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L’autorisation en novembre 1947 du plan de partition et ses conséquences conséquences

CHAPITRE I : MÉTHODOLOGIE ET PROBLÉMATIQUE

5. L’autorisation en novembre 1947 du plan de partition et ses conséquences conséquences

De nombreux documents présentent le refus des Palestiniens à l’égard de la partition comme une erreur historique126 qu’ils vont devoir payer et payent encore très cher. Un anthropologue palestinien l’explique en disant que les Palestiniens n’agissent pas selon leur raison mais pour l’honneur et que, selon lui, ils ne sont pas pragmatiques : L’honneur, al sharaf,

joue un rôle essentiel dans la structure identitaire palestinienne. « C’est à cause du concept d’honneur que les individus placent les valeurs émotionnelles au-dessus de la logique, la fierté au-dessus de ce qui est pratique ou convenable, et l’honneur au-dessus du pragmatisme. Les priorités de l’individu sont claires. La passion est

124 La Haganah, en tant qu’organisation privée, est dissoute pour devenir l’armée nationale de l’État d’Israël. Son nom est le nom officiel des Israel Defense Forces, Tzva Haganah le-Yisraʾel.

125 KHALIDI Walid (1988), « Plan Dalet: Master Plan for the Conquest of Palestine », Journal of Palestine Studies, vol. 18, n°. 1, Palestine 1948, pp. 4-33.

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puissante. Nationalisme ou trahison, amour ou haine, joie ou colère, nous [les Palestiniens] vivons ce qui nous importe dans la vie toujours dans le cadre de l’honneur »127.

En 1947, lorsque la partition est proposée, la Palestine est à 70 % arabe. Déjà en 1937 la Grande-Bretagne avait envisagé d’y installer un État juif. Ce partage impliquait le déplacement des populations arabes palestiniennes en dehors de ce nouvel État128. Les rapports de la Commission Peel étaient clairs sur ce point : « Il n’existe pas d’autre moyen que de

déplacer les Arabes dans les pays voisins ». Toutefois, une exception serait faite pour les populations

des vielles villes de Jérusalem, Bethlehem et Nazareth pour lesquelles le rapport parle de

dotation sacrée de la civilisation et qui, par ailleurs, sont des lieux auxquels l’accès doit être garanti

au monde entier129.

Les sionistes étaient également très clairs concernant leurs actes à venir : « Nous ne devons pas laisser un seul village, une seule tribu […]. C’est seulement ainsi que le pays pourra recevoir des millions de nos frères et que la question juive sera résolue une fois pour toutes »130. Le médiateur suédois, le Comte Folke Bernadotte131, ayant obtenu un cessez-le-feu de quatre semaines à compter du 11 juin 1948132, présente une proposition pour régler la situation. Toutefois, la lutte continue et le deuxième cessez-le-feu n’a pas, non plus, le succès espéré. En janvier 1949, les confrontations cessent, après que les groupes juifs prennent le

127 « Honour, sharaf, plays a paramount importance in the structure of our identity. Because of the notion of honour the individual favours emotionally charged values over logic, pride over convenience and honour over pragmatism. One’s priorities are clearly demarcated. Passion is powerful. Whether it is nationalism or treason, love or hate, joy or anger, we experience what is important in our lives within the perimeters of honour ». QLEIBO Ali (2012), “Sharaf in Palestinian Society”, This week in Palestine, Ramallah, janvier. Notre traduction. 128 NORTON MOORE John (1974), The Arab-Israeli Conflict, vol. III, Princeton University Press, pp. 150-183. 129 Rapport Peel, chapitre XXII, « Un plan de partition », p. 2. Le plan de partition de la Palestine est sujet à l’impératif de maintenir la sainteté de Jérusalem et de Bethléem et d’assurer leur libre et sûr accès pour tout le monde. Cela, dans le sens plénier de la formule mandataire, est « un engagement sacré de civilisation », un engagement non seulement de la part des populations de Palestine mais aussi de la part de multitudes d’autres peuples dans d’autres contrées pour lesquels l’une de ces villes ou les deux ensemble, sont des Lieux saints.

