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Diversité génétique au sein des populations de loups : un contraste entre ancien et nouveau monde

LA PLACE DU CHIEN PARMI LES CANIDES VUE SOUS L’ANGLE DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

E) Diversité génétique au sein des populations de loups : un contraste entre ancien et nouveau monde

Un des derniers points auquel il faut s’attacher dans cette partie concerne la diversité génétique et la répartition de la population lupine. En effet, on a vu une forte diversité du patrimoine génétique chez le chien de telle sorte que très peu nombreuses sont les races que l’on pouvait considérer comme génétiquement isolées. Qu’en est-il des différentes populations de loups.

En ce qui concerne les loups d’Amérique du Nord, les résultats d’études portant sur l’analyse de l’ADN mitochondrial et sur le polymorphisme enzymatique ont abouti aux mêmes conclusions (305). Il n’existe qu’une infime divergence génétique entre les populations d’Alaska et du Sud Canadien et des génotypes identiques ont été retrouvés en des endroits très espacés. Des conclusions similaires sont faites pour le coyote. On sait que le loup est capable de parcourir de très grandes distances, certains loups ayant été observé sur des distances séparées de plus de 1 000 km durant leur vie. Ainsi, si ces résultats supportent l’idée que le flux génique est une force qui homogénéise les variations génétiques, il soulève également le doute sur la validité de nombreuses sous espèces décrites. Les différences permettant de les catégoriser portent sur le pelage, la morphologie squelettique et peuvent refléter des échantillonnages inadéquats, des évolutions rapides en fonction d’écotypes

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spécifiques, des différences de nourriture. Les résultats moléculaires suggèrent quant à eux que ces différences phénotypiques ne signifient pas une longue histoire d’isolation génétique.

Par contre, les loups de l’ancien monde présentent une spécificité géographique. A travers l’Europe, les populations sont extrêmement fragmentées et de petites tailles, et à quelques exceptions près, chaque population possède des haplotypes uniques trouvés nul par ailleurs (305). On notera cependant qu’un loup bulgare ou mongolien et des loups d’Arabie Saoudite peuvent présenter les mêmes haplotypes (250’). Il y a des centaines d’années, la répartition des loups à travers toute l’Europe ressemblait à celle que l’on peut observer à l’heure actuelle au Canada et probablement ne présentait que de faibles subdivisions géographiques. Comme les habitats accessibles, ainsi que la taille des populations, ont diminué de par les pressions de l’homme, les génotypes se sont fixés au hasard dans les populations restantes créant un paysage génétique fracturé. Préserver chaque population séparément à travers des croisements de loups captifs, revient à continuer une sélection artificielle à grande échelle, qui n’est aucunement justifiée.

F) Conclusion

Finalement une trame se dessine. Le chien domestique ressort des différentes études comme une espèce génétiquement très diversifiée. Une bonne partie des races actuelles est apparue depuis le 19ème siècle. Sur ces populations, de nouvelles mutations ne sont pas apparues comme des marqueurs d’identification de races. En effet, les différences importantes de morphologie et de comportement entre les races ne sont pas reflétées par les différences mises à jour par les techniques de génétique moléculaire. Mentionnons un autre exemple d’une étude, qui révéla que le profil génétique d’un american staffordshire terrier, était davantage similaire à celui d’un whippet qu’à celui d’un autre chien de la même race (274). Ceci corrobore l’idée selon laquelle phénotype et comportement ont évolué rapidement à travers des changements portant sur un faible nombre de gènes régulant le développement. Cependant, même des races plus anciennes, telle le chien nu du Mexique par exemple, ont présenté une même base fondatrice extrêmement diversifiée. Ces données laissent donc présager d’une population ancestrale de chiens il y a 1 000 ans, déjà extrêmement diversifiée. Préciser l’origine d’une telle population reste difficile, mais l’existence de deux clades, uniquement constitués de chiens, dont une présente une diversité particulièrement importante, suggère la possibilité d’au moins deux évènements domesticatoires sur des populations de loups distinctes. Un des foyers, voir les foyers de la domestication sont vraisemblablement situés dans l’est asiatique à partir duquel les chiens auraient divergés. Ceci a pu se déroulé il y a peut être plus longtemps que ne le suggère le record fossile, il y a plus de 100 000 ans.

Cependant, il paraît difficile de croire en une Ève canine, tant d’autres points suggèrent la possibilité d’autres évènements interférant dans le pool génétique de l’ensemble des chiens. Tout d’abord, les deux autres clades suggèrent soit la possibilité d’autres évènements domesticatoires plus récents comme pour les chiens scandinaves à partir de populations locales de loups, soit la possibilité d’hybridation. De plus, même si dans un cadre sauvage chiens feraux et loups ne semblent se reproduire que rarement, (même si des cas d’hybridation furent observés en Israël (195) où dans le Nord du Groënland entre chiens et louves (168)), interférant peu avec la composition génétique des deux populations, l’intervention humaine influence encore la diversité génétique observée. Aristote, mentionnait déjà l’existence d’accouplements entre chiens et loups. En Babylonie, les chiennes en chaleurs étaient attachées en forêts, les hommes gardaient la troisième génération de ces accouplements, les deux premières étant trop féroces (134). De nos jours, aux U.S.A., plus de 100 000 hybrides de chiens et de loups existent, fréquemment croisés avec d’autres chiens par la suite, afin d’avoir des animaux plus dociles (307). La race récente (années 50) du sarlosse en est un autre exemple en Europe (race fixée en quelques générations par croisement entre

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berger allemand et loup). Il semble indéniable que ce type de croisement a pu fournir une part conséquente de la matière première utile à une sélection artificielle ciblée mais variée. Pour Wayne (307), la préservation des pro géniteurs sauvages apparaît comme un point critique pour perpétuer l’évolution du chien domestique. Quoi qu’il en soit, la grande diversité génétique que présente les populations de loups à travers le globe, l’introgression de cette variabilité au sein des populations de chiens domestiques, par la possibilité de plusieurs événements domesticatoires et d’hybridations interspécifiques, auxquels s’ajoutent l’incontournable malléabilité et variabilité des croisements intraspécifiques, conséquences d’une sélection artificielle opérant depuis des millénaires et d’une incontestable mobilité de populations canines domestiques, suivant les flux migratoires des populations humaines, sont les composants essentiels du caractère diversifié des populations canines et constituent la trame complexe et sibylline, sur lesquelles achoppent les tentatives d’explications réductrices d’une origine unique du chien.

V) Mythe et réalité de l’approche génétique

A) Génétique et évolution : des résultats divergeant, l’exemple pour

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