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compromis technocratiques

1.6.2 Nouvelles dotations administratives : les actions de connaissances et leur domaine d’action d’action

L’article 14 de la loi sur l’eau de 1964 fixe les principes généraux des agences financières de bassin61 : dotée de personnalité civile et d’autonomie financière, une agence est un établissement public qui œuvre au niveau de chaque bassin ou groupement de bassin, afin de faciliter les actions et projets d’intérêt commun. Les territoires sont intégrés au sein des organigrammes, à charge pour eux de répondre à leurs enjeux propres par un traitement à échelle locale. Leur nature est précisée par décret d’application : atteinte des objectifs qualité et de l’équilibre entre besoins et ressources ; protection contre les inondations ; production des ressources. La loi institue un régime de déclaration des prélèvements et une réglementation des rejets dans le sous-sol. Elle rend également obligatoire l’établissement des périmètres de protection pour tous les nouveaux captages d’eau potable. Le bilan de cette disposition, plus de trente ans plus tard, sera cependant jugé de manière critique pour son effectivité dans un rapport du Conseil Général des Mines de 1996 :

« La loi de 1964 avait été créée pour pallier les difficultés d’application du décret-loi de 1935 portant sur le régime d’autorisation préalable : on constate que l’appareil législatif bute sur la même problématique de déclaration des forages. La loi sur l'eau de 1964 avait introduit une obligation de déclaration de tous les forages de captages d'eau souterraine dès lors que leur capacité excédait 8 m3/h et de mesure des volumes prélevés avec tenue d'un registre. Cette obligation n'a été que très imparfaitement respectée alors même qu'elle est la base de toute connaissance des eaux souterraines et a fortiori de leur gestion 62».

61 Futures agences de l’eau.

110 Dotées de ressources propres fondées sur la perception des redevances sur les prélèv ements d’eau et les rejets d’eaux usées, les Agences exercent une action de nature financière, de prêt ou de subvention aux maîtrises d’ouvrage. Elles sont chargées de contribuer à l’exécution d’études, de recherches, d’ouvrages et de travaux d’intérêt commun aux bassins. Elles disposent en ce sens du produit de redevance sur la pollution et l’exploitation des ressources en eau, et accordent des subventions et prêts.

Le principe de redevance visait à inciter les pollueurs à limiter leurs émissions, ainsi qu’à instaurer une mobilisation financière plus importante destinée à couvrir les besoins en équipements collectifs. Lors de la discussion du projet de loi au Sénat, on adjoint aux é tablissements publics la proposition des comités de bassin composés d’usagers comme instance consultative, afin de ne pas faire de la politique de l’eau une prérogative de l’État. La redevance permet aussi le financement de projets portés par des tiers (collectivités, universités et instituts de recherche) ou la maîtrise d’ouvrage directe.

Via le conditionnement des aides financières à des études préalables, la loi crée ainsi un volume d’activité dont bénéficient les établissements publics et privés chargés de faire progresser les connaissances hydrogéologiques du territoire. Dans les premières années, les travaux ont été réalisés par des hydrogéologues recrutés sur ouverture de postes dans les services déconcentrés de l’État : Service Régional d’Aménagement des Eaux (SRAE), Centres d’Étude Techniques de l’Équipement (CETE), départements ainsi que dans les nouvelles agences financières de bassins.

Aux niveaux régional et local, les services du Génie Rural et des Ponts et Chaussées, les services techniques des villes font appel aux compétences du BRGM, qui se voit confier de nombreuses missions d’inventaire, de cartographie, de création de réseaux piézométrique et de qualité. Ces commandes, sous l’appellation d’actions concertées » ou « travaux pour tiers », augmentent les crédits propres du BRGM, suivant la législation des Etablisse ments Publics à Caractère Industriel et Commercial (EPIC).

