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Distribution de la variabilité génétique au sein des différentes races de chiens

LA PLACE DU CHIEN PARMI LES CANIDES VUE SOUS L’ANGLE DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

D) Distribution de la variabilité génétique au sein des différentes races de chiens

1) Une origine sibylline pour les races actuelles

Un autre fait fort intéressant est la diversité des haplotypes au sein de chaque race suggérant que les races sont dans leur majorité génétiquement diverses et ne sont pas bien différenciées. Tsuda (281), aboutit aux même conclusions. Le tableau 3 indique que pour les dix sept races représentées par au minimum trois individus, quinze présentaient au moins deux haplotypes différents, souvent classés dans des clades différents. Puisque beaucoup de races sont censées être « pures » et originaires de peu de souches, ce haut degré de variabilité de l’ADN mitochondrial est inattendu. Le temps de fixation des séquences mitochondriales étant rapide (un quart du temps requit pour fixer un marqueur nucléaire), la perte de la variation aurait du être rapide si les races étaient suffisamment pures. Comment expliquer cette forte variabilité ?

La plupart des races ont une origine récente, datant essentiellement du 19ème siècle. Seules les mutations qui ont permis de définir les races ont pu être fixées mais ce n’est pas le cas pour la région de contrôle de l’ADN mitochondrial non soumise à la sélection artificielle. La diversité au sein des races peut donc s’expliquer par une diversité d’origine extrêmement importante. Par conséquent, on peut considérer que les races actuelles proviennent d’un pool de gènes très varié et extrêmement mélangé. Les relations entre les différentes séquences reflèteraient donc bien des divergences dans les pools de gènes ancestraux. Il paraît raisonnable de supposer que les chiens ont été transportés au gré des mouvements humains, comme compagnon, monnaie marchande, etc. Par conséquent les surfaces parcourues par le flux génétique sont extrêmement importantes. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à part le

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chien, seul un autre mammifère à cette rare combinaison d’une exceptionnelle diversité génétique et d’une distribution extrêmement hétéroclite tout au long du globe : l’homme. De ce fait, il semble évident que les éleveurs ont occasionnellement croisé leur chien pure race avec d’autres afin d’éviter les effets délétères associés à un haut niveau de consanguinité ou pour éliminer certaines imperfections génétiques. Une certaine vigueur hybride aurait pu être sélectionnée par les éleveurs. Les différents haplotypes rencontrés au sein d’une race peuvent dériver de tels croisements.

Les données issues de l’analyse du polymorphisme enzymatique et des micros satellites confirment l’hypothèse d’une très large diversité génétique des populations fondatrices des races actuelles.

L’analyse des microsatellites donne des moyennes d’hétérozygoties allant de 36 à 55 % au sein des races alors que des populations de loups sauvages ont des valeurs moyennes de 53 % (108-133-307). Un fort degré de variation fut également trouvé à travers l’étude d’enzymes portant sur 25 loci chez 2 959 chiens de 40 races différentes (Tanuba cité par 291). Il apparaît donc vain de trouver un élément originel pour la plupart des races actuelles.

Tableau 3 – Distribution phylogénétique des haplotypes de 17 races de chiens incluant le chien nu du Mexique et leurs distributions dans les 4 groupes d’haplotypes de chiens (291).

I II III IV Chow chow (n = 3) Border collie (n = 3) Wirehaired dachshund (n = 3) Australian dingo (n = 4) Norwegian elkhound (n = 9) German shepherd (n = 8) Afghanistan hound (n = 3) Siberian husky (n = 3) Jämthund (n = 3) Flat-coated retriever (n = 3) Golden retriever (n = 6) Labrador retriever (n = 6) Samoyed (n = 3) Giant schnauzer (n = 3) English setter (n = 4) Irish setter (n = 3) Koloitzcuintli (n = 19) D1, D2, D3 D1, D5 D5 D18 D3 D4, D5 D6 D3, D18 D4 D4, D15 D4, D12 D1, D4, D5 D4 D3, D5 D1, D9 D1, D3, D4, D26 D8 D8 D7, D19 D7 D7 D7 D7, D21 D10 D6 D10 D6, D24 D6