130 MORRIS Benny (2004-a), The Birth of the Palestinian refugee problem revisited Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, (1re éd. 1988) ; HALEVI Ilan (1978), Sous Israël, la Palestine, Paris, Le Sycomore, p. 148.

131 Des militants juifs habillés en soldats juifs assassinent le Comte Bernadotte le 17 septembre 1948, (The Independent, 2mai 2012). Archives diplomatiques françaises du ministère des Affaires étrangères.

132 Israël accepte la trêve. Extrait de la lettre de l’ambassadeur Aba Eban au Secrétaire général (S/834), 10 juin 1948 : depuis que le Conseil de sécurité a passé la Résolution 181, le 29 mai, le comte Bernadotte s’est occupé de régler les détails de la trêve. Israël insiste sur un nombre de points qu’il considéré comme vitaux, dont le statu quo militaire, l’approvisionnement en vivres de Jérusalem, l’immigration juive libre, sans quota, la levée du blocage maritime égyptien des rivages israéliens et l’interdiction d’expédier des armes aux pays impliqués dans la guerre. Après une longue délibération le Gouvernement d’Israël a finalement accepté la trêve. La décision est communiquée au Secrétaire général le 10 juin par M. Eban.

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Négueb jusqu’à la frontière entre l’Égypte et la Palestine mandataire, alors qu’il ne reste plus que 21 % de la Palestine du Mandat aux mains des Arabes. Ceux-ci refusent l’idée d’un accord de paix sauf si Israël promet de laisser les réfugiés retourner chez eux ou accepte de payer des compensations pour leurs propriétés. Israël, de son côté, insiste pour que le problème des réfugiés soit résolu dans le cadre d’un accord de paix accepté par tous les pays arabes. Dans un tel contexte, Israël est reconnu en mai 1949 comme État membre des Nations Unies. Le nouveau médiateur de l’Organisation, l’américain Ralph Bunche, propose des accords d’armistice séparés entre Israël et l’Égypte, d’une part, et Israël et les autres États arabes, d’autre part. L’Irak n’accepte pas cette proposition et aucun accord de paix n’est alors conclu.

Les accords d’armistice signés à Rhodes en février 1949 mettent fin à la guerre entre Israël et les autres pays arabes : l’Égypte, le Liban, la Jordanie et la Syrie133. L’Égypte est chargée de l’administration du nouveau territoire (la bande de Gaza) jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée au problème des réfugiés déplacés du fait de la guerre et du fait de la partition134. La ville de Jérusalem, à son tour, est divisée en deux : l’est, arabe, sous l’administration de la Jordanie et l’ouest, juive. Parallèlement aux accords de Rhodes, les pays arabes font tout leur possible pour empêcher la création d’un État palestinien dans la Bande de Gaza et la Cisjordanie135.

Comme le roi Farouk d’Égypte, les gouvernements arabes considèrent que le problème de la Palestine concerne tous les Arabes et que la solution ne peut être la création d’un État. Le Roi Abdallah de Jordanie s’oppose à la création d’un gouvernement arabe pour les territoires composant l’ancienne Palestine du Mandat amputée du nouvel État d’Israël. Il déclare que cette démarche, initiée par le Haut-Conseil arabe, dirigé par le hadj Amin al Husseini, est synonyme de soutien à l’égard de la partition de la part des Arabes palestiniens et que cette décision n’est pas acceptable pour les autres pays arabes. Le Roi Abdallah propose plutôt un royaume arabe uni, composé de la Transjordanie136, la Cisjordanie et Gaza137.

133 A Survey of Palestine: Prepared in December 1945 and January 1946 for The Information of the Anglo-American Committee of Inquiry, J. V. W. Shaw (Editor), vol. I, p. 143.

134 Nous traiterons ce sujet dans la section consacrée à la partition et la réduction de taille de la Bande de Gaza. 135 SAYIGH Yezid (1999), Armed struggle and the search for State, the Palestinian national movement, 1949-1993, Oxford, Oxford University Press, pp. 35-37.

136 État du Proche-Orient placé sous mandat britannique en 1922

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Toutefois, la Ligue arabe soutient la démarche du hadj Amin et le nouveau gouvernement, le

All Palestine Government, est formé en juillet 1948, siégeant à Gaza.

