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Intérêt de l’ADN mitochondrial

LA PLACE DU CHIEN PARMI LES CANIDES VUE SOUS L’ANGLE DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

E) Intérêt de l’ADN mitochondrial

L’ADN mitochondrial comprend 16 500 paires de bases chez les mammifères. Il ne présente pas les grandes séquences non codantes trouvées dans l’ADN nucléaire. Les spermatozoïdes n’apportent pas de cytoplasme lors de l’ovogenèse. L’ADN mitochondrial est hérité de la mère. L’ADN mitochondrial présente la particularité d’évoluer rapidement. Les variations rencontrées résultent essentiellement de trois mécanismes (14).

Tout d’abord, en raison d’un manque de mécanismes de réparations efficaces comparativement à l’ADN nucléaire, le taux de mutation est supérieur. Par ailleurs, le modèle de transmission non mendélienne (cytoplasmique), qui implique la ségrégation au hasard lors des mitoses et méioses, explique une partie des changements évolutifs rencontrés sur l’ADN mitochondrial. Finalement, les variations peuvent résulter d’un mélange des génomes cellulaires contenant plus d’un type de mitochondrie. Ainsi, bien que l’ordre des gènes mitochondriaux fut conservé depuis 350 millions d’années, il existe un taux d’altération au niveau de la séquence nucléotidique, 10 fois supérieur à celui du noyau. Certaines parties ont ainsi évoluées particulièrement rapidement (pour trois des 22 gènes codant pour les ARNt mitochondriaux, le taux de changement a été 100 fois plus rapide que celui des gènes nucléaires correspondants).

On observe par ailleurs un grand polymorphisme au sein des espèces (deux hommes choisis au hasard présentent 0,4 % de différences) (14). Chez l’homme, on a identifié 163 sites de variations résultants de délétions ou additions de petits fragments d’ADN, ou encore de mutations ponctuelles. L’héritage maternel nous fournit de plus un modèle de distribution des gènes mitochondriaux plus simple que celui des gènes nucléaires, et facilite le tracé généalogique des différents groupes de populations. Par ailleurs, chaque clone de mitochondrie préserve une combinaison particulière de mutation qui évolue indépendamment des autres (à la différence des gènes nucléaires qui peuvent subir des combinaisons ou des reconversions).

Ainsi, puisque l’évolution morphologique a souvent procédé sans beaucoup de changement au niveau des loci nucléaires qui codent les protéines (humains et chimpanzés n’apparaissent pas plus distants dans ces mesures que le sont les sous-espèces d’autres mammifères ou des espèces morphologiquement indistinguables de drosophiles), l’ADN mitochondrial, en raison de son fort taux de mutations, est particulièrement intéressant afin d’élucider la phylogénie des populations étroitement apparentées, qui présentent peu de variations au niveau moléculaire. C’est dans cette optique que son étude est importante dans l’établissement des relations de descendance chez les Canidés.

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II) Les relations phylogénétiques de la famille des Canidés au sein de l’ordre des Carnivores

Les classifications basées sur les critères morphologiques ont souvent été l’objet de nombreuses controverses, certainement en raison des phénomènes de convergence au sein des groupes. L’utilisation d’approches moléculaires et biochimiques pour examiner les différences génétiques entre espèces, fournit une alternative pour étudier les relations phylogénétiques des Canidés avec les autres familles de Carnivores. Les très anciennes origines des familles de Carnivores actuels (entre – 40 et 50 millions d’années), supposent que leurs relations peuvent être étudiée en comparant les séquences de gènes qui présentent un faible taux de variation au cours de l’évolution. Une des méthodes les plus appropriées pour des divergences si anciennes, utilise des techniques d’hybridations d’ADN.

Pour établir une comparaison entre deux brins d’ADN appartenant à deux espèces différentes, c’est à dire la quantité de paires de base appariées, Wayne et Benveniste (301), utilise la stabilité thermique de l’hybride formé par ces deux brins. Ils définissent Tm comme la température ou au moins 50 % des hybrides sont appariées. Delta Tm comme la différence de Tm entre les deux brins d’ADN homologues (appartenant à la même espèce) et les deux brins d’ADN hétérologues (appartenant à deux espèces différentes). Delta Tmr est delta Tm réévalués à partir du pourcentage d’hybridation avec une séquence connue et marquée servant d’étalon. Elle représente le pourcentage final d’hybridation (figure 5).

Figure 5 – Arbre évolutif des Carnivores basé sur les différences de séquences d’ADN,

L’échelle temporelle est établie par comparaison entre les divergences moléculaires et l’apparition du premier record fossile (301.)

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Il en ressort deux points intéressants :

1) Les espèces existantes de Canidés sont étroitement apparentées entre elles (delta Tmr inférieur à 4°C) mais sont seulement d’une parenté éloignée avec les espèces des autres familles de Carnivores (delta Tmr supérieur à 18°C).

