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coloniales croisées

1.4.7 La deuxième naissance de l’hydrogéologie française : l’Ecole Française d’Afrique du

89 Au XIXe siècle, les travaux de géologie descriptive ont connu l’apport d’ingénieurs versés en hydraulique. Presque un siècle plus tard, dans les dernières années de l’empire colonial en Afrique, l’hydrogéologie française se renouvelle au contact de l’expérience de géologues français hors de la métropole. Le retour d’expérience de ces jeunes professionnels sur des territoires hydrogéologiques variées se consolidera plus tard par la réalisation de missions d’expertises à un niveau international.

Les trajectoires de ces géologues de formation sont connues : certains d’entre eux ayant poursuivis par la suite une carrière de renommée internationale, la presse spécialisée a fourni par le passé des entretiens sur leurs travaux. La remise de prix professionnels constitue une littérature toute aussi riche. L’association française de l’AIH, très active, a produit divers portraits d’hommage. L’emploi du terme d’ « Ecole Française d’Afrique du Nord » est également une référence directe au chapitre français de l’ouvrage Hydrogéologie Mondiale. Nos entretiens nous ont aussi permis de retracer la genèse de l’expression : l’appellation fut créée par des acteurs revenant sur leurs premières années. Elle agit ainsi de manière double : comme un Manifeste tardif, tout autant qu’un terme d’histoire, forgé par des acteurs, témoins de leur propre jeunesse.

La formation de ces jeunes actifs à la fin de la décennie 1940 débute à l’Ecole Nationale Supérieure de Géologie de Nancy (ENSG), école crée au début du siècle49 afin de former des ingénieurs se destinant à œuvrer dans la prospection et la valorisation des matières premières minérales.

À l’époque, les cours d’hydrogéologie dispensés ne représentent que quelques heures dans l’ensemble du cursus. En entretien, un hydrogéologue ayant été formé dans l’immédiat après-guerre rétablit sa formation dans son univers de référence contemporain : aspiration à une carrière stable, « solide » via le sésame du statut d’ingénieur, nouveautés et découvertes de la jeunesse. Un témoignage qui en filigrane montre le peu d’heures consacrées à l’hydrogéologie dans les formations destinées à ceux qui en seront les plus proches, via leurs activités : « J’ai fait des études d’abord à Paris, à la Sorbonne,

c’était les premières années après la guerre, 1945-46, vous vous rendez compte ? Il y avait une atmosphère, je vous assure, à l’époque, c’était extraordinaire. Mes premières connaissances et mes premières amitiés datent de cette époque-là. Donc j’étais à la Sorbonne, à la faculté des sciences, je faisais ce que l’on appelait à l’époque des « certificats », il y en avait plusieurs dans les sciences de la terre y compris un qui s’appelait « Géologie Appliquée ». Y avait géologie générale, minéralogie… donc pendant deux ans j’ai passé les certificats puis ensuite j’étais à l’Ecole de Nancy. Parce que cela permettait d’avoir un diplôme d’ingénieur, pour l’emploi de l’époque on pensait que c’était plus solide

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mais à l’époque on avait aucun problème d’emploi on était tout de suite sûr de trouver des emplois d’ailleurs cela a été mon cas ».

La formation reste rudimentaire, avant l’émergence des enseignements spécialisés de troisième cycle. On note que les premières thèses d’Université portent sur l’hydrogéologie coloniale. Le chapitre France de l’AIH50 mentionne une première thèse spécialisée sur le sujet soutenue à Aix-Marseille en 1952 par Stretta, consacrée au bassin de l’Oued El-Haï au Maroc. L’année suivante, une première thèse soutenue à Paris par un dénommé Taltasse porte sur le bassin de Fès-Meknès (Maroc). Comme on le constate plus bas, le Protectorat du Maroc est également précurseur dans les administrations dédiées aux eaux souterraines.

