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La mise à disposition, moyen d’influence sur les tiers

Dans le document La mise à disposition d'une chose (Page 114-119)

Titre II I DENTIFICATION DES CARACTERISTIQUES DE LA MISE A DISPOSITION

II) La mise à disposition, moyen d’influence sur les tiers

223. Certains cocontractants usent de la mise à disposition à leur profit pour évincer la concurrence. Le phénomène est fréquent dans le domaine de la distribution. Par le biais d’une mise à disposition, le disposant s’assure que le bénéficiaire ne peut s’approvisionner que chez lui, évinçant ainsi, de manière reconnue (A) ou non (B) ses concurrents.

A) La mise à disposition comme moyen approuvé d’éviction de la

concurrence

224. Bien que parfois assimilée – à tort261 – à un contrat de concession ou à un contrat de distribution sélective, la franchise est un contrat à part entière. Il s’agit d’un contrat par lequel un franchiseur, fort de sa réussite dans un domaine d’activité, donne à un franchisé les moyens de réitérer son succès, moyennant, bien entendu, une rémunération en contrepartie. L’objectif des parties est la réussite commerciale du franchisé, l’assistance et les moyens mis à disposition du franchisé par le franchiseur ne sont qu’un moyen d’y parvenir. Toutefois, ces moyens sont rarement superflus pour atteindre cet objectif. En effet, ce que le franchiseur met à disposition du franchisé lui est indispensable : le savoir-faire, un nom commercial, enseigne ou marque et parfois d’autres éléments d’exploitation. Il est difficile d’égaler le succès d’un célèbre établissement de restauration rapide sans l’enseigne « Mc Donald’s », par exemple. La mise à disposition est donc un média, certes, mais un média indispensable à la réalisation du contrat. Toutefois, le contrat de franchise ne se réduit pas à la seule mise à disposition d’un nom commercial, d’une enseigne ou d’une marque, sans quoi ce serait une simple licence de marque. Le législateur, bien que peu prolixe en matière de franchise, a d’ailleurs prévu une disposition qui concerne cette mise à disposition, servant un objectif qui la dépasse, l’article L330-3 du Code de commerce dispose ainsi en son premier alinéa : « Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité

261 V. la section sur la franchise commerciale in Didier FERRIER, Droit de la distribution, 6ème éd., Paris : LexisNexis, 2012, 432 p.

ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause ».

225. La mise à disposition, au service du contrat de franchise, a d’ailleurs une importance telle que sa présence permet au contrat de bénéficier d’une exemption et d’échapper ainsi à l’application de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Toutefois, étant indispensable à l’existence du contrat, la mise à disposition, dans le contexte particulier de la franchise, ne peut être considérée comme un moyen d’éviction de la concurrence262.

226. Le moyen le plus direct d’écarter les concurrents est de stipuler dans le contrat une clause d’exclusivité d’achat. Le distributeur est alors contractuellement obligé de ne se fournir qu’auprès du fournisseur désigné, sans possibilité de faire jouer la concurrence. Une clause d’exclusivité peut exister seule, sans mise à disposition.

227. Cependant, afin de protéger la libre concurrence, les clauses d’achat exclusif peuvent être sanctionnées au titre d’une entente ou d’un abus de position dominante. Par ailleurs, l’article L330-1 du Code de commerce dispose : « Est limitée à un maximum de dix ans la durée de validité de toute clause d’exclusivité par laquelle l’acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles s’engage vis-à-vis de son vendeur, cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d’objets semblables ou complémentaires en provenance d’un autre fournisseur ». De son côté, l’Union européenne prohibe les clauses d’achat exclusif conclues pour une durée supérieure à cinq ans263.

228. C’est là que se révèle l’utilité de la mise à disposition. En effet, lorsqu’en contrepartie de son engagement d’achat exclusif, le distributeur bénéficie d’un avantage passant par une assistance technique ou financière, la convention entre dans la catégorie

262 A l’inverse de ce qui peut être considéré pour d’autres types de contrats, dans lesquels la mise à disposition n’apparaît pas comme un média indispensable, V. infra, section suivante.

