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A — Une faible valeur explicative

Dans le document La régularisation en droit administratif (Page 150-153)

185. — Afin de montrer que la distinction des vices selon le critère de l’élément de l’acte qui est affecté n’a pas de prise sur les mécanismes de régularisation, nous proposerons une critique de la première partie de la thèse de Jean-Jacques ISRAËL.

D’une part, l’auteur fait usage de la distinction élaborée par François GAZIER : le premier titre de la première partie de la thèse porte sur la régularisation des actes entachés d’un vice de légalité externe, le second sur celle des actes affectés d’un vice de légalité interne. Le recours à cette classification ne nous semble pas suffisamment justifié par l’auteur. Après avoir mention- né les défauts de la distinction entre légalité externe et légalité interne ¹, l’auteur avance trois motifs pour expliquer son utilisation : cette présentation est simple, son existence repose sur des facteurs historiques — qui ne sont pas davantage détaillés — et elle est employée par le juge dans le cadre de la jurisprudence Société Intercopie ². En revanche, Jean-Jacques ISRAËL n’explique pas que cette classification serait particulièrement adaptée à l’étude des mécanismes correcteurs.

D’autre part, chacun des deux titres de la première partie de cette thèse reposent sur la catégorisation classique des éléments de l’acte normatif. L’auteur explique les raisons pour

1. Jean-Jacques ISRAËL, op. cit., p. 24. 2. Ibid., p. 25.

lesquels la régularisation de l’acte ne peut pas être envisagée, qu’il soit entaché d’une incompé- tence, d’un vice de forme, d’un vice de procédure ou que ses motifs soient irréguliers. Il résul- te toutefois de la thèse de Jean-Jacques ISRAËL que l’impossibilité pour l’administration de régulariser un acte ne dépend absolument pas de la nature du vice qui l’affecte mais qu’elle tient à des règles générales du droit et du contentieux administratifs. En d’autres termes, les distinctions entre, d’une part, vice de légalité externe et vice de légalité interne et, d’autre part, incompétence, vice de forme, vice de procédure et irrégularité des motifs ne renseignent en rien sur les mécanismes correcteurs. Nous le montrerons en deux temps.

186. — En premier lieu, l’auteur relève que la régularisation est impossible pour deux rai- sons transversales, c’est-à-dire indépendantes de la nature du vice, qu’il s’agisse d’un vice de forme ou de procédure ¹, d’une incompétence ² ou d’une irrégularité des motifs ³. D’une part, le juge administratif ne prend pas en considération les événements de fait ou de droit surve- nus après l’émission d’un acte. D’autre part, il est fait interdiction à l’administration de pren- dre des mesures rétroactives. Ces deux raisons n’ont aucun lien avec la nature du vice en cau- se.

187. — En second lieu, Jean-Jacques ISRAËL précise qu’à ces motifs généraux s’ajoutent, pour chaque vice, des motifs spéciaux.

S’agissant des vices de forme et de procédure, l’auteur considère qu’admettre l’accomplisse- ment des formalités postérieurement à l’édiction de l’acte reviendrait à « priver de tout effet l’obligation qui pèse sur l’administration » ⁴, qu’il s’agisse de l’obligation de consulter tel orga- ne ou telle personne ⁵, de transmettre les motifs de sa décision ⁶ ou de signer l’acte qu’elle prend ⁷.

S’agissant des incompétences, l’auteur propose trois raisons pour expliquer le rejet de la ratification, c’est-à-dire l’acte par lequel une autorité compétente s’approprie la décision prise

1. Ibid., p. 55 et s. 2. Ibid., p. 87 et s. 3. Ibid., p. 141 et s.

4. Ibid., p. 58. La phrase concerne spécifiquement la régularisation des vices de formes. On trouve une appré- ciation similaire pour les vices de procédure deux pages plus loin : « Si l’on prend l’exemple des consultations, on a démontré que le juge exigeait que celles-ci soient préalables à la décision. Et cette règle est justifiée, car tout accomplissement postérieur prive de son contenu l’exigence de consultation » (p. 60).

5. Ibid., p. 60. 6. Ibid., p. 58. 7. Ibid., p. 59.

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par une autorité incompétente. D’une part, ce procédé « consacre une atteinte au principe d’exercice personnel des compétences » et permet à l’agent « de modifier l’ordre des compé- tences » ¹. D’autre part, la ratification ne peut être assimilée à une délégation de pouvoir don- née ex post, celle-ci devant nécessairement être conférée par un acte écrit et publié avant l’in- tervention de l’autorité délégataire. Enfin, en admettant que la ratification vaille délégation de pouvoir, celle-ci constituerait une violation de l’interdiction faite à l’administration d’édicter des actes rétroactifs.

S’agissant enfin des vices de légalité interne, l’auteur lie l’impossibilité de procéder à une régularisation au fait que le motif est, d’un point de vue logique, antérieur à l’acte, et qu’« il ne saurait par conséquent être constitué par un élément postérieur » ².

188. — Les raisons que Jean-Jacques ISRAËL qualifie de « propres » à chaque vice ne nous paraissent en réalité ni spéciales, ni indépendantes des justifications générales qui ont été évo- quées précédemment.

D’une part, l’auteur insiste, à propos de chaque type d’illégalité, sur le fait que la régulari- sation priverait de son sens la règle initialement violée : si l’administration avait la possibilité d’exécuter ex post la formalité exigée — signer, transmettre une motivation, consulter, obtenir l’approbation de l’autorité compétente ou faire valoir un motif valable —, elle serait dépour- vue d’intérêt. Or les justifications employées par Jean-Jacques ISRAËL ne sont en définitive pas liées à chacun des vices mais à l’idée, très générale, selon laquelle les conditions d’édiction des actes administratifs — qu’elles soient relative à la forme, à la procédure, à la compétence ou aux motifs — n’ont de signification que si elles doivent être observées ex ante.

D’autre part, ces justifications spécifiques ne sont en réalité pas indépendantes des règles générales mentionnées plus haut. Lorsque Jean-Jacques ISRAËL écrit que « parce qu’elles concernent l’élaboration de l’acte, les règles de la procédure administrative non contentieuse ne valent que si elles sont antérieures à l’acte » ³, que « la délégation de pouvoir […] doit être autorisée par un texte préexistant » ⁴ ou encore que « l’antériorité des motifs est un élément de leur légalité » ⁵, il vise en réalité les règles selon lesquelles la légalité d’une décision s’apprécie

1. Ibid., p. 89. 2. Ibid., p. 141.

3. Ibid., p. 60. Nous soulignons. 4. Ibid., p. 90. Nous soulignons. 5. Ibid., p. 143. Nous soulignons.

nonobstant les événements postérieurs à sa signature ¹ et l’administration ne peut pas adopter de mesure rétroactive.

En définitive, la distinction des vices selon le critère de l’élément de l’acte administratif qui est affecté se révèle être un outil superflu dans les travaux de Jean-Jacques ISRAËL. Nous ver- rons qu’une approche décloisonnée des vices permet de décrire plus fidèlement la régularisa- tion.

Dans le document La régularisation en droit administratif (Page 150-153)