Hors des universités, la recherche en hydrogéologie se développe plus tardivement. À l’Ecole des Mines, l’enseignement de la géologie appliquée comporte un volet d’hydrogéologie, appliquée aux travaux de l’ingénieur et aux activités minières. Ghislain de Marsily et Emmanuel Ladoux rappellent ainsi que Jean Goguel incluait dans ses cours des notions d’hydrogéologie51. Vingt ans plus tard, le professeur de métallogénie Pélissonnier crée un enseignement d’hydrogéologie dans les années 1950. D’optique quantitative, Pélissonnier constitue un premier cours qui développe les équations des écoulements souterrains à partir de la loi de Darcy. Inédit en France, cet enseignement d’une trentaine d’heures se base sur les travaux des hydrogéologues russes ou américains.

A partir de la fin des années 1930 jusqu’à la décolonisation, cde jeunes géologues formés en France trouvent un débouché de carrière au-delà de la métropole, tout particulièrement en Afrique du Nord. En 1937, Albert Robaux, enseignant à l’ENSG, part en détachement au Maroc, où il créé le Centre d’Études et de Recherches Hydrogéologiques (CERH). Il sera suivi plus tard par Ambroggi ( qui prendra la direction du CERH dans les années 1950) et Roubault. Après la seconde guerre mondiale, trois autres élèves de l’ENSG débutent leur carrière au Maroc : Edmond Bolleli et Pierre Taltasse en 1946, puis Jean Margat en 1947. De manière rétrospective, l’historiographie du groupe professionnel fait de ces anciennes jeunes recrues en détachement dans les colonies les « pères fondateurs » de l’hydrogéologie contemporaine.

Dans les zones arides et semi-arides des territoires coloniaux d’Afrique du Nord où les eaux souterraines constituent une composante majeure des ressources à usage domestique et agraire, ces actifs développent de nouvelles techniques de prospection et de mesure. L’hydrogéologie française se

50 Ibid., p. 79.

91 développe ainsi au Maghreb suivant un modèle de développement de savoirs répondant aux enjeux locaux : « les équipes des trois pays, Algérie Tunisie et Maroc étaient en général plus avancées du point

de vue des techniques, des méthodes, de l’analyse des problèmes qu’en France. Pour des raisons simples puisqu’il y a eu les besoins d’en faire ».

On retrouve au Maghreb des noms connus de l’hydrogéologie française : « le professeur Schoeller, c’est

en Tunisie qu’il a fait ses premières études et ses premières publications […]. Schoeller mais aussi Archambaud, Castany qui après m’a rejoint au BRGM mais lui il avait d’abord travaillé en Tunisie aussi. Il était directeur du Service Géologique, en Tunisie. Il était déjà très versé sur l’hydrogéologie. »

Sur deux décades, plusieurs figures majeures de l’hydrogéologie mondiale peuvent être identifiées, avec surreprésentation par rapport aux autres pays. Cette prééminence française se traduit certes par des trajectoires individuelles, mais aussi par les initiatives prises pour constituer des institutions de formation, permises par la position du pays dans l’échiquier géopolitique mondial. De fait, tous les plus jeunes membres de cette cohorte seront le produit de ce nouveau système d’éducation : les membres les plus âgés ayant été leurs enseignants ; à leur tour la majorité d’entre eux devinrent à la fois les enseignants à destination de la génération suivante. Ils posent les bases de l’étude de la géologie appliquée aux eaux souterraines, dont la mise en valeur et la gestion ont une importance prépondérante dans cette région semi-aride de Méditerranée pour l’alimentation en eau des populations comme du bétail.

1.4.7.1 De la périphérie au Centre : inversion du modèle diffusionniste dans le

renforcement des savoirs et la montée en gamme de l’hydrogéologie

Depuis la fin du XIXe siècle, la science est constituée d’un ensemble de disciplines plus ou moins autonomes, avec leurs méthodes, théories et techniques propres. Ces disciplines s’incarnent dans un tissu institutionnel qui rendent leur développement possible : départements distincts, sociétés savantes et revues (Fabiani, 2006).

Au XXe siècle, le processus de segmentation de la science en disciplines distinctes observé au siècle dernier se répète à l’intérieur même des disciplines. Cette division peut être stimulée par de multiples facteurs : innovation instrumentale, division du travail entre chercheurs, ou encore trajectoire de chercheurs d’un domaine de recherche à l’autre, jugé plus porteur (Hagstrom, 1965). Cette segmentation ordonne les trajectoires des premiers hydrogéologues de profession, formés en géologie.

