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Critère concernant l’écosystème 1) Topographie du territoire

ALIMENTATION ET PREDATION CHEZ LE LOUP

C) Critère concernant l’écosystème 1) Topographie du territoire

L’organisation topographique du territoire a une influence importante sur le succès de la prédation des loups. Certains trajets et sites seront utilisés de manières régulières et préférentielles par les loups. Les fourrés et les terrains accidentés favoriseront la chasse à l’affût alors que des terrains avec des pentes très abruptes faciliteront la réussite des poursuites (24). Ces sites formeront des centres d’activités prépondérants au fil des années, une nouvelle meute empruntant les mêmes trajets que les occupants précédant.

On a constaté (151), que les élans étaient plus vulnérables dans des sites fortement utilisés par les loups, ceux-ci généralement à plus basse altitude correspondaient à des lieux où les proies se concentrent en raison d’une plus faible profondeur neige. Les loups se déplacent assez aisément dans la neige car ses pattes agissent un peu comme des raquettes. Si on compare le loup aux ongulés, son poids sur la surface de patte est moins important, de 89 à 114 grammes par centimètres carrés, contre 368 à 1 204 grammes par centimètres carrés pour l’élan. Le loup s’enfonce ainsi moins facilement dans la neige, surtout si elle offre une résistance de surface. Lorsque l’épaisseur de la couverture neigeuse est très importante et non gelée, l’avantage revient alors aux élans avec leurs grandes pattes. Si la croûte est gelée, l’élan s’enfoncera plus et l’avantage reviendra alors au loup (152).

Les élans par ailleurs, recherchent le couvert des conifères pour réduire l’attaque des loups. Ces lieux moins enneigés offrent un abri si l’épaisseur de neige augmente. Par ailleurs, ils limitent le repérage visuel par les loups. Ainsi, les lisières, les clairières sont les sites les plus dangereux. Si la couverture neigeuse est beaucoup plus importante une année, ces avantages seront moins significatifs.

En fait, chaque écosystème possèdera des caractéristiques qui lui sont propres mais variables d’une année sur l’autre, modifiant la répartition des proies, leurs déplacements mais

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également ceux du loup. Par exemple, entre 1977 et 1978, Fuller (106), a observé une diminution du taux de prédation pour les loups d’une meute en Alberta (passage de 6,1 à 4,9 kilogrammes par loup et par jour) qui semble être corrélée à une diminution de la température et à une augmentation de la couverture neigeuse, rendant les déplacements plus difficiles (cf. augmentation du temps passé sur les sites de prédations, voyages comparativement plus courts). Lorsque la neige est profonde et molle, la diminution d’activité qui en résulte réduit les chances de trouver des proies (96).

2) Interdépendance des différents niveaux trophiques

Etudier la dynamique de prédation du loup revient à s’intéresser aux différents systèmes impliqués dans la chaîne alimentaire. Une des études les plus pertinentes à ce sujet fut réalisée dans le parc national de l’Ile Royale sur une durée de 40 ans (171-232). La dynamique de l’ensemble de la chaîne alimentaire sur l’Ile est liée aux variations des trois niveaux trophiques (plantes, herbivores, carnivores) en interactions.

La population de loup pour toute densité d’élan intervient dans une grande proportion dans la mortalité des élans (232). Peterson (232), mentionne que 80 à 90 % de la mortalité des élans peut être attribuée à la prédation des loups.