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2) L’origine contrastée des races les plus anciennes

Les races plus anciennes telles le dingo, le chien chanteur de Nouvelle Guinée, le greyhound et le mastiff se sont développées lorsque les populations humaines étaient plus isolées. On peut donc supposer que certaines de ces races ont été indépendamment domestiquées à partir de populations de loups. Dans l’étude de Vilà, deux races scandinaves, le norvégian elkhound et le jämthund définissent une classe distincte. Seules ces races possèdent l’haplotype d8, même si ce dernier n’est pas fixé (on retrouve le d3). Ceci suggère pour ces races, une origine ancienne et peut être indépendante, à partir des loups locaux. Wilton (308), a par ailleurs mis en évidence une différence de une paire de base au niveau d’un microsatellite permettant d’établir un diagnostic séparant le dingo des autres races. Le dingo a été isolé du chien domestique il y a environ 5 000 ans. Ainsi, l’isolation génétique entre certaines races, a été suffisante, pour engendrer une divergence significative de leur fréquence allélique.

Afin de déterminer si d’autres races anciennes, isolées depuis longtemps, dérivent directement du loup, une étude sur le chien nu du Mexique fut réalisée. Au contraire de la plupart des races, qui sont extrêmement diverses d’un point de vue génétique, le chien nu du Mexique trouve son origine dans un nombre limité de souches et a été subséquemment toujours croisé avec des individus de sa race, depuis des centaines de générations, ce qui a vraisemblablement réduit sa variation génétique. Par ailleurs, son ancienne origine nord américaine, suggère une possible séparation à partir des loups du nouveau monde. En effet, soit il a pu arriver avec les populations humaines par le détroit de Béring, soit il a pu être domestiqué indépendamment, à partir du loup américain, qui s’étendait encore récemment, du Mexique jusqu’au Cercle Polaire. Des archéologues ont récemment découvert des poteries représentant plusieurs chiens nus du Mexique, datant d’il y a plus de 2 000 ans. Des restes de fossiles reconnus par leur dentition incomplète, fréquente chez cette race, ont été retrouvés dans de vieux cimetières à proximité de Mexico et datant de plus de 2 000 ans. Tout au long de son histoire, notamment en raison de ses vertus religieuses, le chien nu du Mexique ne fut soumis qu’extrêmement rarement à des croisements avec d’autres individus. Il fut même protégé des conquistadors espagnols, qui voulaient éliminer toutes choses ne s’apparentant pas à la culture hispanique, en étant isolé par les hommes dans des villages de montagnes. Par conséquent, le chien nu du Mexique semble être un témoin idéal d’une race ancienne restée relativement pure.

L’étude réalisée sur 26 chiens nus du Mexique portant sur 394 paires de base de l’ADN mitochondrial comparée aux 261 séquences rapportées par Vilà, montre qu’ils contiennent des séquences identiques à celles trouvées dans d’autres races (figure 11). De plus, des représentants de tous les groupes, sauf du groupe II, ont été trouvés. Aucune des séquences du chien nu du Mexique n’était similaire à celles des loups d’Amérique du Nord, suggérant qu’il ne fut pas domestiqué indépendamment à partir d’eux. Par conséquent les populations de chiens, qui ont migré avec les humains dans le nouveau monde, notamment il y a plus de 10 000 ans, furent importantes et composites et elles avaient un ancêtre commun récent avec les chiens de l’ancien monde. Une remarque est à ajouter, aucun des haplotypes du chien nu du Mexique n’est partagé avec ceux du chien nu chinois, ce qui corrobore l’idée selon laquelle une uniformité phénotypique est loin d’être représentative d’une uniformité génotypique. La morphologie semblable de certaines races peut relever de relations parallèles, apparues en des endroits distincts au cours du processus domesticatoire.

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Figure 11 – Arbre de la figure 10 auquel sont ajoutés les haplotypes de 17 chiens nus du Mexique (carré) et de 2 chiens nus chinois (ronds noirs) (291)

E) Diversité génétique au sein des populations de loups : un contraste

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