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Les différents paliers de la domestication

LA PLACE DU CHIEN PARMI LES CANIDES VUE SOUS L’ANGLE DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

C) Les différents paliers de la domestication

Que nous révèle d’autre l’analyse de l’arbre phylogénétique ? Tout d’abord, que penser de cette date de domestication beaucoup plus ancienne que celle apportée par l’étude des fossiles.

1) Un proto chien ?

Nous avons vu que la comparaison morphologique suggère que les premiers chiens ont un phénotype proche de celui du loup chinois. Mais la plasticité phénotypique des chiens est un problème lorsque l’on essaie de reconstruire leur origine. Certains chiens s’approchent étroitement du phénotype de loup sauvage alors que d’autres le font beaucoup moins (296- 297). Par conséquent, la première apparition de chiens domestiques dans les records fossiles, révélée par leurs divergences phénotypiques à partir des loups, peut être trompeuse.

Vilà insiste sur le fait que la génétique, fournit des informations concernant la date où les chiens furent pour la première fois isolés génétiquement du loup, alors que les fossiles archéologiques documentent les premiers changements dramatiques de leur morphologie. Ainsi Vilà suggère de considérer l’apparition des premiers chiens différenciés dans le record fossile, non pas comme le premier évènement de domestication, mais plutôt comme la résultante d’un changement dans la sélection artificielle, corrélée à un changement de culture au sein des sociétés humaines.

Le passage, entre – 10 000 et – 15 000 ans, des sociétés nomades de chasseurs cueilleurs à des populations agraires sédentaires, pourrait avoir imposé un nouveau régime de

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sélection sur les chiens et engendré des divergences phénotypiques par rapport au loup sauvage. Le chien originel aurait une morphologie de loup. Un élément susceptible de corroborer cette théorie, est la découverte des os de loup, en association avec ceux d’hominidés, dès le pléistocène moyen. Ainsi, loups et hommes vivaient dans les mêmes habitats il y a plus de 400 000 ans (75). Ces os pourraient être ceux de proto chiens. Il faudrait alors considérer qu’avant ce changement de culture, le rôle joué par le chien dans ces sociétés devait être complètement différent, vivant en relations moins étroites avec les humains, les chiens ont pu se cantonner à la protection et à la chasse.

Une autre alternative serait de supposer que le chien a une origine plus récente, et descend d’une espèce maintenant éteinte de Canidés, dont l’espèce vivante la plus proche était le loup (307). Federoff (75), va plus loin encore en considérant que la monophylie du groupe 1, résulterait d’un ancêtre d’une population de loups maintenant disparue, ou pas encore échantillonnée, si bien que ce chien de 100 000 ans ne serait en fait qu’un loup. La découverte d’haplotypes de loups dans le plus grand clade étudié par Savolainen irait dans ce sens.

2) Plusieurs évènements domesticatoires ?

Le second problème à analyser est la quantification du nombre d’évènements de domestication.

L’arbre phylogénétique montre que les séquences de chiens sont réparties en 4 clades. Ce résultat suggère soit que des loups furent domestiqués en plusieurs endroits à des temps différents, soit qu’il y a eu un événement de domestication suivi par plusieurs épisodes de mélanges entre chiens et loups.

Dans les clades 1 et 3 il n’y a pas d’haplotype de loup, ce qui montre que les chiens proviennent de deux ancêtres communs uniques, chacun de ces groupes étant fondé par deux populations de loups séparées. Par conséquent, ceci implique au minimum deux évènements de domestication séparés. Des hommes ont isolé des chiens à partir de loups et par la même créé ces deux clades. En fait, l’absence de loups dans le groupe 1 suggère, une fois la domestication du chien effectuée, la réalisation de croisements avec d’autres chiens plutôt que la recherche d’un autre stock génétique chez les loups sauvages. Wayne ajoute « ceci suggère qu’il faut une dextérité spéciale pour domestiquer un loup. Si cela se faisait plus facilement on aurait trouvé plus de séquences similaires à celles des loups dans les clades de chiens » (207). Le groupe 1 contient la majorité des haplotypes. Par conséquent la majorité des chiens actuels pourraient descendre d’une seule lignée femelle et d’un même événement domesticatoire.

Les deux autres clades incluent des haplotypes de loups. En deux occasions subséquentes, des chiens se sont donc accouplés avec leur ancêtre sauvage. Dans le groupe 4, on retrouve un haplotype identique entre loup et chien ce qui suggère une récente hybridation entre ces deux espèces.

Même si ces explications paraissent plausibles, il semble malheureusement difficile de distinguer les croisements inter-espèces des évènements de domestication. Dans les lieux contemporains où des populations de chiens feraux et de loups se chevauchent, il semble que les croisements entre ces deux espèces soient d’un impact minime sur le pool de gènes de ces espèces sauvages et domestiques. En étudiant les marqueurs génétiques mitochondriaux et ceux hérités des deux parents, Wayne et Vilà ont mis en évidence une absence de progression significative des marqueurs de chiens dans les populations de loups (292). Ceci laisse supposer que les croisements se font très rarement, que les hybrides se reproduisent rarement en milieu sauvage et ceci à priori pour des raisons essentiellement écologiques et comportementales plutôt que pour des raisons liées à des interférences humaines (292).

Une fois que les chiens furent domestiqués, cette invention sociale a pu être si utile, qu’elle s’est propagée aux autres populations humaines à travers le monde et par conséquent

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la population canine a pu s’étendre sur une très grande surface. Par la suite, des croisements occasionnels avec des loups auraient permis les transferts de leurs ADN mitochondriaux.

Pourtant, il semble vraisemblable qu’en plus de 100 000 ans, le nombre d’origines de notre chien domestique soit beaucoup plus important que ce que suppose l’analyse de l’arbre.

Premièrement, l’héritage maternel de l’ADN mitochondrial occulte des croisements entre les loups mâles et les chiennes. Ces croisements sembleraient plus facilement couronnés de succès dans la mesure où les loups ont tendance à élever leurs progénitures dans des régions où les conditions sont plus difficiles (292).

Deuxièmement, l’ADN mitochondrial résultant d’un croisement entre chiens et loups a pu être perdu au cours de l’histoire de la domestication, les femelles de la portée ayant pu ne pas se reproduire, bien que les gènes nucléaires aient été transmis à la descendance mâle.

3) Une origine est asiatique ?

Savolainen (250’) est partie de l’hypothèse suivante : si une population ancestrale et une population dérivée sont comparées, on peut s’attendre à un nombre d’haplotypes et à une diversité nucléotidique supérieurs pour la population ancestrale. Pour les deux clades les plus importants (clade A et B représentant 88.7% des chiens de l’échantillon) les résultats de l’auteur ont permis de proposer l’origine de cette population ancestrale. En effet les chiens issus de l’est asiatique présentent : un plus grand nombre d’haplotypes (après corrections liés à l’échantillonage), un plus grand taux de substitutions et un plus grand nombre d’haplotypes uniques à cette région que les chiens issus des autres régions (Europe ou sud ouest asiatique). Selon cette étude on peut supposer que les haplotypes retrouvés à l’ouest d’une ligne Himalaya Oural proviennent des haplotypes de l’est de l’Asie à partir desquels ils ont divergés.

D) Distribution de la variabilité génétique au sein des différentes races de

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