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publiques au tournant des années 1980 avec l’apparition des technologies Down To Hole

1.8 Tournant des années 2000 : l’apparition de la surexploitation et des pollutions dévoilent l’ambivalence des volets réglementaires dévoilent l’ambivalence des volets réglementaires

1.8.4. France/Inde : le solutionnisme face aux vieilles incertitudes

La publication des données de la NASA, via son programme d’analyses de gravimétrie : NASAS’s Gravity Recovery and Climate Experiment (GRACE), rendent internationale une affaire qui ne devait demeurer que dans un entre-soi national. Visant à mesurer l’évolution de la gravitation terrestre, ce programme révèle des données alarmantes. Les données satellites montrent que les régions aux alentours de New Delhi et de Jaipur (Rajasthan) consomment les réserves des nappes captives en même temps que leurs recharges issues des précipitations de la mousson. La baisse des réservoirs hydrogéologiques altère légèrement le champ gravitationnel de la Terre : du moins suffisamment pour être détecté par un satellite situé à près de 500 kms de la surface de la Terre. Ces analyses satellites donnent un constat alarmant : une perte annuelle de 18 km3 dans les zones arides et semi-arides de l’Ouest (Rajasthan, Punjab, Haryana). D’autres instituts publient des données alarmantes. En 2009, le National Geophysical Research Institute estime que 54 km3 sont extraits chaque année entre Delhi et le Bangladesh : les plaines alluviales où l’extraction a été première. Selon l’étude du projet GRACE, la consommation des eaux souterraines dépasse le taux de recharge, résultant en une baisse de 30 centimètres par ans entre 2002 et 2008. Au fil des années, la publication de chiffres témoignant de baisse de nappes alarmantes dans différentes régions de l’Inde

a suscité un grand nombre d’articles

dans la presse nationale destinée au grand public(Richard-Ferroudji, 2016).

En 2018, 54% des aquifères sont en situation de baisse, qui comptabilisent 40% des ressources hydriques du pays. Le secteur agricole représente 80% des usages de l’eau du pays. Les deux tiers des États régionaux indiens ne parviennent pas à gérer la moitié de leurs eaux destinées à l’irrigation hors situation de surexploitation. Suivant les estimations, il est probable que les besoins en eau du pays doublent d’ici 2030, (Bender, 2018). Par ces chiffres, l’ampleur des enjeux semble évaluée, en même temps que l’incertitude est jugulée. Des programmes sont mis en place, en prévention de la crise.

Le Programme National de Cartographie et de Gestion des Aquifères (NAQUIM), débuté lors du 12e plan Quinquennal dans le cadre du grand projet national de Gestion et de Réglementation des Eaux Souterraines (Ground Water Management and Regulation). La présentation du programme par le Ministère qui comporte les mots clés de la gestion du 21e siècle : changement climatique et durabilité. Suivant des études de cartographie découleront des plans de gestion à même de régler une situation critique : « NAQUIM est un programme de délimitation et d’identification des masses d’eau. Ce

programme de cartographie participera à évaluer la quantité et la qualité des eaux d’un aquifère. Il jouera un rôle instrumental dans l’évaluation des seuils durables de l’extraction des eaux souterraines. Il apportera également sa contribution afin de rendre le pays résilient au changement climatiq ue […] A

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terme, l’objectif de ce programme est de préparer des plans de gestion, en concertation avec les parties-prenantes et les États régionaux, qui identifieront les moyens de recharge et autres mesures afin de faire remonter les la baisse tendancielle des eaux souterraines. Ce plan participera à l’élaboration d’un scénario hydrogéologique prévisionnel, tandis que les opérations de recharge participeront à sensibiliser les parties-prenantes à un usage optimisé de l’eau 106».