92 À l’université, la discipline demeure le lieu privilégié de la formation académique de base, le jeune chercheur devant passer par la discipline avant d’atteindre le domaine de la spécialité, qui s’acquiert au niveau du doctorat (Gingras, 2013). En 1929, Henri Schoeller soutient une thèse de doctorat ès Sciences portant sur « La nappe de l’Embrunais au Nord de l’Isère », sous la direction du professeur Émile Haug, dont le mémoire sera publié dans le bulletin de la Carte Géologique de France. Contrôlant les postes universitaires, les disciplines ont cependant plus de pouvoir que les spécialités qui sont sous leur dépendance. Suivant la logique de patronage universitaire, son directeur de thèse, Haug, prévoyait une place d’assistant pour son élève. La mort subite de Haug mettra cependant fin à cette perspective de carrière. Henri Schoeller se dirige vers d’autres possibilités d’emploi, hors métropole. Ben avant que des organisations dédiées à la recherche et au développement des eaux souterraines soient mises en place en métropole, en Tunisie, le Bureau d’Inventaire des Ressources Hydrauliques (BIRH) constitue dès 1930 un débouché professionnel. En Algérie, on trouve le Service d’Etudes Scientifiques de la Direction de la Colonisation et de l’Hydraulique. Au Maroc, après la Seconde Guerre Mondiale, les eaux souterraines sont le domaine du Corps des Géologues du Protectorat, au Centre des Etudes Hydrogéologiques. Un hydrogéologue actif à la fin des années 1940, formé à l’ENG, raconte que c’est en suivant le conseil de camarades qu’il s’expatrie : « À l’Ecole de Nancy j’avais déjà deux

amis qui étaient partis avant moi au Maroc et qui m’ont poussé à candidater également quand le Service Géologique du Maroc se développait et j’ai été tout de suite engagé. C’était le temps où au Maroc on recrutait un ou deux hydrogéologues par an pour le Centre d’Etudes Hydrogéologiques, une structure décentralisée du Service Géologique du Maroc. Le Centre d’Etudes Hydrogéologiques devait fixer le programme de recherche par le gouvernement, soit à l’époque le Protectorat. Mais j’ai connu le début de l’Indépendance au Maroc, j’étais encore là-bas j’ai connu le changement. Mes tâches étaient fixées par l’administration de l’hydraulique. On n’était donc pas un bureau d’études qui avait besoin de trouver des clients, on avait un programme de travail fixé. Donc pendant 15 ans ça a été mon activité dans la région de Meknès puis ensuite j’ai été chargé de l’ensemble j’ai été l’adjoint de la direction du service qui était à Rabat ».

Henri Schoeller est engagé par la Société Géophysique des Recherches Minières, qui assure de recherches géologiques en Tunisie. Pour résoudre les problèmes rencontrés dans l’inventaire des ressources hydrauliques en Tunisie, il conçoit de nouvelles méthodes hydrogéolo giques qui incorporent la dimension temporelle dans la compréhension du fonctionnement des aquifères sédimentaires en particulier sur la connaissance des aquifères sédimentaires (Pouchan & Racaud -Schoeller, 2013). De retour en France en 1937, il un poste de Chef de Travaux de Géologie à la faculté des Sciences de Bordeaux. L’invasion de la Zone Libre en Novembre 1942 le force à quitter la ville pour rejoindre Alger avant le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, où il mettra ses capacités au

93 service de l’effort de guerre. Carte de points d’eau, mais aussi viabilité des terrains, ce qui le mè nera en Tunisie mais aussi sur le front méditerranéen pour l’aménagement des champs d’aviation. Dans ce contexte historique, il rédige la notice générale de la Carte Hydrogéologique de la Tunisie. Son avant-propos, qui fonctionne à la manière d’un Manifeste, situe les activités hydrogéologiques contemporaines en rupture des travaux précédents ne visant qu’à une recherche, sommaire mais avide, de nappes artésiennes. À l’inverse, la démarche d’acquisition de connaissances doit être désormais première.