En octobre 1948, le All Palestine government, « le gouvernement de toute la Palestine », décide de faire revivre l’Armée de la guerre sainte, sa mission étant de libérer toute la Palestine. Ahmed Helmi pacha en est nommé chef, quand tout le monde sait que c’est le hadj Amin al Husseini qui tire les ficelles. L’une des premières actions du gouvernement est de mettre en place un passeport palestinien reconnu seulement par la Ligue arabe. En représailles de quoi, le roi Abdallah se retire et ne ménage pas ses efforts pour empêcher la restructuration de l’armée. En décembre 1948, la Ligue arabe dissout l’Armée de libération qui avait lutté pendant la guerre en faveur de la Palestine arabe. Les autorités égyptiennes confisquent toutes les armes, non seulement celles des résistants palestiniens, mais aussi celles des mercenaires, et empêchent la radio locale d’émettre. En outre, elles rapatrient vers l’Égypte des centaines de volontaires égyptiens qui avaient pris part aux combats.

Figure 2 : Propositions de partition

Le roi Farouk d’Égypte n’a jamais pardonné au hadj Amin d’avoir rencontré Hitler en 1941 et d’avoir donné son soutien avec enthousiasme envers la « solution finale » à la question juive. Cette

«

solution

»

proposée, d’après les sources offertes par Shlomo Aronson, « était

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l’accomplissement d’un carnage d’envergure majeur, visant l’éradication totale et exclusive des juifs […] »138. Farouk ne pense pas que la lutte contre le sionisme et la libération de la Palestine soit de la responsabilité seule des Palestiniens. Pour lui, tous les Arabes sont responsables. Et d’après certains de nos interviewés qui ont vécu ces années, les arabes ne voulaient pas une Palestine indépendante et ils ont utilisé toute leurs influences pour l’empêcher. Sous l’influence du roi Abdallah, il ordonne au Premier ministre égyptien d’envoyer un message au hadj Amin lui demandant de quitter Gaza dans les quarante-huit heures. Au grand étonnement de beaucoup de Palestiniens, le hadj Amin accepte de partir en exil, suivi par les membres du Haut-Comité arabe, ainsi que les autres ministres du All Palestine government139 qui, en 1949, avaient presque tous disparu. À sa place, un gouverneur militaire égyptien est nommé pour administrer ce qui allait devenir la Bande de Gaza avant des armistices entre Israël et les autres pays arabes. Le Roi Abdallah a un intérêt évident à annexer les territoires de la Cisjordanie, et il a pour cela le pouvoir nécessaire pour le faire. Nous relevons clairement cela dans sa déclaration d’annexion, en décembre 1948 : un congrès s’est tenu à Jéricho, en présence de quelque trois mille participants, dont les maires d’Hébron, de Bethléem et de Ramallah, ainsi que les gouverneurs militaires des villes contrôlées par la Ligue arabe. Tous ont voté l’union de la Palestine et de la partie orientale, la Transjordanie140, reconnaissant le Roi Abdallah de Jordanie comme chef d’un pays unifié.

Dans son analyse de la période qui a suivi la nakba (la catastrophe palestinienne), l’historien israélien Avi Shlein estime que le All Palestine government est l’unique effort – bien que de courte durée – consenti par les Palestiniens pour avancer dans le sens de l’autonomie par rapport au reste des pays arabes. Hassan Balawi est du même avis, le décrivant comme la

première tentative de création d’une entité palestinienne, et elle a eu lieu à Gaza141.

138 ARONSON Shlomo (1982), The Politics and Strategy of Nuclear Weapons in the Middle East. Opacity, Theory, and Reality, 1960-1991: An Israeli Perspective, New York, State University of New York Press, pp. 47-48. 139 SHLEIN Avi (1990), « The Rise and Fall of the All-Palestine Government in Gaza », Journal of Palestine Studies, vol. XX, n°1, p. 37.

140 La Transjordanie devait formé partie du foyer national juif d’accord aux promesses faites par la Grande Bretagne au moment de la conférence de San Remo en 1922.

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