La présentation des technologies mobilisées pour les actions de connaissance appelle au sentiment d’admiration du lecteur : la sophistication des outils, l’ampleur, pharaonienne du projet, sont des gages de succès : « Sur une base nationale de 2 300 000 km2 accessible à la cartographie, l’objectif du

12ème plan quinquennal est de cartographier 889 000 km2. Cette cartographie est prise en charge par le CGWB, à l’échelle du 50 000ème, sur 3 dimensions […] C’est la première fois qu’une entreprise de cartographie des aquifères d’une si grande envergure est entreprise dans le pays. Des technologies de pointes (études géophysiques par hélicoptère) sont mobilisées sur certains secteurs. Des logiciels sophistiqués (RockWorks, ARC GIS, Modflow, Map Info, etc.) ont été utilisés en préparation d es plans de gestion107 » (MofWR, 2017).

On reste cependant décontenancé devant les chiffres de ce chantier, toujours inachevé, qui se perpétue depuis les plans d’évaluation des décennies précédentes, derrière des atours nouveaux. En France aussi, la multiplicité des usages des eaux souterraines, la complexité des phénomènes qui guident leurs évolutions spatio-temporelles et la difficulté à recueillir et interpréter des données décrivant leurs caractéristiques de façon pertinentes, rendent tout aussi complexe la compréhension des eaux souterraines. Malgré un investissement estimé à 181 millions d’euros pour la surveillance des comités d’évaluation du milieu aquatique sur la période 2007- 2015, l’état de 30% des masses d’eau a été déclaré comme « inconnu » en 2010, en partie en raison des difficultés techniques rencontrées pour produire des informations synthétiques sur l’état des masses d’eau (Henriot & al, 2015).

En France, le solutionnisme technologique semble lui aussi être un passage obligé de la littérature professionnelle, comme dans ce compte-rendu des journées internationales de l’AIH de 2016 : « Le

106“Government of India has launched a project for Aquifer Mapping and Management (NAQUIM). Mapping

would assist in estimating the quantity and quality of ground water in an aquifer and would help in assessment of sustainable level of ground water extraction. This would also help in making the Country climate change resilient […] The final objective of the program is to prepare Management Plans, in consultation with stakeholders and State Governments, which will identify the recharge and other measures to replenish the declining trend of groundwater. This Plan would help in predicting the ground water scenario, the recharge potential and possibilities and would also help in educating the stakeholders in water use efficiency”.

107“Out of 23 lakh mappable area of the Country, the target for the 12th Plan is 8.89 Lakh Sq.km. This mapping is being undertaken by Central Ground Water Board (CGWB) on the scale of 1:50,000 in 3D […] This is the first time that aquifer mapping has been taken on such a large scale in the Country. Advanced technologies like heli-borne geophysical surveys are being used for mapping in certain areas. Sophisticated softwares like RockWorks, ARC GIS, Modflow, Map Info etc have been used in preparation of Management plans”.

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XXIe siècle est celui des autoroutes de l’information et, maintenant, celui du big data. Les eaux souterraines n’y échappent pas ». Deux sessions portaient sur des techniques innovantes : d’une part

l’application de la géodésie et de la gravimétrie (par télédétection et in-situ) à l’hydrogéologie et, d’autre part, les nouvelles capacités offertes par les fibres optiques, notamment pour des mesures de température à haute résolution en forage […]. Des sessions étaient ainsi consacrées au partage des

connaissances sur les eaux souterraines (la « médiation hydrogéologique »), à l’apport du « digital » dans la gestion et la mise à disposition des données hydrogéologiques […] voire pour le développement d’approches participatives en direction du grand public. Ces sessions, ainsi que celles concernant la modélisation et l’économie, ont rappelé que les méthodes et outils permettant de résoudre ces problèmes font maintenant partie du domaine opérationnel. La modélisation concerne maintenant l’ensemble des applications hydrogéologiques (quantité, qualité, transport, réactif le cas échéant, stockage de CO2, de chaleur, etc.) ainsi, nous le verrons plus loin, que des coupla ges tels qu’hydrogéologie-économie, hydrogéologie-biologie » (Géologues, Décembre 2016).