263 V. article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (anciennement article 81 du Traité des Communautés Européennes) et article 5 du règlement n°2790-1999.

des « contrats d’assistance et de fourniture »264. Les règles du droit commun y trouvent application, cependant, comme le souligne le professeur FERRIER, ces contrats bénéficient d’un « régime favorable, au regard du droit de la concurrence ou du droit commercial, compte tenu de l’apport économique constitué par cette mise à disposition d’éléments d’exploitation et par ce prêt de somme d’argent ou par ce cautionnement »265. En effet, l’article 5 du règlement européen n° 2790-1999 prévoit que « l’exemption prévue à l’article 2 ne s’applique à aucune des obligations suivantes contenues dans des accords verticaux : a) toute obligation directe ou indirecte de non-concurrence, dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans ; (…) cette limitation de la durée à cinq ans n’est toutefois pas applicable lorsque les biens ou services contractuels sont vendus par l’acheteur à partir de locaux et de terrains dont le fournisseur est propriétaire ou que le fournisseur loue à des tiers non liés à l’acheteur, à condition que la durée de ces obligations de non-concurrence ne dépasse pas la période d’occupation des locaux et des terrains par l’acheteur ». Ainsi, dans le cas où le fournisseur met à disposition du distributeur un local ou un terrain afin que ce dernier exploite son activité, la clause d’exclusivité bénéficie d’une exemption et échappe ainsi à la réglementation protectrice du droit de la concurrence.

229. L’exemption s’applique également dans le cas où le fournisseur acquiert du matériel destiné à l’exploitation du fonds et le met à la disposition du distributeur. Dans cette hypothèse, les lignes directrices sur les restrictions verticales émises par la Commission européenne indiquent, en leur point 107 d) : « Lorsque ces conditions sont réunies, une restriction verticale se justifie normalement pour une durée identique à celle de l’amortissement de l’investissement. La restriction verticale appropriée en l’espèce sera du type obligation de non-concurrence ou quotas d’achat si l’investissement est assumé par le fournisseur, et du type distribution exclusive, exclusivité de clientèle ou fourniture exclusive s’il est réalisé par l’acheteur ».

230. La mise à disposition de biens dans une relation entre un distributeur et un fournisseur est donc un moyen, reconnu sur le plan national et européen, qui justifie une

264 Jean-Marc MOUSSERON et Alain SEUBE, « Les contrats d'assistance et de fourniture », D., 1973, p. 197.

exception notable à des règles de protection de la concurrence pourtant strictement établies. Les dispositions légales et réglementaires citées prennent en compte, directement ou indirectement, la valeur du bien mis à disposition, puisque dans un cas, il s’agit d’un bien immobilier servant à l’exploitation de l’activité du distributeur – la valeur objective du bien peut beaucoup varier selon l’emplacement et la qualité du bien, mais elle demeure, subjectivement, toujours importante pour le distributeur qui y localise son fonds – et, dans l’autre cas, l’allongement de la durée de l’exclusivité est calqué sur la durée de l’amortissement du bien, donc sur sa valeur initiale. Toutefois, cet investissement peut s’avérer fort rentable pour le fournisseur qui s’assure ainsi la fidélité de son distributeur à un coût maîtrisé et réparti sur la durée de la relation commerciale.

231. Le contrôle de la mise à disposition est, de plus, relativement restreint. En effet, si la valeur du bien est prise en compte pour établir la durée de l’exclusivité au-delà des cinq ans (au niveau européen) ou dix ans (au niveau national) normalement admis, la nature du bien n’est, elle, pas analysée. Il peut s’agir d’un bien immobilier, de sommes d’argent (par un prêt direct ou par le biais d’un cautionnement) ou de biens meubles divers et variés : machines, présentoirs, mobilier d’accueil de la clientèle ou encore enseigne. Or, un contrôle spécifique n’est prévu que dans le cas particulier d’une mise à disposition de nom commercial, de marque ou d’enseigne à l’article L330-3 du Code de commerce. Le fournisseur qui met à disposition du distributeur des signes distinctifs (comme c’est souvent le cas dans le contrat de franchise, par exemple) est tenu d’une obligation d’information précontractuelle. Une telle obligation a une portée limitée, d’une part parce qu’elle ne concerne, de par la nature des biens visés, qu’une minorité des mises à disposition, d’autre part parce qu’elle situe le contrôle en amont de la conclusion du contrat et non au cours de l’exécution de la mise à disposition (bien que la véracité des informations transmises ne puisse parfois se vérifier qu’a posteriori).

232. La mise à disposition d’un élément d’exploitation est donc un moyen de choix pour le fournisseur désireux de s’assurer sur long terme le respect d’une clause d’exclusivité qui le met à l’abri, en tout cas au niveau de la relation contractuelle envisagée, de toute concurrence de la part des autres fournisseurs équivalents.

233. S’il ne ressort pas de l’objectif commun des parties au contrat de limiter l’accès du distributeur aux fournisseurs concurrents, la clause d’exclusivité, bien qu’à l’avantage

du fournisseur, affiche clairement son rôle et la mise à disposition ne sert qu’à rendre cette exclusivité acceptable au regard du droit de la concurrence. Toutefois, il existe des cas dans lesquels la mise à disposition est en elle-même le facteur d’éviction des concurrents, d’une manière détournée et souvent peu affichée.

B) La mise à disposition comme moyen réprouvé d’éviction de la

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