« On conçoit donc que l’une des tâches les plus essentielles du Service hydraulique de la Direction des

Travaux publics, soit de prospecter les ressources hydrauliques de la Tunisie et d’en dresser un inventaire aussi complet que possible. Cette tâche a été entreprise dès le début du Protectorat,mais on s’était borné, jusqu’à une date récente, à faire un recensement des points d’eau existants et à exécuter quelques forages de reconnaissance pour la recherche des nappes artésiennes. Aucune étude hydrogéologique sérieuse n’avait été entreprise, et les documents recueillis ne pouvaient donner aucune idée même sommaire des ressources hydrauliques encore inconnues. Depuis 1930, cette prospection a été reprise sur des bases entièrement nouvelles : elle consiste en une étude hydrogéologique détaillée, permettant de connaître autant qu’il est possible les réserves d’eau du sous-sol, leur régime d’écoulement et d’alimentation52. »

Entre 1940 et 1946 Henri Schoeller officie dans le cadre du service de l’hydraulique du Protectorat de Tunisie, en compagnie de Jean Archambault et Gilbert Castany. Leurs travaux constituent une base programmatique qui oriente la formation et la recherche dans le domaine pour les années à venir. Jean Archambault, diplômé de l’Ecole du Pétrole de Strasbourg, été entré en 1934 au Service des Mines de la France d’Outre-Mer, avant de poursuivre sa carrière en Tunisie, au Syndicat de Recherches Pétrolières. Il est engagé en 1940 par Marcel Gosselin à la Direction des Travaux Publics de Tunisie, rejoignant l’équipe d’ingénieurs civils et géologues dont font partie Eugène Berkaloff et Henri Schoeller. Archambault devient chef du Service Géologie en 1945, poste auquel Gilbert Castany lui succèdera en 1947. La même année il publie la première synthèse sur ce pays : Hydrogéologie

Tunisienne. Castany, quant à lui, débute en Tunisie en qualité de géologue en 1945. Ses travaux portent

sur l’Atlas oriental, où il réalise plusieurs cartes à 1/50 000, dont la Carte Géologique de la Tunisie en 1953. Castany débute progressivement ses activités d’hydrogéologues au sein du service Géologique à la Direction des Travaux Publics de Tunisie : il est consulté pour l’alimentation en eau des villes et des villages, ainsi que des questions de micro-irrigation. Il développe ainsi des techniques géophysiques de prospection. En 1952, il publie les Grands Problèmes d’Hydrogéologie en Tunisie.

94 Le progrès des connaissances va de pair avec le développement de l’exploitation des eaux souterraines. Dans l’ensemble des aquifères sahariens (Algérie et Tunisie) les prélèvements progressent de 284 hm3/an en 1900 à 557 hm3/an en 1950. Dans le Sahara, l’étude de la nappe profonde artésienne du « Continental Intercalaire », connue jusqu’alors uniquement sur ses bordures contribue à alimenter les premiers chantiers d’exploration pétrolière.

Les premières avancées théoriques sont produites par des géologues ayant à la fois des activités de prospection consistant à faire jaillir l’eau des puits comme on le ferait du pétrole, et de productions de connaissances hydrogéologique. Les forages de puits artésien cohabitent avec la réalisation de la cartographie piézométrique. Ce moment d’histoire de l’hydrogéologie française réapparait dans le compte rendu d’une revue professionnelle portant sur l’intervention de Jean Margat dans le Colloque Annuel 2016 de l’AIH :

« Les cérémonies d’anniversaire de l’AIH ont permis de rappeler, notamment par le témoignage alerte

et plein d’humour de Jean Margat (92 ans, hydrogéologue actif depuis 1946 !), que l’hydrogéologie, ou la géologie des eaux souterraines, consistait initialement, juste après-guerre, à rechercher et mettre en exploitation l’équivalent d’une ressource minérale, l’eau souterraine »

Le compte-rendu se poursuit en déroulant les points abordés par Jean Margat dans son intervention. Le principe de l’opposition entre stock et flux des eaux souterraines, que l’hydrogéologue développa durant sa carrière, ordonne ainsi une définition du régime d’exploitation minière des eaux souterraines

« Explorateur d’une ressource minérale, l’hydrogéologue est progressivement devenu un cartographe des systèmes hydrogéologiques, puisqu’il a dû conceptualiser leur fonctionnement et distinguer ainsi la notion de stock d’eau souterraine de celle de flux, notamment afin d’être en mesure de quantifier la ressource exploitable et d’évaluer les impacts éventuels de cette exploitation, en particulier sur les eaux de surface. »

Jean Margat revenant au cours de l’intervention sur son expérience en territoire colonial, le compte-rendu rappelle la localisation géographique de cet épisode de l’hydrogéologie française, dans une tournure de phrase qui mérite l’attention.