Pourtant, au cours des années 1969 à 1972 elle n’intervint que dans 42 % des pertes enregistrées, lorsque la mortalité des adultes provenant de malnutrition était au plus haut. En effet, la disponibilité des sous-couches de sapins qui représente 59 % de la nourriture des élans, est un élément essentiel de la dynamique démographique des niveaux trophiques supérieurs, essentiel mais non suffisant (171). En fait, la dynamique de la végétation semble plus liée aux interactions loups élans, qu’aux modifications climatiques. Lorsque la densité des élans augmente, on observe parallèlement une diminution des pousses de sapins qui n’est pas corrélée aux conditions climatiques qui supposerait une augmentation des pousses (augmentation de la température et de l’humidité). L’augmentation de la population des élans est précédée par une diminution de la population de loups permettant une survie des veaux plus importante et une augmentation du nombre d’élans. Elle est suivie par contre d’une augmentation de la population de loup, notamment suite à une augmentation de la population d’élans plus âgés. Subséquemment, on observe une diminution de la population des élans. Par ailleurs, lorsque la densité en élans augmente, la disponibilité en végétation par individu diminue. Elle a pour conséquence, d’une part, d’augmenter le succès de prédation par les loups sur les animaux mal nourris, plus fragiles, d’autre part de retarder l’âge de maturation sexuelle (corrélé au poids de l’animal, poids¼) (232), et par conséquent la dynamique démographique de la population.

D’autres données concernant les variations des niveaux trophiques inférieurs et interagissant avec l’organisation de la prédation du loup sont intéressantes. Post (239), a exploré les conséquences sur l’écosystème des réponses comportementales des loups liées aux variations climatiques. Il apparaît que la variation annuelle du nombre de loups par meute en hiver, est corrélée positivement à l’épaisseur de la couche de neige. On observe parallèlement une augmentation du nombre d’élans tués par meutes, par individu et par jour, notamment en ce qui concerne les veaux et les élans de plus de dix ans. L’augmentation de la couverture neigeuse est reliée à une augmentation de vieux élans tués. L’augmentation du nombre d’élans tués (succès supérieur lors d’hivers enneigés) s’accompagne d’une augmentation du nombre de louveteaux et d’une diminution de la mortalité des loups l’année suivante, où les loups chassent en meutes de plus grandes tailles. Parallèlement, on observe une augmentation des sous-couches de sapins, liée d’une part à un plus faible nombre d’élans, d’autre part à une protection plus importante face au broutage des élans l’hiver en question, en raison d’une plus grande épaisseur de neige (cf figure 1 et figure 2).

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Figure 1 – Dynamique de trois niveaux trophiques sur l’Ile Royale (239).

a) Variation inter annuelle de l’abondance des loups b) Variation inter annuelle des élans

c) Variation inter annuelle de la croissance des pousses de sapins

d) Nord Atlantique oscillation – index corrélé négativement avec l’accumulation de la neige

Figure 2 – Progression des influences climatiques sur les fonctions de l’écosystème : du comportement du loup à la croissance des sapins (239).

a) Augmentation de la taille des meutes durant les hivers enneigés

b) Augmentation du comportement de prédation par meute avec la taille des meutes

c) Déclin de la densité des élans un an après l’augmentation en taille des meutes hivernales

d) Augmentation de la croissance des pousses de sapins un an après le déclin de la densité en élan

La taille de la meute est influencée par le nombre minimum d’individus pour trouver, tuer et se nourrir d’une proie et par la compétition sociale au sein du groupe. L’environnement (climat …), peut influencer les comportements d’une espèce faisant preuve d’une organisation sociale complexe avec les conséquences sur l’environnement qui en découlent.

Cette étude semble accorder un avantage pour une population de loup de chasser en meute de grande taille dans la mesure où le nombre d’élans tués par jour et par loup devient supérieur. Cependant, comme on a pu déjà le voir, d’autres études ne corroborent pas ces résultats (132-253, Thurer cité par 14). Il apparaît dans ces études, certes une augmentation du nombre d’élans tués pour des meutes plus grandes mais cependant un nombre d’élans tués par loup (taux de prédation), inversement proportionnel à la taille de la meute. Par ailleurs,

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contrairement aux résultats de l’Ile Royale, le taux de prédation ne fut pas corrélé dans l’étude de Hayes à l’épaisseur de la couverture neigeuse. Etant donné que la vulnérabilité des élans semble affectée pour une couverture neigeuse supérieure à 90 centimètres, (ce qui ne fut pas le cas dans l’étude Hayes), les quatre hivers dans le Yukon n’ont pas été assez sévères pour influencer le taux de prédation.

