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L’installation des colonies israéliennes à Gaza par Ariel Sharon

CHAPITRE I : MÉTHODOLOGIE ET PROBLÉMATIQUE

15. L’installation des colonies israéliennes à Gaza par Ariel Sharon

La première colonie israélienne dans la bande de Gaza est créée en 1970, dans le sud, entre Rafah et Deir el Balah dans le « bloc » de Goush Katif. Trois autres sont implantées à l’extrême nord et une isolée au centre du territoire. Le système de colonisation à Gaza s’accompagne d’une exploitation intensive des ressources terrestres et naturelles, particulièrement de l’eau. Vingt-et-une implantations, regroupant une population de 5 à 7 000 colons297, agricoles pour la plupart, sont le résultat des efforts d’Ariel Sharon et du mouvement de reconquête de la terre d’Erez Israël. Le gouvernement israélien subventionne services et logements et fournit également les routes spéciales de contournement, interdites aux Arabes. D’après une étude effectuée par le quotidien israélien Ha’aretz, le gouvernement israélien dépenserait alors environ 500 millions de dollars par an pour les colonies, sans compter les dépenses sécuritaires et militaires.

L’installation de ces colonies a connu deux phases principales : la première, travailliste, puis la phase Likoud298. Les implantations coupent la Bande de Gaza en divers morceaux

296 L’université islamique était aussi le lieu de célébration des dates clés qui, autrement, ne pouvaient pas être commémorées.

297 Colonies (israéliennes dans les Territoires Occupés)| Institut MEDEA :

http://www.medea.be/fr/pays/palestine/colonies-israeliennes-dans-les-territoires-occupes/

298 De 1968 à 1977, le gouvernement travailliste avait centré son programme de colonisation (plan Allon) sur les régions à faible population palestinienne, sur la création d’une ceinture juive autour de Jérusalem-Est, dans la vallée du Jourdain et sur le Golan, dans l’idée d’une éventuelle rétrocession d’une partie du territoire palestinien à

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empêchant la circulation entre le nord, le centre et le sud. Beaucoup d’employés qui travaillaient à Gaza tout en résidant au sud et qui en avaient les moyens, avaient loué un pied-à-terre avec d’autres personnes pour réduire les frais de voyages jusque chez eux, en attendant la fin de la semaine299. Le téléphone portable devient ainsi un outil crucial pour communiquer avec la famille. Les parents de ces jeunes gens deviennent alors extrêmement anxieux et il n’est pas rare d’en voir se « promenant » devant leurs maisons, attendant le retour de leurs enfants. Bien que les implantations aient coupé de façon dramatique la Bande, de nombreux Gaziotes restent nostalgiques depuis leur départ, car elle représentait, surtout jusque dans les années 1980, une grande source d’emploi dans le secteur de l’agriculture300.

Dans les années 1980, l’administration militaire israélienne avait promis des élections municipales dans les Territoires occupés. Deux maires de Cisjordanie, ceux d’Hébron et de Halhul, sont déportés. Une grande vague de désobéissance civique se manifeste à Gaza. Le gouvernement israélien décide, immédiatement, de créer une administration civile en lieu et place de l’administration militaire, mais ce nouvel organisme appelé CIVAD (organisme d’administration civile)301 fait partie intégrante de la structure militaire qui opère à Gaza. La CIVAD agit depuis décembre 1981, détenant la responsabilité des secteurs non militaires de la santé, de l’éducation et des services sociaux. Elle est considérée comme le premier élément en faveur du plan de Begin pour l’annexion des territoires. De fait, sa constitution est source de grande anxiété parmi les Gaziotes, d’autant plus qu’Israël vient d’annexer le plateau du Golan. Le maire et les employés de la mairie de Gaza boycottent la CIVAD et en appellent, avec certains de leurs collègues de Cisjordanie, à une grève générale en 1982. Les maires de Cisjordanie sont remplacés, mais à Gaza les Israéliens demandent personnellement au maire, Monsieur Shawa, de cesser la grève. Son refus entraîne sa destitution et la dissolution du

la Jordanie en cas de négociations. Déjà intensifiée dans les dernières années du gouvernement travailliste (sous l’impulsion de Shimon Pérès), cette politique s’est radicalisée avec l’arrivée du Likoud au pouvoir en 1977. La colonisation s’accélère et vise à empêcher tout compromis territorial par l’installation de nombreuses colonies dans les zones palestiniennes densément peuplées.

299 Durant ces années, et ce jusqu’au désengagement d’août 2005, il est fréquent de rencontrer des étudiants qui doivent chercher un lieu où passer la nuit, ayant attendu en vain pendant des heures de pouvoir passer les barrages.

300 Le déplacement de colonies hors de Gaza a lieu en août 2005 ; des relations amicales demeurent entre Palestiniens et Israéliens même dix ans après leur départ de Gaza.

301 ROY Sara (2004), The Gaza Strip, the Political Eeconomy of De-development, Washington, (DC), Institute of Palestine Studies. Roy mentionne « A Plan For The Development of the Gaza Strip Through The Year 2000 », Tel Aviv, Ministry of Defence and Gaza Civil Administration, 1986, p. 200

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Conseil municipal. La branche de Gaza du ministère israélien de l’Intérieur assume directement le contrôle du territoire.

