁴ ou encore sauvegardé ⁵. Tels sont donc l’effet produit et le but recherché lorsqu’on a recours à la régulari- sation : en rendant l’objet qu’elle vise conforme au droit, elle assure sa permanence. Prévenant la disparition des normes juridiques et la remise en cause des situations factuelles contraires à une règle de droit, la régularisation est largement considérée, y compris par le Conseil d’État ⁶, comme un moyen de garantir la sécurité juridique ⁷.

La régularisation concerne donc toujours un objet particulier dont elle assure la permanen- ce. Elle est ainsi dotée d’un caractère foncièrement relatif, en ce sens qu’on ne régularise ja- mais qu’un existant, soit, en droit, une règle ou une situation de fait. La relativité de la régula- risation emporte deux conséquences.

212. — En premier lieu, parce qu’elle est relative à un objet, la régularisation doit préser- ver ses caractéristiques propres : on ne saurait valablement parler de « régularisation » — de même qu’on ne peut pas parler de « préservation », de « sauvegarde » ou de

1. Élise LANGELIER, Aurélie VIROT-LANDAIS, « Mérites et limites du recours à la régularisation… », J.C.P. Adm., 2015, nº 30-34, 2245, p. 38, nº 1.

2. Jean-Jacques ISRAËL, op. cit., p. 230.

3. Christian DUPEYRON sur La régularisation des actes nuls, op. cit., p. 4 ; Jean-François LAFAIX, Essai sur le traitement des irrégularités…, op. cit., p. 245.

4. Ibid.

5. Vincent DAUMAS, concl. sur C.É., Sect., 1er juill. 2016, Commune d’Émerainville et a., Rec., p. 303.

6. C.É., Sect., 1er juill. 2016, Commune d’Émerainville et a., préc. : « L’administration peut ainsi, pour des motifs de sécurité juridique, régulariser le versement de la subvention annulée ».

7. Cf. notamment Jean-Marie WOEHRLING, « Un aspect méconnu de la gestion administrative : la régularisa- tion des procédures et décisions illégales », R.F.A.P., 2004, no 3, p. 540 ; Élise LANGELIER, Aurélie VIROT-LAN- DAIS, op. cit., p. 6, no 9 ; Vincent DAUMAS, concl. préc., Rec., p. 304 ; Jean-François LAFAIX, « La régularisation en matière contractuelle », C.M.P., 2017, nos 8 – 9, étude nº 9, no 1 (l’auteur emploi l’expression synonyme de « stabilité des situations juridiques individuelles ») ; Henri BOUILLON, « La régularisation d’un acte administratif après annulation conditionnelle : une technique en gestation », A.J.D.A., 2018, p. 142 ; Rozen NOGUELLOU, « Régularisation et droit de l’urbanisme », R.F.D.A., 2018, p. 370 ; Sophie ROUSSEL, Charline NICOLAS, « Do- cuments d’urbanisme : régulariser à tout prix », chron. sur C.É., Sect., 22 déc. 2017, Commune de Sempy, A.J.D.A., 2018, p. 272 ; Gweltaz ÉVEILLARD, « Les effets de la régularisation, des effets rétroactifs ? », in Alix PERRIN, La régularisation, Paris, Mare & Martin, 2018, p. 63 ; Didier TRUCHET, « Rapport de synthèse », in ibid., p. 269.

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« confirmation » — d’un objet substantiellement transformé. En d’autres termes, une mesure de régularisation doit conserver les caractéristiques de son objet, assurer sa permanence d’un point de vue matériel, non le remplacer par un objet nouveau qui n’aurait rien de commun avec le premier.

Toutefois, purger une norme ou une situation du vice qui l’affecte exige parfois, justement, d’en affecter les caractéristiques. L’illégalité pouvant tenir, ainsi que nous l’avons vu ¹, à l’es- sence même de l’objet vicié, la question se pose de savoir si la norme ou la situation peut à la fois subir une modification et être considérée comme régularisée. Notre réponse, contraire- ment à celle donnée par une partie de la doctrine universitaire et des membres de la juridic- tion administrative, sera positive : la modification fait partie des procédés de régularisation. Elle n’en fait toutefois pas partie en bloc. Nous montrerons qu’une modification peut, sous deux conditions, être considérée comme une mesure de régularisation : qu’elle n’altère pas les caractéristiques essentielles de son objet et qu’elle soit seulement motivée par un but correc- teur. De la sorte, la régularisation assure la continuité matérielle de son objet, tout en permet- tant des évolutions limitées.

213. — En second lieu, ne peut être régularisé que ce qui ne cesse pas d’exister. La régula- risation s’oppose ainsi aux procédés « négatifs », tels que l’annulation ou le retrait ², au moyen desquels la légalité est rétablie par disparition des objets viciés. À l’inverse, l’objet régularisé, lui, est sauvegardé. Le concept de régularisation s’accommode donc mal des hypothèses de discontinuité temporelle, c’est-à-dire de disparition de la norme ou de la situation irrégulière.

Mécanisme mis au service de la sécurité juridique, la régularisation apparaît cependant comme un moyen efficace pour prévenir l’apparition de discontinuités. Elle intervient ainsi de plus en plus souvent dans le cours même des instances juridictionnelles, permettant au juge et à l’administration d’éviter les annulations inopportunes. La régularisation apparaît également comme un moyen de pallier les conséquences des annulations par la validation des effets qu’ont produits les actes annulés ou par la reconstitution a posteriori — donc rétroactive — d’une continuité rompue.

1. Cf. supra, p. 153 et s.

214. — Le présent titre sera donc consacré au caractère conservateur de la régularisation : bien qu’elle procède d’un nouvel acte ¹ et qu’elle supprime une illégalité, cette technique a pour objet la préservation de ce qui existe. La régularisation assure nécessairement la continui- té matérielle (Chap. I) et temporelle (Chap. II) de son objet. Cependant, l’hétérogénéité des instruments par lesquels la permanence de l’objet irrégulier est assurée sont d’une grand diver- sité, faisant à nouveau obstacle à une rationalisation aboutie des procédés correcteurs. En d’autres termes, nous verrons que la régularisation consolide son objet de multiples manières, y compris par la modification.

Dans le document La régularisation en droit administratif (Page 169-173)