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Pourquoi fut elle nécessaire

L’EXPERIENCE DE LA DOMESTICATION

A) Pourquoi fut elle nécessaire

Un autre point est essentiel. Pour que le processus de domestication se déroule harmonieusement, il faut que l’animal s’accorde avec la substitution d’un mode de vie naturelle au mode de vie des hommes. Pour cela, plus les modes de vie seront ressemblants, plus la substitution sera aisée. Si elle fut permise pour le loup, cela relève du haut développement social de cette espèce, de la similitude de ses rituels avec celles de l’homme, qui ont indéniablement contribué à un ajustement social mutuel de ces deux espèces. Et c’est peut être par ce caractère très social de vie en meute que le loup a été la première espèce à être domestiquée à la différence du chacal ou du coyote plus solitaire. Les hybrides de chiens et de loups se montrent à cet égard nettement plus apprivoisables et moins créatifs à l’égard de l’homme que des hybrides chiens chacals. (275). Par ailleurs, il est important de noter l’existence d’une période sensible chez le chiot comme chez le louveteau, au cours des premières semaines de vie, qui joue un rôle décisif dans la formation des premiers liens sociaux avec d’autres chiens et avec l’homme. Cette imprégnation par l’homme est d’autant plus forte si les animaux sont stressés et mal nourris.

On peut ainsi supposer que la première étape de la domestication a commencé lorsque des louveteaux ont été intégrés dans une zone d’habitat humain. En dépit de l’absence de changements anatomiques sur les sites du pléistocène jusqu’au paléolithique supérieur, qui suggère une absence de véritable dépendance dans les relations entre hommes et loups, on peut supposer que des associations fortuites se sont produites.

57 B) Comment a t elle pu se réaliser ?

Les louveteaux ont pu être récupérés et intégrés au groupe que ce soit par les chasseurs ou les femmes lors de la cueillette découvrant une tanière d’où s’est momentanément absentée la mère. Certains animaux pouvant servir de nourriture d’autres ont pu être élevés et intégrés au groupe comme cela peut se passer dans les sociétés indigènes actuelles. Joslin (141), rapporte par exemple le cas de louveteaux récupérés et élevés par les villageois dans le désert d’Iran après qu’un loup adulte fut capturé et tué par les bergers. De nos jours, par exemple sur des Iles de l’Océan Pacifique en Polynésie ou en Asie du Sud Est, des chiots et des porcelets sont nourris et allaités par les femmes, devenant un objet de jeu et de compagnie (60-259). Dans de nombreuses sociétés indigènes contemporaines, les hommes ramènent de la chasse les petits des animaux tués, ces derniers sont élevés au sein par les femmes au milieu des enfants et sont assimilés à la société humaine, de telle sorte que leur consommation deviendrait de l’anthropophagie et est interdite. L’exemple des Aïnous mérite une mention particulière pour la place qu’ils accordent à l’ours (64). Cette population des Iles Hokkaido de Sakhaline et des Kouriles au Nord du Japon pratique un culte de l’ours qui se distingue à la fois par le sacrifice (par fléchage puis étranglement) et la consommation rituelle de l’animal et par les soins et la tendresse dont celui-ci est entouré jusqu’à sa mort. L’ourson rapporté par les chasseurs grandit dans la maison où il joue avec les enfants. Il est nourrit par une femme au sein, ou avec de la nourriture pré-mastiquée donnée de bouche à gueule. Même lorsque devenu grand il doit être enfermé, sa cage est décorée et les mêmes témoignages d’affections continuent à lui être prodigués. Enfin l’heure du sacrifice venu, on implore le pardon de l’ours et sa mère nourricière manifeste son chagrin et sa colère contre ses meurtriers. Il est à noter que pour les Aïnous, l’ours brun est un visiteur du monde spirituel dont le but final dans sa vie terrestre est de réintégrer ce monde. En le tuant, il l’aide à effectuer ce retour, cette métamorphose. Or, certains peuples et tribus indiennes réalisent également ce type de cérémonie sacrificielle avec des chiens. (259).

Ces exemples corroborent la possibilité de relations semblables dans l’élevage de louveteaux. Certains de ces loups apprivoisés, une fois matures, sont devenus moins soumis et ont été tués ou ont quitté le camp. Un faible nombre pourtant de ces loups par exemple les plus dociles, ont pu rester avec les hommes et ont pu se reproduire avec d’autres loups apprivoisés qui pouvaient se nourrir des restes autour du camp. Les loups vivants à l’intérieur du campement ont pu ainsi apprendre à se plier aux règles d’une dépendance stricte. Les louveteaux se sont ainsi adaptés à une nouvelle stratégie alimentaire, recueillis par l’homme ils ont été privés de l’apprentissage de la chasse en accompagnant la meute et se sont ainsi trouvés tributaires des dons de leurs maîtres. Il faut considérer la manière dont le groupe originel de ces animaux a réussi à se maintenir dans ce nouveau contexte. A l’état sauvage, les possibilités de reproduction du loup sont limitées étroitement à son rang hiérarchique à l’intérieur de la meute. Pour un mâle sauvage rejeté du groupe, une femelle domestique devait être une chance. Dans un certain nombre de cas, celle-ci a pu élever ses petits près de l’homme. A mesure que la société du loup domestique se développait, la reproduction avec les loups sauvages a du se raréfier, les animaux ont commencé à évoluer vers une forme de chien qui nous est familière.