A-t-on affaire ici à une conviction sincère dans les apports technologiques et leur capacité à disrupter des activités professionnelles, ou bien à une simple stratégie , un discours de la profession visant à déployer ses capacités d’adaptation au digital en même temps que son utilité sociale ? Un extrait d’article par Bigorre nous semble représentatif d’une certaine indifférence, si ce n’est une certaine suspicion, pour la prospective et les effets d’annonce des plans d’aménagement hydrogéologiques :

L’analyse des études prospectives réalisées ces 40 dernières années, dans le domaine de l’eau montre que les anticipations se vérifient très rarement. En 1970, il était prévu pour le bassin Rhin-Meuse, à l’horizon 2000, une augmentation de 45 % de la population, un triplement des prélèvements et une très forte augmentation des volumes de déchets et de leur impact sur les eaux. Aucune de ces trois prévisions ne s’est révélée exacte. Les prélèvements totaux ont légèrement régressé dans les eaux souterraines (moins de 600 millions de m3 en 2013), l’augmentation de la population s’est limitée à 10 % et les problématiques de gestion des déchets se sont très vite résorbées. À l’inverse, l’apparition de pollutions diffuses agricoles n’avait pas été anticipée en 1970. Compte tenu de ces éléments qui incitent à la prudence vis-à-vis des perspectives futures, deux grands axes de préoccupation se dessinent aujourd’hui pour le futur des eaux souterraines : le premier concerne l’émergence de nouvelles substances polluantes qui ne présentent pas d’effets aigus aux très faibles concentrations là où elles sont présentes. Cependant, on ne maîtrise pas nécessairement les effets chroniques à long terme de ces substances sur l’organisme humain et sur les organismes aquatiques vivant dans les cours d’eau et les plans d’eau en interactions avec les eaux souterraines(Bigorre, 2015).

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1.8.5 Bilan à l’heure des enjeux contemporains : une valorisation des activités des

praticiens qui s’accompagne d’injonctions interdisciplinaires, minant la constitution

en discipline forte

La rétrospective des activités hydrogéologiques en France et en Inde tout au long du 20ème siècle est un exercice difficile, qui implique deux exigences contradictoires. D’un côté, un effort de synthèse et de choix des sujets à aborder. Les travaux déjà réalisés sur les politiques agricoles françaises et indiennes nous ont permis de sélectionner certaines archives dans la masse des docum ents traités, qui n’avaient pas encore fait l’objet d’analyse. D’un autre côté, la compréhension des activités contemporaines des hydrogéologues des deux pays nous forçaient à des incursions dans un temps plus long, et sur d’autres territoires.

Une idée principale émerge : celle des origines globales de la discipline dans les deux pays. Un différentiel, majeur, demeure : l’hydrogéologie française s’établit dans des expériences scientifiques ponctuelles dès le 19ème siècle. Plus tard, des géologues de formation œuvrent dans les territoires d’Afrique du Nord, innovent et accumulent une expérience rapatriée en métropole. Un nouveau transfert opère, puisque l’hydrogéologie française s’exporte dans d’autres pays. En Inde, l’administration coloniale britannique élabore et complexifie des techniques de cartographie encore balbutiante dans le Royaume, motivée par des enjeux géopolitiques. Un patronage qui aurait pu constituer une base d’héritage pour l’hydrogéologie indienne. L’Indépendance de l’Inde et les enjeux internationaux du temps donnent aux praticiens sur place un nouvel allié. Avec la doctrine Truman, l’hydrogéologie indienne se dote d’un solide patron : l’USGS. Et surtout, de l’expérience des praticiens américains en Californie, premier terrain historique des conséquences de la surexploitation des eaux souterraines. Entre l’Afrique du Nord et la Californie, le référentiel d’un climat semi-aride est partagé.

L’histoire comporte d’autres points de comparaison :l’hydrogéologie a une fonction instrumentale, orientée vers la facilitation des industries extractives. Simple auxiliaire, elle n’est à l’origine qu’une spécialité de la géologie appliquée. Plus tôt, en France, des ouvertures se développent, dans lesquelles le statut de la discipline se jouent : l’hydrogéologie devient matière à enseignement et à recherche. Mais ce n’est véritablement que dans le début des années 1950 que les activités de recherche sur les eaux souterraines que cette orientation se confirme.

