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Les mouvements clandestins pour la libération de la Palestine

CHAPITRE I : MÉTHODOLOGIE ET PROBLÉMATIQUE

11. Les mouvements clandestins pour la libération de la Palestine

Quand les Frères musulmans sont déclarés hors la loi à Gaza par le gouvernement égyptien, les jeunes militants gaziotes décident de quitter définitivement les Frères et de poursuivre les opérations de sabotage sous le nom de Katiba al Haq, constituant des cellules secrètes pour mener les attaques. Khalil al Wazir cherchait à créer, comme il l’explique dans ses

228 BALAWI Hassan (2008), pp. 19-20.

229 Il sera, ensuite, membre du comité exécutif de l’OLP. 230 BALAWI Hassan (2008), p. 20.

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écrits,231 une atmosphère explosive qui augmenterait l’attention de tout Palestinien et sa fierté. Le gouvernement égyptien ne s’oppose pas à la réponse armée envers Israël et décide de promouvoir un programme de formation militaire à destination des écoles secondaires de Gaza, celui-ci étant dispensée par des étudiants des universités égyptiennes travaillant comme volontaires. Lors de la visite à Gaza d’une délégation de la Ligue d’étudiants palestiniens, Arafat rencontre Wazir pour la première fois. Il reviendra par la suite en qualité d’instructeur militaire et une certaine amitié naîtra avec Wazir lorsque celui-ci rejoindra l’Université du Caire au milieu de l’année 1956, quelques mois avant l’invasion tripartite de l’Égypte232.

Le débat entre les futurs fondateurs d’al Fatah dans les années 1950, n’est pas de savoir comment attirer le plus grand nombre de Palestiniens vers une activité armée à Gaza, mais concerne bien davantage l’absence totale d’organisations palestiniennes autonomes. L’éclatement total des Frères musulmans après l’invasion israélienne et la décision de l’Égypte de mettre un terme aux actions de feda’iyyun en mars 1957, forcent le groupe fondateur à agir de façon indépendante. Wazir identifie dans son analyse trois positions : une population de jeunes au Caire qui tente en vain de constituer une structure de dirigeants sans obtenir de réponse positive de la part des cadres dirigeants ; un deuxième groupe estimant qu’il faut déclarer un gouvernement en exil, comme le all Palestine government233, mais qui se heurte à l’opposition des gouvernements arabes ; enfin, une troisième position qui considère que la mise en place d’une organisation palestinienne dans un tel contexte est impossible et que l’unique solution pour les Palestiniens est de militer clandestinement jusqu’au moment où une organisation pourra s’imposer comme une réalité et forcer sa reconnaissance234. La décision du hadj Amin al Husseini de s’exiler, comme le dit Balawi, a marqué les consciences palestiniennes : « Khalil Ibrahim al Wazir […] a ainsi expliqué combien se plier à un ordre émanant d’un

dirigeant arabe fut une terrible erreur historique. Pour lui, le grand mufti n’aurait pas dû quitter la Palestine car, en s’enfuyant, il a ruiné les revendications nationales »235. Wazir prend la décision de lutter pour la libération de la Palestine dans la clandestinité. Il écrit un mémorandum privé à l’adresse des Frères musulmans, en juillet 1957, pour établir une organisation palestinienne parallèlement à

231 HAMZA M. (1971), Bidaiat (al Wazir) Génese, Le Caire, Al Quds Press.

232 L’invasion par la France, la Grande-Bretagne et Israël sur le canal de Suez en 1956.

233 SHLEIN Avi (1990), « The Rise and Fall of the All-Palestine Government in Gaza », Journal of Palestine Studies, vol. XX n° 1, p. 37.

234 Entretien n° 51 avec Ghaleb Abu Maher el Wazir, frère d’Abu Jihad, Gaza, 2007. 235 BALAWI Hassan (2008), p. 16-17.

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la leur, dont la position ne serait pas ouvertement islamiste, afin de promouvoir la lutte armée pour la libération de la Palestine. L’organisation des Frères musulmans ne prend pas au sérieux cette demande et, des années plus tard, plusieurs de ses membres rejoindront les rangs du

Fatah.