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III) Une domestication pour remplir des fonctions utilitaires ? A) Le loup comme auxiliaire de chasse

Une fois cette première étape franchie, le chien a pu remplir un certain nombre de fonctions dans les sociétés préhistoriques comme auxiliaire de chasse par exemple. Prenons les premiers chasseurs, ils ne sont pas très rapides. Leurs armes sont simples probablement seulement des lances lorsqu’ils rencontrent le loup. Quand ils s’attaquent au gibier ils prennent le risque de se faire charger à leur tour. Ils perdent souvent leur proie blessée. Arrive le chien – loup, il est rapide et endurant. Il peut plus facilement retrouver le gibier. Il n’a pas besoin d’armes puisqu’il en est une. Il peut protéger les siens ou au moins attirer l’attention de la proie le temps pour l’homme de la tuer ou s’échapper. Brandenburg (37) a par exemple accompagné les Inuits qui utilisent leurs chiens pour distraire l’attention des ours blancs pendant qu’ils s’approchent pour les tuer. Ces chasseurs utilisent des sites d’embuscade préférentiels où les chiens suivant la technique des loups, rabattent les troupeaux de caribous durant leur migration. Au cours de la période paléolithique, les animaux étaient tués à courte distance à l’aide de gros lances pierres. Durant la période Natoufienne et celle correspondante du mésolithique en Europe, les techniques de chasses ont évolué pour permettre d’atteindre des proies à longue distance, à l’aide de flèches armées à leur extrémité de microlithes. Au cours de ces périodes, les chasseurs se sont adaptés aux nouvelles conditions climatiques suite au retrait des glaciers. Certains auteurs ont ainsi suggéré que ces changements de techniques de chasse étaient liés à ces améliorations climatiques. Notamment à l’extension des forêts dont la conséquence fut un changement au niveau de la faune, passant des grands herbivores des plaines aux mammifères forestiers plus petits. Clutton Brock (48-49) suggère que le développement d’instruments de chasse à distance serait directement lié à l’expansion du chien comme auxiliaire de chasse qui permettait aux hommes de traquer les animaux blessés et de les retrouver sur des terrains difficiles comme par exemple dans l’eau ou dans les terriers. Clutton Brock appuie cette idée par l’avantage considérable que pouvait représenter l’utilisation des chiens pour la chasse. Les Bochiman, peuple de chasseurs cueilleurs actuels, nous aide à mieux comprendre ce que pouvaient être les sociétés préhistoriques et par conséquent l’avantage que pouvait revêtir l’utilisation de chiens pour la chasse. Clutton Brock cite l’exemple d’un Bochiman qui avec l’aide d’une meute de chiens entraînés rapportait 75 % de nourriture au camp, tandis que six autres chasseurs sans chiens n’en apportaient que 25 %. Cette collaboration à la chasse est appuyée par le fait que l’on a montré pour le chacal par exemple que les canidés sont capables de chasser pour un autre prédateur. Le chacal à chabraque par exemple se précipite au milieu d’un troupeau d’ongulés en aboyant créant une diversion qui permet à la femelle guépard d’approcher sa proie sans être vu. Les chacals attendent ensuite que la femelle guépard termine son repas pour accéder à la carcasse.

Les descriptions faites par les européens de la vie entre Aborigènes et dingos nous donnent un autre indice de ce que pouvait être celle des chasseurs cueilleurs il y a 12 000 ans. Les familles Aborigènes gardaient certains dingos comme animaux domestiques en utilisant d’autres comme partenaires de chasse et ils les mangeaient quand la nourriture était peu abondante mais les inondaient également d’affection. Megitt (48) décrit les associations qui allaient de la chasse des adultes, pour leur queue utilisée en tant qu’ornement vestimentaire porté autour de la tête, à la capture des jeunes, utilisés comme partenaires de chasse s’ils étaient vigoureux, ou alors comme nourriture s’ils étaient faibles. L’auteur cite un commentaire de Lumholtz en 1889, qui disait à propos du dingo « son maître ne le battait jamais mais le menaçait simplement. Il le caressait comme un enfant, mangeait les puces qui

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étaient sur lui et alors, l’embrassait sur le museau. Ces dingos apprivoisés étaient cependant nourris très pauvrement et à par quelques os, ils devaient faire les poubelles pour eux-mêmes et on les reconnaissait de leurs vis-à-vis sauvages par leur pauvre condition ». Ceci nous donne une indication sur le stress nutritionnel auquel pouvaient être soumis les premiers animaux domestiques dans les temps préhistoriques. Aussi l’hypothèse de Juliett Clutton Brock peut sans doute être discutée mais elle illustre le type de rôle que le chien a pu jouer dans l’évolution de l’homme.

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