L’hydrogéologie s’autonomise de son socle initial, les sciences de la Terre, qui permet

l’apparition d’un domaine de recherches à part entière. Ce mouvement est indissociable de celui des personnes spécialistes, qui développent des carrières scientifiques propres. La reconnaissance des travaux d’ingénieurs honoré par leurs successeurs, l’usage continu à-travers les siècles de lois et de

176 coefficient éponymes (Darcy et le darce), sont autant de signes faisant état de la constitution en discipline autonome. Mais la valorisation des pères fondateurs de la discipline, la formation d’un champ de connaissances sont des éléments insuffisants pour juger de la position d’une discipline par rapport aux autres, du prestige et de la reconnaissance accordées à ceux qui acquièrent un savoir. La création d’une discipline ne dit rien sur l’autorité auxquels ceux qui l’exercent peuvent prétendre à l’intérieur du champ scientifique. On peut néanmoins affirmer que la préséance de l’hydrogéologie sur d’autres disciplines reste mineure : les principes élaborés n’ont pas eu vocation à inspirer d’autres disciplines.

Hors des cercles universitaires, dans la fonction publique, nous verrons également que la discipline ne constitue pas une voie donnant accès à des postes d’importance. Les possibilités d’évolution de carrière, en dépit de concours ardus, sont dans certains territoires quasiment absentes. Ces situations sont parfois sources de frustration en termes de carrière, parfois en termes de possibilité d’action. Les entretiens et les questionnaires quantitatifs effectués, qui donnent lieu à une partie suivante, nous ont parfois surpris par les épanchements auxquels ils donnaient lieu, en Inde comme en France.

Dans la reconnaissance de son utilité par les pouvoirs publics, l’hydrogéologie, face à l’injonction à la disciplinarité, joue à nouveau son statut de discipline à part entière. L’apparition de champs d’intervention à la demande des pouvoirs publics permet de développer de nouvelles techniques de prospection, d’instruments de mesure… jusqu’aux logiciels de modélisation d e comportement des aquifères, sollicités pour des problématiques de gestion.

Depuis quelques années, la prégnance des outils de modélisation n’est pas d’ailleurs sans susciter des débats quant à la perte de dimension naturaliste de l’hydrogéologie : « l’hydrogéologue a aujourd’hui

souvent une double compétence, chose rare il y a encore 10 à 15 ans. Il lui faut, par contre, redécouvrir le terrain… car une bonne gestion des ressources en eau doit se fonder sur des modèles correctement structurés et calibrés, qui doivent, à cet effet, pouvoir bénéficier de données représentatives et fiables collectées sur le terrain en toute connaissance de cause 108».

L’hydrogéologie devient une profession à part entière, fortement sollicitée, mais toujours dans cette vocation de pluridisciplinarité, qui rend la discipline poreuse. L’ouverture aux injonctions de gestion publique et aux sciences humaines, reste un point de contention pour une discipline dont l’autonomisation de la géologie est récente. On peut citer à ce propos Ghislain de Marsilly : « ce début

du XXIe siècle continue donc la tendance qui s’est amorcée depuis la fin des années 1980, en l’amplifiant beaucoup. La gestion des ressources en eau appelle une approche franchement disciplinaire.

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L’hydrogéologie s’ouvre à d’autres métiers et est obligée d’acquérir de nouvelles compétences dans différents domaines. Elle s’ouvre aux sciences molles : la gestion des ressources en eau doit prendre en compte les dimensions sociales (souhaits, besoins des acteurs) et les dimensions économiques inscrites dans une analyse globale des intérêts et contraintes du système considéré ».

Une ouverture dans laquelle le statut de la discipline continue de se jouer. Plus de 50 ans après sa publication, on retrouve les enjeux développés dans la préface du manuel d’hydrogéologie de Schoeller : ni le géologue, ni l’ingénieur, ni l’hydraulicien ne peuvent s’improviser hydrogéologue. Dès 1962, interdisciplinarité et double compétence étaient des injonctions fortement présentes.

