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coloniales croisées

1.5.2 L’ascendant de la question minière sur la création institutionnelle : le BRGM

Le BRGM, tel qu’on le connaît aujourd’hui, est issu de nombreux remaniements. Crée en 1941, le Bureau de Recherches Géologiques et Géophysiques (BRGG), sous la direction du Ministère chargé des Mines, a pour fonction la sauvegarde des données sur les ouvrages du sous-sol : puits, carrières, etc. La fonction d’enregistrement des données du BRGG est facilitée par la loi du 10 Octobre 1941, qui rend obligatoire la déclaration des ouvrages de plus de 10 mètres de profondeur, ainsi que tout relevé de mesures géophysiques (articles 131 et 133 du code minier). En 1953, le BRGG devient le Bureau de Recherches Géologiques, Géophysiques et Minières (BRGGM) de la France Métropolitaine. Après l’indépendance des territoires coloniaux d’Afrique, le BRGGM intègre les prérogatives des bureaux miniers d’Outre-Mer : il devient le BRGM. Par décret Ministériel, sous l’impulsion de Lafitte, Ricour et Guillaume, le BRGGM (ancêtre du BRGM), dont les compétences se limitaient jusque -là à la recherche minière, s’implique dans l’étude et la recherche des eaux souterraines. Si la chronologie du regroupement des différents départements dépasse notre propos, on peut toutefois mentionner que le BRGM, à la fin des années 1960, a intégré les fonctions de précédents bureaux délocalisés, et est en charge de la Carte Géologique de France. Outre ces attributions consécutives, dès 1953, le BRGG, en tant qu’Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial (EPIC), est habilité à l’exploitation de concessions minières, et à prendre des participations dans des sociétés afférentes.

Jusque dans le milieu des années 1960, avec la loi sur l’eau de 1964 programmant la création d’Agence Territoriales de Bassin, la question des eaux souterraines demeure circonscrite aux s ervices miniers

104 dans le millefeuille administratif français. D’après Jean Margat, autour duquel se constitue une cellule de spécialistes des eaux souterraines au cœur du BRGM, institution à l’histoire profondément minérale, cette situation peut s’expliquer suivant deux raisons. D’une part, celle d’un partage des prérogatives administratives suivant des logiques corporatistes plus générale. D’autre part, un biais cognitif et l’état de l’art des connaissances de l’époque rendait difficile à penser conjointeme nt eaux de surface et eaux souterraines : « À l’époque, avant que l’on ait crée les agences de l’eau, les eaux

souterraines relevaient du service des Mines. C’était le partage d’influence des administrations en France. Les ponts et chaussées et le génie rural avaient la responsabilité des eaux de surface, les eaux souterraines, considérées comme faisant partie du sous-sol, c’était le service des mines. Il faut dire qu’à l’époque les administrations n’étaient pas capables de penser que les eaux souterraines pouvaient devenir des eaux de surface et en même temps changer de statut administratif. »

1.5.2.1 Un grand chantier de centralisation des données hydrogéologiques

Du fait de l’abaissement préoccupant du niveau des nappes dans certaines régions industrie lles, le BRGGM créa des services d’Inventaire des Ressources Hydrauliques (IRH) en 1956. Les services concernent les zones géographiques les plus touchées (Nord-Pas-De-Calais, Lorraine, ainsi que les départements de Seine-Maritime et de Gironde). En 1958, le décret-loi de 1935 est étendu aux nappes du Calcaire carbonifère et du Crétacé du Nord-Pas-De-Calais, et des Sables et Calcaires éocènes de Gironde en 1959. Des réseaux d’observation de nappes sont implantés dans ces nappes surexploitées, puis dans d’autres secteurs d’exploitation intensive remarquées, en Alsace et sur le Bassin Parisien. L’inventaire et la recherche des ressources hydrogéologiques impliquent des travaux de recensement des ouvrages d’approvisionnement pour les collectivités et les industries. À l’époque, les puits à vocation d’irrigation, sont estimés trop rares pour susciter la préoccupation. L’objectif implique de rassembler la documentation relative aux captages dispersée dans les archives des entreprises de forage et des communes, d’établir des cartes de situation des points d’eau et du niveau piézométrique des nappes. L’inventaire des points d’eau était surnommé le ratissage.

