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Le loup chinois un ancêtre du chien ?

DU LOUP AU CHIEN A TRAVERS LA PALEONTOLOGIE

B) Le loup chinois un ancêtre du chien ?

Les loups découverts en Chine appartiennent aux nombreux petits loups du pléistocène chinois. Ils conservent les mêmes proportions que leurs congénères actuels mais néanmoins se distinguent par une crête sagittale moins prononcée et surtout par une carnassière inférieure de taille réduite (entre 22 et 24 millimètres contre 28 millimètres) (219). Par ailleurs, ils sont un peu plus petits et présentent un museau un peu plus fin. Ils sont nommés Canis lupus

variabilis et sont certainement les ancêtres du loup chinois actuel Canis lupus chanco (figure

1). Leur taille et leurs proportions, plus proches des premiers chiens, en font des ancêtres vraisemblables des premiers chiens domestiques de Chine et de Mongolie, mais également des chiens qui ont probablement accompagné les premiers hommes à travers le détroit de Bering vers l’Amérique du Nord notamment entre – 14 000 et – 12 000 ans.

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Figure 1 : Comparaison des vues dorsales des crânes de : A) Canis lupus (loup moderne occidental)

B) Canis lupus chanco (loup moderne chinois) C) Canis lupus variabilis (loup pleistocène chinois)

D) Canis familiaris (chien néolithique chinois) (276)

En outre, un trait qui permet de distinguer les chiens domestiques des canidés sauvages est présent chez le loup chinois moderne mais pas chez les sous espèces plus grandes. Ce caractère est une modification de l’apex du processus coronoïde du rameau ascendant de la mandibule qui est tournée vers l’arrière (figure 2).

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Figure 2 – Canidés généralement considérés comme des ancêtres possibles du chien domestique (219)

La raison pour laquelle le chien possède ce caractère n’est pas claire mais il n’en demeure pas moins qu’il est généralement absent chez les autres canidés à l’exception du loup chinois. Le processus coronoïde est la zone d’attache des muscles masticateurs. Une hypothèse serait de considérer cette différence comme la conséquence d’une différence de régime alimentaire. Elle pourrait être liée à un régime de type omnivore (elle existe par exemple chez l’ours) puisqu’on ne le rencontre pas chez les carnivores stricts (chats, loutres, blaireaux par exemples) (219). Mais cependant, il n’y a pas d’arguments péremptoires qui mettent en évidence un régime plus varié chez le loup chinois que chez le loup nord américain.

42 II) Les premiers chiens du mésolithique

Les données archéologiques montrent que le chien a été la première espèce animale à être domestiquée. Ceci s’est déroulé à la fin de la période glaciaire lorsque les êtres humains vivaient encore de la chasse et de la cueillette.

A) En Europe

L’une des plus anciennes preuves de l’existence du chien est une demi-mandibule trouvée à Oberkassel, à côté de Bonn, en Allemagne. Il s’agit d’une découverte faite dans une double sépulture datant du magdalénien, qui contenait des restes d’un homme de cro-magnon, assez âgé et d’une jeune femme. Cette sépulture est datée d’environ 14 000 ans avant Jésus Christ. Lors d’une première publication en 1919, les ossements du canidé furent pris pour des os de loup. A nouveau analysée en 1979, par Novis, celui ci distingua cette mandibule de celle des loups du paléolithique supérieur de l’Europe centrale par sa taille plus réduite (figure 3) (26).

Figure 3 – a) Mâchoire du chien magdalénien de Bonn – Oberkassel

b) Mâchoire d’un loup magdalénien à Blaubeureu (Jura souabe) (26)

Par ailleurs, les deuxièmes et troisièmes prémolaires manquent et les alvéoles correspondantes sont absentes, ce qui indique une anomalie congénitale (oligodontie). Chez le

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loup, cette anomalie ne touche que les dents peu importantes au point de vue fonctionnelle comme p1 et m3. Elle n’est que très rarement observée alors que c’est une anomalie fréquente chez le chien, depuis longtemps soustrait aux dures lois de la sélection naturelle. Ce raccourcissement de la mâchoire s’observe aussi pour d’autres espèces élevées en captivité ou en cours de domestication.

