La première Intifada et ses répercussions sur l'emploi

En 1987, éclate la première Intifada. Le statut du pater familias s'érode à cause des humiliations que lui impose l'occupant442. Pendant cette période, les enfants font face à l’armée et les femmes jouent un rôle essentiel dans le cercle familial grandement bouleversé. La résistance s'exprime à travers des affrontements constants entre l’armée et la population mais aussi par la désobéissance civile. En 1991, l'Etat d'Israël décide de ne plus délivrer de permis d’entrée aux ouvriers de la Bande de Gaza et de Cisjordanie et dans le même temps impose des couvre-feux fréquents. Cette politique israélienne que les Gaziotes ont crue temporaire comme représailles à l’Intifada se renforce pendant la Guerre du Golfe entre 1991 et 1993. Se crée alors le passage d'Erez qui devient avec le temps un point de passage quasi frontalier. Il apparaît clairement alors que l'Etat d'Israël après toutes les années de "frontières ouvertes" s'oriente vers une politique de "séparation" de la Bande de Gaza. De fait, quand Erez est fermé, la zone industrielle d'Erez n'est plus accessible aux ouvriers gaziotes qui se retrouvent alors au chômage.

Dans le graphisme n° 3, on constate que les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie n'ont cessé de grossir les rangs de la main d'œuvre dans l'Etat d'Israël qui a profité grassement de cet " arrangement " de l'Open Bridges. En effet, le gouvernement a touché des

184

revenus en provenance de la Bande très supérieurs aux investissements qu'il a pu y faire443 tandis que l’économie palestinienne interne n'a réussi qu'à générer que deux tiers de son revenu national. Signalons que les Gaziotes " ont coopéré " au budget total de l’État d’Israël à travers le paiement d’un impôt que Meron Benveniste444 a appelé « occupation tax » (impôt d’occupation)445.Ce graphisme montre l'augmentation constante du nombre d’ouvriers palestiniens travaillant en Israël depuis le début de l’occupation jusqu’en 1993.

Figure 10 : Le graphique montre le pourcentage age d'ouvriers palestiniens employés en Israël. en rouge : les ouvriers gaziotes travaillant en Israël entre 1968-2000

Source : FARSAKH Leila, « Palestinian Labor Migration to Israel Since Oslo and Beyond »446. En 1993, Israël et l’OLP, après des négociations secrètes, signent les accords d’Oslo. L’Autorité palestinienne se crée d'abord à Jéricho puis à Gaza en 1994 jouissant d'une autonomie partielle sur une petite partie de la Palestine historique. La Bande de Gaza qui reste toujours sous occupation israélienne va connaître une évolution différente de celle de la Cisjordanie et de Jérusalem.

443 FARSAKH Leila, Palestinian Labor Migration to Israel since Oslo and Beyond, Middle East Studies Association Conference, Londres, London School of Oriental and African Studies, University of London, 2001, p. 3. 444 Meron Benvenisti spécialiste en sciences politiques fut maire-adjoint de Teddy Kollek de 1971 à 1978 période pendant laquelle il a administré la partie arabe de la ville.

445 BENVENISTE Meron, KHAYAT Shlomo (1988), West Bank and Gaza Strip Atlas, Jerusalem, Jerusalem Post Press.

446 FARSAKH Leila, « Palestinian Labor Migration to Israel Since Oslo and Beyond », Topics in Middle Eastern and North African Economies, electronic journal, vol. IV (Middle East Economic Association and Loyola University Chicago), septembre 2002. 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 1968 1971 1974 1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 %

185

Ainsi, comme on peut le voir dans le graphisme ci-dessous, en 1993, la majorité des ouvriers gaziotes travaillaient en Israël puisque seuls 4, 5 % restaient dans Gaza. En 1995, la zone industrielle d’Erez a fermé 102 jours dans l'année et seulement 2, 3 % des ouvriers sont sortis pour travailler en Israël. En 1996, Erez ferme pendant 138 jours et seulement 5, 6 % des ouvriers parviennent à sortir. Le « safe passage »447, le corridor devant permettre la circulation entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie dans lequel les Gaziotes avaient placé leurs espoirs a été installé en 1999 et n'a pas fonctionné longtemps. De plus, il n’a fait qu’ajouter un autre système de permis à celui déjà existant.

Figure 11 : Main d'œuvre gaziote entre 1993 et 2001

En Jaune : Les ouvriers employés en Israël. En rouge : Les sans-emploi. Trait noir : Les jours ou le passage d’Erez était fermé interdisant toute sortie entre 1993 et 2001448.

Source : FARSAKH Leila, 2001.

Grâce aux travaux des économistes et historiens comme Farsakh, Benveniste et Khayat, se fondant sur les données du Bureau des statistiques israéliennes, nous sommes à même de comprendre la situation de l’emploi depuis 1967 et de la comparer à celle d’aujourd’hui. En 1995, la nouvelle Autorité palestinienne a créé, elle aussi, un Bureau central des statistiques. Dès lors, la mesure de l’emploi et du " chômage " devient un outil statistique,

447 Décidé aux memoranda de Wye River en 1998 et de Charm el-Cheikh en 1999. 448 FARSAKH Leila (2001), ibid.

0 20 40 60 80 100 120 140 160 0 5 10 15 20 25 30 35 40 1993 1995 1996 1997 1998 1999 2001 % o f th e lab o u r fo rc e

186

dénommée en anglais « relaxed », " douce " très utile pour établir les demandes envers les donateurs qui contribuent au développement de l'Autorité palestinienne depuis sa création. Selon les statistiques, l’emploi se définit comme : une personne de plus de 15 ans travaillant au

moins une heure pendant la période de référence (une semaine). Ces chiffres masquent la réalité du

monde du travail car il ne met pas en évidence la situation réelle. Nous préférons donc employer le terme de " chômage " au sujet de Gaza lorsque nous citons les statistiques israéliennes ou celles du PCBS (Bureau central palestinien de statistiques).

Avec les accords de paix et le déménagement des bureaux de Nations Unis de l’Autriche à Gaza en juillet 1996, ainsi que la prolifération des ONG humanitaires, la Bande de Gaza devient un de lieu plus enquêté du monde.