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A — Les fondements de l’opposition directe entre les concepts de régularisation et de modification

Dans le document La régularisation en droit administratif (Page 198-200)

244. — Il est délicat d’identifier les fondements de la distinction entre régularisation et modification. Ils nous paraissent relever de considérations diverses, lesquelles restent en géné- ral sous-entendues. En effet, la doctrine n’expose pas clairement ce qui empêche de considérer qu’une modification peut avoir un effet correcteur.

Nous pensons cependant qu’il est possible de distinguer deux types de considérations qui conduisent à distinguer la modification de la régularisation. Le premier raisonnement peut être qualifié d’ontologique et d’a priori : l’essence respective de la régularisation et de la modi- fication seraient radicalement distinctes (1). Le second raisonnement peut être, à l’inverse, qualifié de téléologique et d’a posteriori : la régularisation est distincte de la modification et relève donc d’un régime particulier. En d’autres termes, l’opposition de ces deux techniques sert dans ce cas une démonstration bien précise, raison pour laquelle on la retrouve dans les conclusions de rapporteurs publics (2).

1. Vincent DAUMAS, concl. sur C.É., Sect., 1er juill. 2016, Commune d’Émerainville et a., R.F.D.A., 2017, p. 293 (nous soulignons). Cf. également, de manière bien moins explicite : Julie BURGUBURU, concl. sur C.É., Sect., 22 déc. 2017, Commune de Sempy, Rec., p. 390 : « toute modification plus importante […] ne relève de fait plus tant de la régularisation/confirmation […] que de la modification ».

2. Louis DUTHEILLET DE LAMOTHE, Guillaume ODINET, « La régularisation, nouvelle frontière de l’excès de pouvoir », A.J.D.A., 2016, p. 1861.

1. Les fondements ontologiques de la distinction entre régularisation et modification

245. — L’exclusion des procédés modificatifs du champ de la régularisation résulte d’une définition restrictive de cette notion. Elle découle de l’idée selon laquelle la régularisation ne peut avoir pour objet que de valider un acte ou une situation ; elle ne pourrait donc jamais en altérer les caractéristiques, même de manière limitée. Ainsi, comme l’expliquait Christian DUPEYRON dans sa thèse sur la régularisation de l’acte nul en droit civil, cette technique s’op- pose à celles « de création ou de modification d’un acte puisqu’elle ne constitue qu’une valida- tion » ¹.

Ce choix définitionnel découle de la considération que certains membres de la doctrine porte à l’objet de la régularisation. En effet, comme nous l’avons dit précédemment, ce procé- dé est toujours relatif à un acte, une norme ou une situation particuliers. Or l’altération des caractéristiques de l’objet aurait nécessairement pour conséquence de le remplacer. Autrement dit, en modifiant par exemple les commandements contenus dans acte unilatéral, l’adminis- tration leur en substituerait de nouveaux et ne se contenterait pas de « rétablir la conformité » des premières. La modification induirait donc toujours et exclusivement une nouveauté, tan- dis que la régularisation serait, à l’inverse, toujours et exclusivement « conservatrice ».

246. — Par ailleurs, la régularisation et la modification pourraient être distinguées du point de vue de leur finalité. En effet, contrairement à la réfection que nous avons précédem- ment étudié, la portée correctrice de la modification est très largement contingente. Une mo- dification n’a pas nécessairement pour objet et pour effet d’assurer la conformité d’un objet aux règles de droit. Ainsi, alors que le recours à la réfection est généralement ² — voire, selon certaines définitions, nécessairement ³ — motivé par des considérations de légalité, le recours à la modification est d’ordinaire motivé par des considérations l’opportunité. La modification, contrairement à la réfection, ne procède pas a priori d’une intention corrective.

1. Christian DUPEYRON, La régularisation des actes nuls, op. cit., p. 9.

2. Cf. par ex. vº « Réfection », in Gérard CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, op. cit. : « Action de refaire un acte ; établissement d’un nouvel acte instrumentaire destiné à remplacer un acte antérieur (en général nul pour vice de forme), sans en modifier au fond la teneur. »

3. Élise LANGELIER et Aurélie VIROT-LANDAIS définissent la réfection comme « une technique de correction d’une irrégularité » (in « Mérites et limites du recours à la régularisation… », J.C.P. Adm., 2015, nos 30-34, 2245, no 4).

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La doctrine n’est pas d’une grande précision sur les raisons profonde de cette distinction. L’opposition entre les techniques de régularisation et de modification relèverait en quelque sorte de l’évidence. C’est également l’impression que nous ressentons à la lecture des conclu- sions de certains rapporteurs publics : cette opposition, qui est une base de la réflexion, n’y est pas vraiment démontrée. En revanche, les raisons profondes pour lesquelles certains rappor- teurs publics la reprennent apparaissent plus nettement.

2. Les fondements téléologiques de la distinction entre régularisation et modification

247. — Dans ses conclusions sur l’affaire Commune d’Émerainville et autres, Vincent DAU- MAS définit la régularisation comme une démarche tendant à « sauvegarder les effets produits par un acte administratif entaché d’un vice, sans les modifier ». Le choix de cette définition semble reposer sur deux raisons principales.

D’une part, le rapporteur public explique qu’elle est induite « des illustrations fournies par les différentes veines jurisprudentielles » relatives aux autorisations d’urbanisme, aux contrats publics, aux ouvrages publics, aux systèmes de traitement automatisé de données et aux titres exécutoires ¹. En d’autres termes, cette définition serait conforme au droit positif ². Cepen- dant, le rapporteur public ne montre pas en quoi ces exemples jurisprudentiels impliquent de considérer que la régularisation ne peut pas être modificative.

D’autre part, et il nous semble qu’il s’agit de la raison principale de ce choix définitionnel, ses conséquences pratiques sont opportunes pour résoudre l’affaire portée devant le Conseil d’État. Plus précisément, cette définition permet à Vincent DAUMAS de soutenir l’ab- sence d’incompatibilité entre la régularisation et l’interdiction faite à l’administration d’adop- ter des actes rétroactifs (a). Nous évoquerons ensuite les conclusions prononcées par Julie BURGUBURU sur l’affaire Commune de Sempy, dans lesquelles cette distinction, quoique plus implicite, permet de justifier, dans cette espèce, le recours à la régularisation, plus précisément en montrant que la régularisation consiste à appliquer les règles qui étaient en vigueur au mo- ment où l’objet irrégulier est apparu (b).

1. Vincent DAUMAS, concl. préc., R.F.D.A., 2017, p. 293.

Dans le document La régularisation en droit administratif (Page 198-200)