Les accords de Camp David, bien qu’empêchant une nouvelle guerre entre Israël et les pays arabes, aboutissent à une impasse car ils n’ont pas négocié l’autonomie palestinienne. Le débat entre Sadate et Begin sur le problème palestinien a eu lieu sans la présence de la Jordanie et de l’OLP. En février 1980, Israël et l’Égypte accueillent leurs ambassadeurs respectifs et, dès le mois d’avril, l’Egypte autorise les relations économiques directes avec l’Etat hébreu. L’assassinat de Sadate, en octobre 1981, tué par un soldat opposé au traité, entraîne une attitude plus ferme de la part du Caire sur la question palestinienne. Le vice-président de l’époque, Hosni Moubarak, lui succède, le 14 octobre, à la présidence de l’État.

La situation laisse aux Israéliens une large marge de manœuvre, leur permettant d’agir selon leur bon vouloir. L’Égypte, pour sa part, prend garde à ne pas tenter un retour au Sinaï. Enfin, le monde arabe est divisé, et l’OLP isolée. Le gouvernement israélien accélère la colonisation, alors que la répression militaire augmente en Cisjordanie et à Gaza. Au Liban, les opérations de l’armée israélienne se multiplient. La tension augmente encore en 1981, surtout après la crise des missiles, avec la Syrie au printemps. Le déclencheur en est l’attaque de la centrale nucléaire irakienne de Tamouz le 7 juin puis, en décembre, l’annexion du plateau du Golan. Durant le mois de juillet, de nombreuses attaques ont été perpétrées entre les armées israéliennes et les troupes de l’OLP basées au Sud-Liban, au point que les États-Unis ont dû négocier un cessez-le feu, qui est respecté302.

En 1982, l’armée israélienne quitte définitivement le Sinaï, mais c’est pour envahir le Liban au cours d’une opération appelée Paix en Galilée303. L’Égypte rappelle son ambassadeur qui ne reviendra pas en Israël avant huit mois. Cette invasion est présentée par Begin aux États-Unis et à la France comme une urgence en matière de lutte contre le terrorisme, car il espère leur accord tacite. Le résultat le plus important touchant les Palestiniens est l’évacuation de l’OLP par la Marine française ainsi que d’autres Gaziotes qui résidaient au Liban, parmi eux

302 http://boutique.monde-diplomatique.fr/extrait-cent-cles-guerre-de-1982, p. 1, Extrait des « 100 clés du Proche-Orient », article consulté le 27/06/2015.

303 Le but des attaques israéliennes est l’élimination de la résistance palestinienne de Beyrouth, où l’OLP est installée, et du Liban, de forcer la Syrie à quitter le Liban et de favoriser la victoire des forces libanaises et l’accès à la présidence de la République de leur chef, Bachir Gémayel.

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le poète Mo’in Bseiso, tous étant menacés de mort s’ils demeuraient dans le pays. Une autre conséquence majeure, et pour le moins inattendue, pour les Israéliens : c’est la première fois dans l’histoire de l’État d’Israël qu’une initiative militaire est perçue par l’opinion publique internationale comme illégitime, parce que non-nécessaire à sa défense, a fortiori à sa survie. Le portrait d’Israël se dégrade davantage encore du fait de la diffusion dans les médias internationaux d’images tragiques du siège de Beyrouth et de Sabra et Chatila304. Ces deux massacres, en septembre 1982, perpétrés par les miliciens libanais chrétiens, après le départ de l’OLP, avec la caution tacite des Israéliens, donnent à la population palestinienne un sentiment d’impuissance. Une partie même de la population israélienne accuse Sharon et Begin, les considérant responsables de cette horreur. Le premier doit quitter le ministère de la Défense mais reste toutefois au gouvernement en qualité de ministre sans-portefeuille305. D’ailleurs, une commission d’enquête israélienne a été établie pour examiner les responsabilités ; d’où le

rapport de la Commission Kahan.

Les Frères musulmans en profitent pour accroître leur influence dans Gaza. Lors de l’élection pour la direction de l’Université islamique, ils remportent 51 % des votes des étudiants et de la plupart des personnels administratifs. Les enseignants sont, alors, dans leur grande majorité, islamistes et prennent le contrôle total de l’université. Ainsi que le disent certaines personnes interviewées, tout comme Filiu dans son livre306 : l’atmosphère de dissidence (inshiqaq) se fait de plus en plus sentir. Il est important de comprendre l’influence du Hamas au travers de son travail pacifique d’éducation, d’aide médicale, sa préoccupation à l’égard de la jeunesse et pour les plus démunis, sans oublier l’action de la Mujamah al islami et sa réticence à entrer dans la résistance armée, la pression de la rue n’étant pas jugée encore suffisante. Le groupe des Frères musulmans constitue le berceau de mouvements plus laïques, tel le Fatah, ainsi que de mouvements musulmans nationalistes comme le Hamas et le MJIP (Mouvement de Jihad islamique palestinien) qui reprennent certains éléments idéologiques des Frères musulmans, en se référant à la libération de la Palestine, un but commun à tous les mouvement islamistes locaux. Le Jihad Islamique est créé dans les années 1980, par un Frère musulman, Fathi al-Shiqaqi. Les frictions entre les deux organisations, quand al-Shiqaqi rentre

304 ABU AMR Zyad (1994), Islamic Fundamentalism in the West Bank and Gaza: Muslim Brotherhood and Islamic Jihad, Indiana, Indiana University Press.

305 FILIU Jean-Pierre (2012), pp. 193-194. Voir aussi Tamimi (2007), Hamas. 306 Idem, p. 195.

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à Gaza, sont fréquentes, le Jihad Islamique tentant de recruter parmi Frères musulmans et également les sympathisants du Fatah.

Conscient de la faiblesse du Fatah et de l’OLP, du fait de ces nouveaux développements dus à l’influence croissante des islamistes dans la population, surtout à Gaza, Arafat décide de faire la paix avec Moubarak et tente de conclure un accord avec le roi Hussein de Jordanie.