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Les chiens de berger (border collie etc.)

Leur rôle est de conduire les troupeaux, engendrant successivement fuite ou rassemblement. Il existe plusieurs types de chiens en fonction des qualités requises. Les chiens de tête encerclent le cheptel pour le diriger vers le berger. Les chiens de talon conduisent le troupeau devant le berger en suivant un modèle de traque. Les chiens de saisie arrêtent le troupeau en mettant les animaux au sol.

Il apparaît en fait que les chiens de berger utilisent certains patterns moteurs du comportement prédateur du loup. Selon les races, certains patterns seront préférentiellement utilisés, avec des fréquences différentes, parmi la séquence suivante : posture d’orientation, regarder et position à l’affût (photo 2), poursuite (photo 3), saisie par morsure qui peut être précédée par une attaque à l’aide des membres antérieurs, morsure fatale écrasante parfois associée à des secousses de la tête puis finalement dissection et consommation.

Photo 2 – Border collie présentant les patterns « fixer du regard et « position à l’affût » (51)

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Ainsi par exemple, certaines races comme les corgis auront une forte propension à mordre les jarrets d’un animal en mouvements et il s’avéra très difficile de les en empêcher. L’expression de ces comportements chez certains chiens impose, au berger d’être à proximité de la scène, pour stopper le chien afin d’éviter tout dommage sur l’animal retenu. A l’inverse, chez les races telles que le border collie, ce pattern comportemental n’est que faiblement présent, rendant leur entraînement plus aisé car il devient plus facile de couper la séquence avant toute tentative de morsure. En général, pour les borders, le ou les chiens encerclent le troupeau, zigzaguent sans cesse pour tenter de fermer les mailles du filet. Les zigzagues peuvent évoluer en de larges manœuvres contournant l’arrière du troupeau, avec des brusques crochets dès qu’une bête s’écarte de la trajectoire. Ces manœuvres ressemblent tout à fait aux manœuvres d’encerclement et de rabattage des loups sur les troupeaux d’ongulés pour les diriger vers des loups embusqués. Parfois, le chien s’arrête et regarde fixement le troupeau, le corps aplati, à la quête du moindre mouvement de sa « proie », donnant alors la chasse si un animal s’écarte du troupeau. Là aussi, ce comportement rappelle le comportement du loup, ceux les plus en avant peuvent marquer un temps d’arrêt s’aplatissant parfois à la limite de la distance de fuite de la proie, avant de fondre sur elle, surtout si elle s’écarte du reste de la harde. Ce comportement permet par ailleurs, aux autres loups sur les ailes, de se déployer à loisir.

Ainsi, dans le cas du chien conducteur de troupeaux, on cherche à promouvoir un comportement de prédation. Contrairement aux chiens gardiens de troupeaux, les bergers évitent, durant la période de socialisation, de laisser les chiens en contact important avec le troupeau. En fonction des tâches à accomplir, les éleveurs privilégieront certains patterns comportementaux bien définis, en fonction des races. Généralement, les comportements regarder, fixer en position d’affût, poursuivre sont recherchés et les morsures écrasantes sont une faute. Là encore, la mise à la reproduction de certains individus aux caractéristiques recherchées, d’autant que ces comportements sont strictement héritables (51), sera un élément essentiel pour sélectionner au sein d’une race des patterns comportementaux spécifiques.

C) Conclusion

Le comportement de prédation est génétiquement programmé mais différentes races et mêmes différents chiens n’expriment pas ce programme de la même manière. Ces comportements, de type instinctif, apparaissent au cours d’une période spécifique lors de l’ontogenèse et sont engendrés, ou dirigés, par, ou vers un stimulus environnemental spécifique et approprié. Ainsi, si on met à disposition d’une chienne un enregistrement de cris de détresse d’un chiot, elle amènera le magnétophone dans la tanière ou la litière, mais seulement dans les 12 jours qui suivent la parturition (51). L’homme pourra intervenir au cours de l’ontogenèse, pour favoriser ou empêcher la survenue de certains items comportementaux (par exemple en supprimant le stimulus déclencheur au cours de la période donnée). Mais s’est pourtant à travers un long processus de sélection que l’homme a pu accentuer ou supprimer certaines parties du programme, certains patterns moteurs, parmi le vaste ensemble des comportements présents chez l’espèce originelle qu’est le loup. Ce vaste processus chorégraphique de sélection a ainsi engendré les comportements spécifiques de races. Une amélioration, une exacerbation, une spécialisation de certains patterns moteurs, à des fins précises, ont ainsi émergés alors que d’autres, devenus inutiles voire nuisibles pour la fonction et le rôle auquel le chien a été promis, ont été supprimés ou atténués volontairement ou involontairement. Que ces comportements spécifiques soient renforcés par un apprentissage faisant intervenir des conditionnements opérants ou classiques, ou que ces comportements soient issus d’une motivation endogène, c’est à dire que la récompense pour le chien apparaît par la simple réalisation du comportement, là n’est pas tant le problème pour

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expliquer l’avènement et le maintien de ces comportements. En effet, ces deux composantes sont vraisemblablement intimement liées et semblent toutes deux intervenir, même si des proportions variables peuvent leur être assignées, en fonction du comportement sélectionné (cf le chien qui chasse pour lui ou pour son maître). En tout état de cause, l’incroyable processus de sélection a du nécessiter, et nécessite encore, une observation attentive et scrupuleuse des performances réalisées par les chiens, afin de sélectionner certains variants et aboutir à cette si grande diversité de chiens aux comportements si éclectiques. Finalement, tout se passe comme si l’ensemble de la population canine domestique englobait la totalité du système de prédation du loup mais un chien dans sa singularité n’en exprime que certains items plus ou moins développés.

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CHAPITRE IX

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