Des activistes d’orientations différentes s’unissent peu à peu pour former al Fatah. Leur objectif est de détruire Israël et de retrouver la Palestine telle qu’elle avait existé avant 1948. Les membres d’al Fatah expliquent qu’Israël avait réussit à obscurcir et à minimiser la tragédie palestinienne en réduisant le problème palestinien à une simple question de frontières, de réfugiés et à l’enjeu de l’eau. Pour al Fatah, les droits palestiniens ont été minimisés par rapport aux deux millions de survivants du nazisme ayant trouvé protection dans un tout petit pays. Ses partisans estiment que les Palestiniens regagneront respect et dignité seulement par le biais de la révolution. Al Fatah fait appel à la notion d’entité, kayan, et cette idée devient la base de son programme politique dans les années 1960. Assortie à la conviction selon laquelle les gouvernements arabes chercheraient à supprimer l’identité palestinienne, elle est une notion centrale pour al Fatah236. Le Fatah, la révolution, ainsi que le dit Fanon dans ses écrits concernant celle d’Algérie, a un effet purifiant pour ceux qui la font237. Révolution et lutte armée étaient les deux composantes idéologiques principales de la plate-forme du Fatah. Wazir comparait cette dynamique à la lutte des Noirs en Amérique du nord, le Mau Mau au Kenya et les nationalistes algériens. Pour le Fatah, l’enjeu était de réaffirmer, aux yeux du monde, l’existence palestinienne238.

Le Mouvement des nationalistes arabes, déjà mentionné, développe une idéologie différente de celle d’al Fatah, liée davantage au nassérisme et à son idéal panarabe. Pour les groupes palestiniens déjà constitués et inspirés de ce Mouvement, la libération de la Palestine se produira par le biais des efforts des pays arabes.

La position d’al Fatah et les activités militantes qu’il mène exercent une pression constante sur les dirigeants du Mouvement qui réclament, en 1964, la création du Commandement Palestinien d’Action. Celui-ci devint alors une branche autonome, avec l’approbation de George Habash et de Wadieh Haddad, constituant celle de la lutte armée. Le

236 Conversation avec le cousin d’Abu Ammar, M. Djarir al Qudua, Gaza, 2002.

237 Yezid Sayigh évoque le même sentiment et indique que le livre de Franz Fanon a été traduit, dans une version abrégée, en arabe sur des tracts d’information du Fatah.

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courant le plus extrême de la gauche du Mouvement, qui n’est pas palestinien, n’est pas favorable à sa création. Sa ligne directrice est celle de Nasser, opposée aux attaques armées à l’encontre d’Israël. En 1967, Habash se rend à Beyrouth et fonde le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), union de trois organisations : les Héros du retour, les Jeunesses de la vengeance et le Front de libération de la Palestine d’Ahmed Jibril. Son attitude intransigeante et autoritaire semble être la raison des futures scissions au sein du parti. La principale fraction, dans le cas de Gaza, est celle dirigée par Nayef Hawatmeh, qui forme le Front démocratique populaire de libération pour la Palestine (FDLP), idéologiquement plus proche des maoïstes.

De retour à Amman, Habash se lance dans les actions violentes pour la libération de la Palestine. Il met sur pied des détournements d’avions et constitue des commandos suicides contre des objectifs liés à Israël. Mais, l’opération qui provoquera l’intervention du roi Hussein est le triple détournement vers Amman en septembre 1970, réalisé par les résistants du PFLP, le Front populaire pour la libération de la Palestine239. Le roi envoie son armée contre les

fedayins, ce qui met fin aux relations avec la résistance palestinienne qui se délocalise à

Beyrouth. Deux années plus tard, Habash renonce aux détournements aériens, reconnaissant qu’ils n’ont aucune raison d’être dans le contexte du moment. Il demeure l’homme intransigeant de l’OLP, dénonçant toutes les capitulations des Palestiniens face à une solution négociée avec Israël. Durant ses dernières années, il apporte son soutien à la position d’Arafat en faveur d’une solution transitoire et autorise ses représentants à se rallier au comité exécutif240.

L’alliance entre l’Union soviétique et l’Égypte se renforce avec le don d’équipements modernes militaires, blindés et avions, non seulement pour l’Égypte mais également pour la Syrie. La France, ainsi que d’autres puissances occidentales, envoient à leur tour du matériel militaire performant. En mai 1967, l’Égypte demande aux Nations unis de retirer les Casques bleus présents dans le Sinaï depuis 1957. Cette décision fait suite à la réoccupation égyptienne de Charm-el-Cheikh et au placement de blindés dans le Sinaï. Il en va d’ailleurs de même pour

239 Les résistants du mouvement populaire pour la libération de la Palestine, dirigé par George Habash, détournent trois avions vers un désert jordanien où ils les font alors exploser. Cet événement est à l’origine de septembre noir.