Figure 4 - Crânes de renards (26)

A gauche : d’un sujet élevé en jardin zoologique A droite : d’un sujet ayant vécu en liberté

Par ailleurs, la taille de la carnassière est souvent utilisée pour différencier le chien et le loup dans les trouvailles préhistoriques. Chez le canidé d’Oberkassel, cette dent mesure 25,8 millimètres de long et 10,5 de large. Par comparaison avec celle d’un loup de la même époque (31 millimètres et 12 millimètres) on observe une diminution de la taille des dents qui associé à l’anomalie de dentition et au raccourcissement de la mâchoire nous indique que ce canidé est bien un chien domestique (26). L’interprétation de cette découverte est aussi soutenue par des trouvailles faites en Thuringe (Allemagne) provenant de couches magdaléniennes (- 11 000). Musil distingue les ossements des canidés découverts de ceux des loups du paléolithique supérieur par leur petite taille et également par le resserrement des dents jugales (26). Enfin il faut signaler des trouvailles dans le campement en plein air de chasseurs de mammouths de Mézin en Ukraine, datant de la dernière phase de la glaciation de Würm. Parmi les restes des canidés, pour la plupart des fossiles de loup semblables au loup local actuel Canis lupus albus, se trouvent trois ou quatre crânes à museaux raccourcis pouvant être des loups apprivoisés nommés par Olsen Canis lupus familiaris (figure 5).

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Figure 5 : Comparaison des crânes d’un loup actuel, d’un loup de la fin du paléolithique et d’un loup à face courte de la fin du paléolithique.

A) Vue latérale du crâne d’un loup actuel, Canis lupus albus

B) Vue latérale du crâne d’un loup paléolithique, Canis lupus, du site de Mezin. C) Vue latérale du crâne d’un loup à face courte du site de Mezin dans l’Ukraine

(276).

Un autre site intéressant est celui du mésolithique de Star Carr, sur la côte Est du Yorkshire en Angleterre. L’un des restes les plus anciens est un crâne de chien (reconnu par le chevauchement des dents), âgé de cinq mois, qui fut retrouvé à côté d’un crâne de loup complet et daté à environ 9 500 ans avant Jésus Christ. Plus récemment, durant la fouille du site de Seamer Carr proche du précédent, une vertèbre cervicale qui correspondait en âge et en taille au crâne du chien de Star Carr, fut retrouvée et datée aux environs de – 9 900 avant Jésus Christ. Clutton Brock considère qu’il est concevable que le crâne et la vertèbre cervicale appartiennent au même chien mais ils peuvent également provenir de deux chiens, n’ayant pas de liens de parenté entre eux (49). Selon Clutton Brock les chiens devaient être peu nombreux pendant le mésolithique. Ils devaient se croiser entres eux et par conséquent il ne devait exister que de faibles variations de tailles entre individus. Par ailleurs, l’étude de ces os a révélé que les chiens recevaient une part importante de nourriture sous forme de poisson. Les auteurs ont postulé que les habitants de ces sites vivaient une bonne partie de l’année près de la côte et obtenaient de la nourriture en pêchant, dont les chiens bénéficiaient.

45 B) Au Moyen Orient

En Asie occidentale, l’espèce de loups sauvages Canis lupus arabs, est l’une des espèces les plus petites de l’hémisphère nord, ce qui rend l’identification des fragments osseux des canidés des sites archéologiques, extrêmement difficile, la diminution de taille étant très minime.