2) En supposant un taux constant pour l’évolution des séquences nucléotidiques, les Canidés divergent des autres Carnivores approximativement depuis 50 à 60 millions d’années au début de l’éocène, période à laquelle est rapporté le premier fossile de Canidé, par Galliano.

III) Les relations phylogénétiques entre les différents Canidés

A) Etudes fondées sur les variabilités enzymatiques et les différences de morphologie des chromosomes

1) Principe

Le problème posé par l’établissement d’une phylogénie de la famille des Canidés a été élucidé par l’utilisation de plusieurs techniques. La première consiste à comparer le polymorphisme enzymatique entre espèces par l’étude de la variabilité de migration électrophorétique des protéines enzymatiques (298). Ainsi les différences alléliques sont étudiées pour un grand nombre de loci et ensuite utilisées afin de calculer une distance génétique entre différentes espèces. La seconde consiste à étudier le polymorphisme chromosomique. La figure 6 présente différents caryotypes pour quelques espèces de Canidés. C’est à Wayne que l’on doit les principales études pour les Canidés (300-301). Les techniques utilisées consistent à faire éclater les noyaux (milieu hypotonique), à étaler les chromosomes métaphasiques, pour mieux décrire leur morphologie, à utiliser la technique de banding afin de faire apparaître des bandes spécifiques sur les chromosomes. Ici c’est le G banding qui est utilisé. Il consiste à colorer des chromosomes au giemsa après un court traitement à la trypsine ou à la soude. Les bandes sombres correspondront ainsi aux régions riches en adénines et en thymines.

Figure 6 – Caryotypes pour différentes espèces de Canidés (268)

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On peut alors comparer des chromosomes en fonction de leur taille respective, de la position du centromère, des constrictions secondaires et des différences entre bandes. Par exemple, on a réalisé un idéogramme de 460 bandes et marqueurs sur le chromosome 22 de fibroblaste. Ces analyses ont été d’une grande utilité en raison de la grande diversité morphologique des chromosomes des différentes espèces de Canidés, allant du renard roux qui a un faible nombre de chromosomes diploïdes (2n = 36) tous métacentriques, jusqu’au loup gris qui a un nombre de chromosomes élevés (2n = 78) et tous acrocentriques. Ce degré de variation contraste avec les autres familles de Carnivores au sein desquels le nombre de chromosomes et leur structure sont bien conservés. Ainsi le caryotype primitif des Canidés a été remanié dans différentes lignées, révélant l’histoire phylogénétique du groupe. Les résultats de ces études suggèrent quatre divisions phylogénétiques au sein de la famille des Canidés (tableau 1 et figure 7).

Figure 7 – Arbre consensuel de la famille du chien basé sur les distances génétiques entre les enzymes et les morphologies chromosomiques (305).

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Tableau 1 – Les espèces de Canidés, leur distribution et leur nombre de chromosomes (305)

Species Common name Geographic range 2nª

Wolf-fike canids Small (5-10 kg) Canis aureus Canis adustus Canis mesomelas Large (12-30 kg) Canis simensis Canis lupus Canis latrans Canis rufus Cuon alpinus Lycaon pictus

South American canids Speothos venaticus Lycalopex vetulus Cerdocyon thous Chrisocyon brachyurus Red fox-like canids Vulpes velox Vulpes vulpes Vulpes chama Alopex lagopus Fennecus zerda Other canids Otocyon megalotis Urocyon cinereoargenteus Nycteruetes procyonoides Golden jackal Side-striped jackal Black-backed jackal Simien jackal Gray wolf Coyote Red wolf Dhole

African wild dog Bushdog Hoary fox Crab-eating fox Maned wolf Kit fox Red fox Cape fox Arctic fox Fennec fox Bat-eared fox Gray fox Racoon dog Old World Sub-Saharan Africa Sub-Saharan Africa Ethiopia Holarctic North America Southern US Asia Sub-Saharan Africa Northeast S. America Northeast S. America Northeast S. America Northeast S. America Western US

Old and New World Southern Africa Holarctic Sahara Sub-Saharan Africa North America Japan, China 78 78 78 78 78 78 78 74 74 74 76 50 36 50 64 72 66 42ъ ªDiploid chromosome number.

ъVariable number of B-chromosomes present.

1) Les Canidés ressemblant au loup comprennent le chien domestique, le loup gris, le coyote, le chacal.

2) Les Canidés sud américains incluent des espèces aux morphologies très diverses mais possédant un ancêtre commun récent.

3) Les Canidés ressemblants au renard, avec le renard roux, le renard arctique ou le fennec par exemple.

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4) Un groupe atypique comprenant des espèces comme le renard aux oreilles de chauve souris ou le renard gris par exemple, qui représentent des lignées ayant évolué séparément depuis très longtemps. Le chien viverrin semble posséder le type de chromosomes le plus primitif et pourrait avoir de large partie de chromosomes en commun avec le chat (300). Les distances génétiques indiquent, en accord avec le record fossile, que ces divisions ont commencé il y a environ 10 millions d’années.

B) Etudes fondées sur l’analyse de l’ADN mitochondrial

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