3) Compétition interspécifique

Cette étude dans le Yukon révèle également l’importance que peut prendre la compétition interspécifique sur les proies. Il s’agit, en l’occurrence, du rôle joué par les corbeaux, en grand nombre dans cette région.

Les loups et les corbeaux partagent souvent les cadavres. Les corbeaux s’évertuent, souvent en vain, à tirer sur la peau des charognes, mais dès que le loup à commencer le dépeçage, ils sont capables de le terminer à eux seuls. Il existe donc une réelle compétition alimentaire entre ces deux espèces. Brandenburg (36), explique que les corbeaux harcèlent peu les loups à allure dominante mais ceux à l’air soumis supportent les vols en piquer, les coups de becs. L’exercice reste souvent périlleux car certains loups font parfois place nette et les téméraires peuvent succomber sous un coup de dents.

L’influence des corbeaux est également fonction de la taille de la meute se nourrissant sur le cadavre. Dans le Yukon (132), il apparaît que les corbeaux peuvent soustraire 50 % de la biomasse d’ongulé disponible à une paire de loups et ce pourcentage passe à 33 % pour une meute de 6 et à 10 % pour une meute de 10. Cependant, les corbeaux n’ont pas que des interactions négatives sur la consommation des loups. Ils peuvent par leurs cris orienter ou attirer des loups vers des charognes (36).

Cette compétition avec les corbeaux est un exemple de compétition interspécifique. Elle existe également avec de nombreuses autres espèces. Ballard (12), rapporte plusieurs exemples de confrontation entre des loups et des grizzlis, en Alaska, sur des carcasses, en des lieux où la densité des proies était faible. Les loups parvenaient avec plus ou moins de succès à supplanter leurs rivaux, les deux espèces réussissant le plus souvent à se nourrir à tour de rôle. Les interactions agressives pouvaient cependant se solder par la mort d’un des protagonistes. Des observations similaires avec des ours noirs, espèce sympatrique du loup en Alaska, au Canada ou dans le Minnesota, sont également mentionnées. Joslin (cité par 152), rapporte l’exemple d’une louve tuée par un ours noir à proximité de sa tanière. Roger (cité par 152), a noté quelques interactions dans son étude dans le Minnesota de 1969 à 1979. Dans la majorité des cas, elles restaient neutres, mais une année où la population de cerfs de Virginie était en déclin, une meute de neuf loups a contraint une ours à quitter sa tanière, avant de la tuer ainsi que ses petits. Si ces exemples font figures d’anecdotes, ils soulignent cependant les possibilités de compétitions interspécifiques, que l’on retrouve également avec le lynx, le coyote, le renard, le glouton, le vison … (25), et le rôle qu’elles peuvent jouer dans certaines conditions écologiques, chaque système et écosystème présentant ses avantages et inconvénients spécifiques.

Finalement, il semble donc important de comprendre l’évolution de la population du loup, au sein d’une dynamique plurifactorielle tendant vers un équilibre toujours instable, où les différents facteurs (climat, végétation, population en proies, population en loups, en compétiteurs …), interfèrent les uns avec les autres, dans un système qui suit une évolution de type chaotique (cf. théorie du chaos de Prigogine), en tendant vers un attracteur, limité dans un ensemble de possible. Tout élément extérieur de forte importance (grand bouleversement climatique, introduction d’une nouvelle population de loups, épidémie …) modifie la nature même du système évoluant alors vers un nouvel attracteur.

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III) Techniques et comportements de prédation

La variété des niches écologiques et des biotopes fréquentés par les loups suppose des techniques de chasse éclectiques en fonction des proies rencontrées.

A) Prédation sur les petites proies

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