La recherche de données piézométriques va être progressivement étendue à l’ensemble du territoire. Ce travail est parfois assuré par des amateurs. Dans les campagnes des années 1960, les relevés des sondes manuelles « Rossignol » sont souvent le fait du postier pendant sa tournée. Ces relevés font l’objet de dossiers dans la documentation du BRGM, puis dans la Banque des Données du Sous-Sol (BSS). Durant les premières années, la réalisation de ces documents était effectuée par des techniciens et des ingénieurs géologues. Progressivement, les retours des hydrogéologues d’Afrique du Nord,

105 formés à l’ENSG et dans les universités, favorisent le développement des recherches dans le domaine des eaux souterraines. Ils développent les activités eaux souterraines du BRGM, qui jusqu’alors n’était connu auprès des Collectivités et administrations locales que pour ses activités dans la recherche minière. On retrouve à l’IRH Gilbert Castany, de retour en France, qui y est engagé en qualité d’ingénieur chef, en charge de la direction du département de Géologie, qui compte alors une cinquantaine de personnes. La même année, Castany participe à la création de l’AIH56.

En 1961, l’IRH croît jusqu’à compter 236 personnes, recrutant les jeunes diplômés des universités. On scinde le service en plusieurs unités de spécialités. Un Service d’hydrogéologie est créé dans le Département de Géologie en 1962. En 1963, les nouveaux Services Géologiques Régionaux du BRGM, sous la direction de Jean Ricour, reprennent et démultiplient les activités des IRH à échelle régionale.

1.5.2.2 Effort d’inventaire et cartographie de la ressource : priorité à la région parisienne et aux régions minières

Dans la décennie 1960, les activités de l’hydrogéologue sont principalement destinées à l’inventaire des ressources. On établit des cartes piézométriques et des synthèses régionales, ainsi que des inventaires descriptifs ou bien avec un échantillonnage plus intensif. Les thèses universitaires de troisième cycle sont de grandes pourvoyeuses de monographies de nappe ou de bassin. Le BRGM, dans ses missions de service public, réalise aussi de telles études pour le compte des Agences de l’eau, ou bien pour les services du Génie Rural du Ministère de l’Agriculture. Si une première carte nationale est établie en 1965, à échelle du millionième. Les priorités régionales sont flagrantes. Une carte du bassin de Paris à échelle 1/500 000 est éditée en 1967, suivie de cartes à 1/200 000 pour l’ancien bassin minier du Nord, Pas-de-Calais et Picardie. Les régions du Nord font aussi l’objet des premières cartes hydrogéologiques à échelle 1/50 000 (Douai et Amiens). L’échelle est un enjeu de négociation que l’on essaye de calquer sur l’effort précédent de cartographie géologique pour le sous-sol français, avec une échelle au 1/50 000. Chef de file de ce projet, Jean Margat évoque cette période en entretien :

« À l’époque il y avait un programme de Carte Géologique de la France qui a été fini il y a quelques années seulement, le 50 000 [sic] de la France. Il y a plus de mille feuilles, pour faire le pays entier, une tâche fastidieuse. Mais on avait jugé par le passé qu’il était important de représenter le sous-sol français, c’était un travail qui avait commencé il y a longtemps et a occupé plusieurs générations de cartographes. Pour l’hydrogéologie, en revanche, c’était plus nouveau. J’ai proposé d’en faire quand je

56 Il crée en 1973 le Chapitre français de cette association internationale, intitulé le Comité Français d’Hydrogéologie, qu’il présidera jusqu’à sa mort.

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suis revenu du Maroc, dans les années 1960, à ce moment-là il y avait beaucoup de cartes géologiques qui étaient faites mais pas encore toutes […] Et le 1/50 000e il n’y en avait pas partout en France avant la guerre. ON a du 1/25 000e dans certains endroits en France même aujourd’hui mais on a rarement voulu en faire à cette échelle. J’avais lancé en France l’idée de faire des cartes au 1/50 000e, comme la Carte Géologique. J’avais fait la première, pour donner l’exemple, c’était la feuille Douai »

La première carte hydrogéologique de la France réalisée au millionième par le BRGM est une commande du Secrétariat Permanent Pour l’Etude des Problèmes de l’Eau (SPEPE). Créé en 1960, le secrétariat était dirigé par Ivan Chéret, en collaboration entre le Commissariat au Plan et le Ministère de l’Intérieur. Chéret quitte ce secrétariat pour rejoindre la DATAR en 1962, afin de préparer la Loi sur l’Eau. En 1970, DATAR/SPEPE et BRGM éditent le premier Atlas des Eaux Souterraines de la France, il présente pour chaque région administrative l’état de l’art des connaissances cartographiques et bibliographiques. La même année, les Agences financières créées par la loi de 1964 réalisent la première estimation des prélèvements souterrains à échelle nationale, qui avoisinent les 5 km3/an.

Au début des années 1960, la discussion de la notion de gestion territoriale suscite une montée des besoins de connaissance des ressources en eau. De nouveaux principes législatifs donnent une impulsion au développement des connaissances de l’hydrogéologie française, qui jusque-là s’était illustrée essentiellement par ses travaux dans les colonies.

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