Le développement de leurs activités et offres commerciales s’articule à celui des politiques publiques. Au BRGM, l’ouverture aux eaux souterraines impulsée en 1961 s’incarne dans les organigramme s. En 1966, Jean Margat crée un Service d’Hydrogéologie au sein du Département de géologie. Ce développement s’accompagne d’une augmentation des effectifs. Les ingénieurs qui le composent établissent des guides méthodologiques à destination des Services G éologiques Régionaux et à l’étranger. Il revient sur cette période :

« Je suis arrivé au BRGM en 1961, juste au début d’une période de fort développement de l’hydrogéologie ; j’ai dirigé le service du BRGM les premières années puis il y a eu une croissance très forte. On a commencé à 4-5 hydrogéologues quand je suis arrivé puis à ma retraite on était 200. Pas

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tous au centre, mais disséminé dans toutes les régions de France, on avait créé des services dans les régions. Et une partie de l’activité de ces Services Géologiques Régionaux (SGR) était basé sur les eaux souterraines.

À l’échelon régional, les hydrogéologues répondent aux commandes publiques et développent la connaissance générale des eaux : les points de réseaux de mesure s’amplifient. On s’intére sse aux relations entre eaux souterraines et eaux de surface, à l’évaluation des variations de régime entre année sèche et année humide. Des thèmes de recherche qui furent développés précédemment en Afrique du Nord. Suivant le découpage en bureaux régionaux, la démarche suivie est celle d’un travail géologique naturaliste de caractérisation des aquifères. La régionalisation des services se poursuit par la délocalisation des locaux. Installé à Paris dans les années 1960, le BRGM est relocalisé à Orléans entre 1967 et 1968. Elle s’accompagne de la mise en œuvre de l’inventaire des ressources hydrauliques (IRH) au sein des services géologiques régionaux.

En parallèle de ces administrations apparaissent des entreprises privées spécialisées dans la production de conseil ou services dédiés à l’hydrogéologie. Le secteur privé participe de cette tendance : des bureaux d’étude spécialistes de l’hydraulique ou des industries extractives s’ouvrent sur les problématiques des eaux souterraines.

Durant deux décennies, l’ouverture de postes dans leur spécialité favorise l’essor de ces formations. La création de centre de recherches, l’émergence de nouvelles disciplines, la création des Agences de Bassin, des services géologiques régionaux du BRGM assurent des débouchés prof essionnels pour les jeunes diplômés. On dispose de statistiques sur les effectifs étudiants de la période : on compte en moyenne annuelle 20 thèses de troisième cycle d’Hydrogéologie soutenues dans la décennie 1960. Suivant les événements de 1968, l’université française se transforme avec la réforme des Unités d’Enseignement et de Recherche. Le succès des filières de troisième cycle de Géologie Appliquée spécialisés en hydrogéologie dans les années 1960 appelle à l’ouverture d’autres diplômes similaires : en 1966 à l’université de Grenoble, en 1970 à Besançon. De nouvelles universités apparaissent, avec la mise en place de laboratoires d’hydrogéologie dans les villes de Marseille, Lille et Strasbourg. Avias créé une unité transversale, intitulée Ressources naturelles et Aménagement régional : les connaissances des ressources sont au service des enjeux de l’aménagement du territoire.

Ce chiffre passe à 35 thèses annuelles dans la décennie 1970, pour un total avoisinant les 700 thèses sur la même période. Parmi ces diplômés, on compte une forte proportion d’étudiants en provenance des anciennes colonies : géologues et hydrogéologues du Maroc et de la Tunisie sont formés à l’Ecole française d’hydrogéologie, avant leur retour à des postes de formateurs dans les universités locales.

112 Les chiffres sont moins précis pour le nombre de DEA délivrés à l’époque63. On en compte plus de 1500 entre 1960 et 1985 (dont 250 DEA délivrés pour Paris entre 1960 et 1976). Répondant à une double finalité, professionnelle et scientifique, ces diplômes de troisième cycle sont poursuivis pour une moitié d’étudiants par la préparation sur 3 ans d’une thèse dont la soutenance donne le titre de Docteur. Ces thèses peuvent être des monographies hydrogéologiques d’un bassin ou d’un grand aquifère, ou bien le compte-rendu d’expérimentation de nouveaux outils. Elles jouent un rôle important dans le développement des savoirs, à en juger par les nombreuses mentions aux travaux de thèses dans l’ouvrage Aquifères et Eaux Souterraines en France, synthèse de référence sur les connaissances des ressources hydrogéologiques françaises (Roux & al., 2006).

1.6.3 Rôle du secteur privé dans la gestion des eaux souterraines des Trente

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