240 http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2008/01/26/georges-habache-le-fondateur-du-front-populaire-de-liberation-de-la-palestine-est-mort_1004222_3382.html#44d3EhqHS0xekKft.99.

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la Syrie sur sa frontière avec Israël. L’Égypte, la Syrie et la Jordanie se préparent à une confrontation qui semble désormais inéluctable.

Israël lance une campagne préventive le 5 juin 1967 qui durera six jours au succès dévastateur pour les forces égyptiennes, syriennes, irakiennes et jordaniennes. Yitzhak Rabin, le général israélien qui la commande fait poursuivre les opérations avec des blindés jusqu'à Gaza, le Sinaï et Charem el-Cheikh du 5 à 8 juin. Entre temps, il conquiert la Cisjordanie du roi Hussein et s’empare du plateau du Golan pour marcher vers Damas. La fin de la campagne est exigée par les Nations unies le 7 juin, mais Rabin ne s’arrête que le 10. La Syrie perd le plateau du Golan, la Jordanie se voit privée de la Cisjordanie, Jérusalem incluse, et l’Égypte est amputée du Sinaï et de la Bande de Gaza.

Les pays arabes se concertent après la guerre, lors du Sommet de Khartoum en août 1967, afin de prendre les décisions qui s’imposent. Une déclaration est faite affirmant qu’il n’y aura ni réconciliation, ni négociation, ni reconnaissance possible de l’État d’Israël241. Quelques mois plus tard, fin novembre, les Nations unies décident, dans la résolution 242, des conditions politiques nécessaires pour le retour à la paix : le retrait israélien des territoires occupés, la reconnaissance d’Israël par les États arabes et une solution raisonnable au problème des réfugiés palestiniens. Malgré l’annonce faite lors du Sommet de Khartoum, le président égyptien, Jamal Abdel Nasser, et le roi Hussein de Jordanie acceptent la Résolution 242242 issue du Conseil de sécurité des Nations Unies en novembre de la même année.

Toutefois, les tensions perdurent entre Israël et les autres pays arabes qui ont perdu des territoires dans la guerre. Nasser pense toujours que la lutte armée a toute sa place dans la relation avec Israël pour augmenter les possibilités de négociations et recommencer des attaques le long du Canal de Suez. Israël ne rend pas les territoires gagnés dans la guerre. La médiation des États-Unis n’obtient pas le succès escompté car le gouvernement israélien, et sa coalition, le mouvement travailliste et la droite, s’opposent à toute concession. En attendant, Israël reçoit un armement toujours plus important de la part du gouvernement américain, le

241 KERR Malcolm (1971), The Arab Cold War : Gamal 'Abd al-Nasir and His Rivals, 1958-1970, Oxford, Oxford University Press.

242 La résolution 242 du Conseil de Sécurité de Nations unies de novembre 1967 est basée sur le départ des forces armées israéliennes des territoires occupés pendant la guerre de 1967, sur la fin de l’état de belligérance et sur la reconnaissance mutuelle de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État dans la région et de leur droit de vivre en paix et en sécurité. Finalement, c’est une juste résolution du problème des réfugiés.

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président Nixon maintenant de cette façon la suprématie militaire de l’Etat hébreu dans la région. La présence de madame Golda Meir à la tête du gouvernement ne facilite pas les négociations. Israël et l’URSS, tour à tour, rejettent les propositions de paix des États-Unis. Nasser se sent plus fort avec les armes soviétiques qui renforcent l’armée égyptienne et, pendant le premier semestre 1970, les attaques égyptiennes contre Israël se multiplient, surtout parce que le Président égyptien a le sentiment que la construction de la ligne de protection Bar Lev par Israël, le long du Canal de Suez, pourrait signifier une permanence des frontières. L’armée Israélienne répond par des incursions en Égypte et en menaçant le gouvernement égyptien d’un éventuel effondrement. Nasser accepte, finalement, en juillet 1970, le cessez-le-feu proposé par les États-Unis. En septembre de la même année, il meurt d’une crise cardiaque et Anwar al Sadat accède à la présidence de l’Égypte, initiant presque immédiatement la dé-nassérisation du pays.

Le résultat de la guerre de juin 1967 a transformé les données territoriales : Israël occupe davantage de territoires que prévu par le plan de partition et, en juin 1967, il domine toute la Palestine du Mandat.