C’est le cas pour des sites Natoufiens de Palestine comme celui de Wady el Mughara du mont Carmel. Les squelettes de canidés identifiés au départ comme étant ceux de chiens furent réexaminés et les mesures qui en découlèrent étaient très similaires à celle du loup arabe moderne, à l’exception faite d’une taille légèrement inférieure et d’un palais un peu plus large. Ceci laisse supposer que ces canidés sont au moins des loups apprivoisés, d’autant plus, que l’on observe en parallèle, une diminution de la taille des bulbes tympaniques (26). Cette idée est en faite corroborée par la découverte d’autres sites Natoufiens au Proche Orient. L’un des plus intéressants est celui de Ein Mallaha en Israël daté de – 12 000 à – 10 000 (58). On y découvre l’existence d’une tombe contenant un squelette humain d’un individu âgé, posant sa main sur le thorax d’un jeune canidé, enterré de toute évidence avec lui (figure 6).

Figure 6 – Tombe à Mallaha montrant un squelette humain et celui d’un chiot vers sa tête (58).

L’étude des dents lactéales et des cartilages de croissance indique que l’animal était vraisemblablement âgé de quatre à cinq mois. La longueur de la couronne de la carnassière lactéale mesure 13,3 millimètres. Une comparaison faite avec la même dent de loups, de chacals et de chiens contemporains du même âge, de Turquie et d’Israël, indique que ce jeune fossile était soit un chien, soit un loup, mais pas un chacal (figure 7).

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Figure 7 – Longueur maximale de la dernière molaire inférieure lactéale pour différents canidés

a) deux loups de Turquie, b) trois loups d’Israël, c) chiot de Mallaha, d) six chiens de Turquie, Israël et Egypte, e) trois chacals de Turquie, f) quatorze chacals mâles d’Israël, g) six chacals femelles (58).

Par ailleurs, une mandibule de canidé adulte fut également retrouvée sur le site. La métaconide de la molaire m1 est faiblement développée comme chez le chien ou le loup, contrairement au chacal. Puisque les mâchoires de chien sont censées être plus courte, en raison du chevauchement dentaire, notamment entre pm4 et m1 de la mandibule, que celle des loups, ces chevauchements ont été étudiés. L’index de chevauchement, défini comme la longueur de la couronne de m1 par rapport à la distance inter-alvéolaire entre p4 et m1, est de 0,67. Des chiens récents d’Israël ou d’Egypte donnent des valeurs de 0,65 à 0,7 alors que pour des loups récents, l’écart et de 0,62 à 0,67. L’utilisation d’un autre index révèle le même chevauchement entre chien et loup. Il semble donc difficile d’établir avec certitude la nature du canidé de Mallaha mais il semble de toute évidence être soit un chiot soit un jeune loup. (58).

Le site de Hayonim en Galilée nous fournit d’autres renseignements sur les relations entre hommes, chiens et loups. L’étage Natoufien des fouilles a révélé une carnassière inférieure appartenant à un chien ou à un loup, en raison du faible développement de sa métaconide. Elle fut datée à – 12 000 ans avant Jésus Christ. Si l’on compare la taille de m1 de ces deux sites avec celles de chiens et de loups, à la fois géographiquement et temporairement différents, ainsi qu’avec celles de chacals récents, plusieurs conclusions peuvent être tirées. Tout d’abord, les loups du pléistocène supérieur étaient plus grands que leurs descendants actuels. Ils ont, comme beaucoup de mammifères, régressé en taille à la fin du pléistocène. De plus, les chiens des sites archéologiques sont plus petits que les loups récents. Trois classes se dessinent. Les loups du pléistocène supérieur, les loups récents et les chiens domestiques. Or, la probabilité pour que les mesures de m1 de Mallaha et de Hayonim appartiennent aux loups modernes, est inférieure à 0,01 (38). Il s’agit donc plus vraisemblablement de chiens. Devis et Valois considèrent que la différence de taille entre loups du pléistocène supérieur et loups récents, résulte d’une augmentation de température à la fin du pléistocène alors que la différence de taille entre loups récents et chiens est corrélée à la domestication. L’apprivoisement du loup aurait été suffisant pour engendrer ce genre de changement de dentition. (58).

47 III) Les chiens du néolithique

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