Autre évolution commune pour les deux pays : la bureaucratisation des activités des hydrogéologues se fait de plus en plus prégnante, avec l’apparition d’activités de gestion. Dans les entretiens réalisés en Inde, on constate que les critiques sur les dispositifs réglementaires et législatifs propres aux eaux souterraines, loin de constituer des débats restreints à un cercle d’administrateurs et d’universitaires, ont été intériorisées par les employés de ces mêmes organisations. Les employés jugent leurs organisations entravées par des goulots d’étranglements ; le principe de l’application d’une législation est jugé improbable, les sanctions et contrôles, impossibles. Au fil des années, les titulaires estiment que leurs activités de terrain ont été peu à peu remplacées par celles de facilitateurs. Les réformes constitutionnelles de 1992 portant sur la décentralisation administrative (amendements 73 et 74 de la Constitution) sont tardivement implémentées, les pouvoirs publics délaissant les activités de gestion de l’eau aux échelons municipaux (Gram Panchayat pour les zones rurales) ou d’arrondissements (Ward Committee pour le tissu urbain). Dans ce contexte, les employés du CGWB sont chargés d’accompagner des initiatives locales de développement (mise en place de réservoirs d’irrigation, initiatives locales de développement à l’échelle d’un aquifère) en allouant dotations et systèmes de crédit.

En France, cette évolution est visible au niveau des formations et de leurs objectifs : « Aux prérequis

fondamentaux de géologie pour caractériser le milieu et mener à bien la prospection de la ressource, il doit ajouter des connaissances en sciences physiques et mathématiques pour quantifier les écoulements et les transferts de masse et des connaissances en chimie, voire en biologie pou r gérer la qualité de l’eau. Ses tâches de gestionnaire nécessitent en outre des connaissances suffisantes sur les lois et les règlements, les modèles de simulation…109 ». L’aspirant hydrogéologue devient un cadre bac + 5 comme les autres.

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2. De la substance à son substantif : l’identité de l’hydrogéologue

assurant des missions de service public par le récit et par le nombre

« Après tout, l’objet ne subsiste que par ses limites, c’est-à-dire par une sorte d’acte d’hostilité envers

son entourage : sans le pape, il n’y eût pas eu Luther, et sans les païens point de pape : c’est pourquoi on ne peut nier que l’homme n’affirme jamais aussi résolument son semblable qu’en le refusant .»

(Musil, L’homme sans qualités, p.46)

Le chapitre précédent nous a conduit à nous intéresser à l’histoire d’une discipline scientifique relativement jeune, de sa prise d’indépendance du socle géologique aux injonctions présentes d’interdisciplinarité. Une attention particulière y a été accordée aux quatre dernières décennies. Avec l’apparition de modèles agricoles intensifs, les eaux souterraines, alors de l’ordre du caché et du domaine privé, sont intégrés à des agendas de développement. Elles deviennent un objet d’attention qui nécessite la production de travaux visant à estimer, analyser, distribuer, protéger : autant d’heures d’activités auxquelles des hommes et des femmes consacrent leur temps de vie professionnelle.

Cette partie se consacre à l’étude des acteurs évoluant dans le champ de l’expertise hydrogéologique. Dans la suite des travaux de Steven Shapin, il est possible d’appréhender la figure du scientifique selon deux approches distinctes. Une première approche qualifiée de « souple » (soft-headed) consiste à analyser les rôles sociaux et culturels reconnus du scientifique . Une autre approche, qualifiée d’approche dure, s’intéresse aux classifications administratives dont fait l’objet la population scientifique cible (Shapin, 1979). L’approche dite souple nourrit un projet de compréhension socio-historique. Cette approche étant le plus souvent l’objet de cercles d’historiens, nous nous en sommes inspiré pour le chapitre précédent. En histoire des sciences, cette méthode s’est notamment répandue via les analyses des représentations culturelles des personnes étudiants la nature (Daston & Sibum, 2003). Ce courant montre ainsi que la notion quasi-religieuse de vocation a cédé la place à la conception séculière d’un travail technique, à dimension intellectuelle. Elle nous a cependant été d’une grande utilité pour comprendre dans une perspective temporelle les multiples transformations de la question hydrogéologique au niveau des structures de pouvoir et d’usage. Classement, représentation, et justification des activités s’articulent à l’étude du sens que les actifs donnent à leurs tâches, pour reprendre la formule de Luc Boltanski (1982) : taxinomie, représentations, institutions.

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