« À cette époque, l’Afrique du Nord, et notamment ses grands bassins sédimentaires, ont constitué un

terrain de jeux capital pour les hydrogéologues français et donc pour les premiers développements de la discipline »

L’expression choisie « terrain de jeu capital pour les hydrogéologues français » renvoie à un temps passé, celui de l’expérience coloniale française, qui est hors de notre domaine d’étude. Elle fait en revanche index à un débat important en histoire des sciences : celui du rôle de l’exploration de

95 territoires colonisés dans la production de connaissances, et l’émergence de pôles scientifiques dans les Métropoles.

1.4.7.2 Terrain de jeu ou laboratoire ? le rapatriement des expériences jugées en

métropole

Les entretiens réalisés laissent eux-aussi transparaître le rôle « capital » de ces expériences d’expatriation. D’abord à l’échelle des individus, suivant les trajectoires professionnelles. Un retraité souligne en entretien « le grand intérêt de son début de carrière » dans les colonies.

L’expérience comporte une dimension de découverte intellectuelle et d’innovation scientifique sans précédent. Pour cette génération, l’hydrogéologie n’est qu’une spécialité optionnelle de la géologie : le volume horaire consacré est faible, les manuels n’existent pas. Le retraité, étudiant à l’ENSG dans la période d’immédiat après-guerre, revient sur son cursus antérieur à la Sorbonne : « c’est vrai qu’on

n’était pas formé, le prof qui nous faisait l’hydrogéologie, les concepts basiques, était spécialistes des ammonites et il ne connaissait pas grand-chose à l’hydrogéologie. Donc j’avais fait de l’hydrogéologie un peu, pas tellement à la mode, pas tellement moderne… Il n’y avait pas de livres à l’époque pour ça. Je ne me souviens pas avoir appris grand-chose de sérieux». À la fin de la Seconde Guerre Mondiale,

quelques heures d’enseignement en hydrogéologie sont mises en place à l’Ecole Nationale Supérieure de Géologie de Nancy, dont bénéficient les nouvelles recrues. On retrouve les mêmes noms de spécialistes pionniers : « À Nancy le professeur Avias venait faire quelques conférences ». Rétrospectivement, le niveau de formation n’en est pas moins jugé sommaire : « J’ai commencé en 1948. J’ai démarré au Maroc en ne sachant pas grand- chose en hydrogéologie, mais en envisageant

de faire quelque chose dans le domaine. Mais en fait on ne savait presque rien. »

L’expatriation comporte une dimension de satisfaction intellectuelle. Il peut s’agir de l’apprentissage d’un terroir géologique nouveau, présentant une facilité de lecture et de déchiffrage, dans un pays « qui du point de vue géologique est à la fois très riche et très visible, la géologie s’y voit bien, il y a peu

de sol, pas beaucoup de forêts, les structures géologiques sont très parlantes, on peut les comprendre aussi facilement qu’en se promenant ».

La satisfaction intellectuelle se retrouve dans la réalisation d’un travail indépendant, avec de longues excursions de terrain. Un géologue de formation ayant à cette époque choisi le service hydrogéologique dispose de plus de responsabilités et d’autonomie que dans une administration dédiée à la Géologie : « Chacun avait une région, donc on n’était pas tous à Rabat, contrairement au

96 La dimension de « terrain de jeu », si elle se retrouve dans les entretiens, s’incarne dans une signification cognitive. On peut bien sûr considérer les impensés d’une telle expression. L’aspect « ludique » de l’expérience de l’hydrogéologie française d’Afrique du Nord semble faire allusion à un temps « pour de faux », un coup d’essai visant à rôder des techniques sur un espace qui ne compterait pas. Il semble également symptomatique d’un travers orientaliste où les territoires exotiques possèdent des richesses insoupçonnées des locaux, nécessitant l’intervention européenne pour être

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