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La mise à disposition comme accès à une zone de chalandise

Dans le document La mise à disposition d'une chose (Page 160-163)

Conclusion du chapitre 1 : Les caractéristiques intrinsèques de la mise à disposition

SECTION 2 La vraie singularité des objets mis à disposition

V) La mise à disposition comme accès à une zone de chalandise

321. La mise à disposition intervient également comme un moyen indispensable à la réalisation de l’objectif des parties dans la concession d’emplacement, également appelée « contrat de stand »359. Dans ce type de conventions, un commerçant met à la disposition d’un bénéficiaire un emplacement au sein de son local. Le but poursuivi par les parties n’est pas que le bénéficiaire jouisse simplement de l’emplacement, mais qu’il puisse proposer à la clientèle du disposant ses produits à la vente, produits qui complètent généralement l’offre du disposant à sa propre clientèle. L’objectif des parties est donc de permettre au bénéficiaire l’accès à la clientèle du disposant, la mise à disposition d’un emplacement n’étant que le moyen – matériellement incontournable – d’y accéder. Ce type de convention n’est pas un mandat, puisque la plupart du temps, le disposant achète les produits au bénéficiaire (sous condition de revente), ce dernier n’effectue alors qu’une présentation de ses produits et ne conclut pas directement de contrat de vente avec la clientèle du disposant360.

322. Les contrats portant sur des emplacements peuvent se décliner sous différentes formes : emplacement au sein du local d’un autre commerçant, emplacement dans une foire-exposition, emplacement dans un marché d’intérêt national361 ou franchise de stand362, entre autres exemples. Ces conventions sont parfois requalifiées en bail commercial, convention d’occupation précaire ou location-gérance d’une partie de fonds de commerce, pourtant l’objectif des parties demeure, à notre sens, l’accès à la clientèle du disposant363, bien avant la jouissance matérielle de l’emplacement en question qui n’en est que l’instrument.

323. Il n’y a que dans le cas d’un regroupement de commerçants dans un ensemble immobilier (et non plus dans le fonds de commerce d’un accueillant) que la mise à disposition du local constitue véritablement l’objectif des parties, comme elle l’est dans

359 V. Didier FERRIER, Droit de la distribution, 6ème éd., Paris : LexisNexis, 2012, 432 p.

360 V. notamment Didier FERRIER, « L'intérêt commun est sans incidence sur les conditions de rupture du contrat », Recueil Dalloz, 2002, p. 3009.

361 En l’espèce, l’article L761-9 du Code de commerce dispose que « le droit d'occupation privative

d'emplacement dont dispose un commerçant établi dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national est susceptible d'être compris dans le nantissement de son fonds de commerce »

362 En matière de franchise de stand, c’est le franchiseur qui bénéficie de la mise à disposition d’un emplacement au sein du local du franchisé. Cette mise à disposition est un moyen pour le franchiseur de transmettre son savoir-faire au franchisé qui l’accueille.

le bail commercial classique. Il ne s’agit plus pour le bénéficiaire d’être « greffé » de façon précaire sur le fonds de commerce du disposant dans le but de séduire une partie de sa clientèle, il s’agit de mutualiser des moyens et de créer une synergie à laquelle l’activité de chacun – indépendante, y compris en termes de clientèle – contribue.

324. Le raisonnement est similaire en matière de distributeur automatique. La société propriétaire du distributeur place son appareil sur un emplacement qui lui est mis à disposition par son cocontractant. L’objectif des parties n’est pas, en soi, la jouissance de l’emplacement (qui plus est, par une machine !), mais le contact avec la chalandise attachée au lieu dans lequel se trouve l’emplacement mis à disposition. Quels que soient les produits distribués par l’appareil, il ne s’agit ni d’un dépôt ni d’un louage. Une cour d’appel a d’ailleurs rappelé : « Le contrat qui lie le propriétaire d’un “juke-box” et le débitant de boissons ou l’hôtelier chez lequel cet appareil est placé, n’est pas un contrat de dépôt, le commerçant se contentant d’héberger l’appareil en mettant seulement à la disposition de l’exploitant une partie de l’immeuble et les fournitures nécessaires à son fonctionnement (électricité) contre une rémunération, cette convention attirant une clientèle pour le débitant de boissons ; il n’est pas non plus un contrat de louage d’ouvrage, ni un contrat de société, ni un contrat de mandat, mais un contrat “sui generis”, le débitant de boissons ne prenant aucun engagement sur le respect des droits d’auteur, n’intervenant pas dans la diffusion et ne payant pas les redevances à la SACEM »364.

325. Dans l’une ou l’autre de ces configurations, le disposant permet au bénéficiaire de la mise à disposition d’avoir accès à sa clientèle. Là encore, la qualification de l’objet mis à disposition est complexe : il s’agit d’individus, donc de personnes – physiques ou morales –, pour autant, ce qui intéresse le bénéficiaire n’est pas leur personne en tant que telle, mais l’opportunité de leur vendre des produits. Il y a presque là un contrat aléatoire : le disposant monnaye au bénéficiaire une chance de conclure des contrats ! Toutefois, comme pour le personnel mis à disposition, comment qualifier l’objet de la mise à disposition ? En mettant à disposition un emplacement « vendeur », il est possible de considérer, tout comme le professeur REVET parle de « force de travail », qu’il a là

mise à disposition d’une « force d’achat » (le « pouvoir d’achat » des chalands, objet de contrat !).

326. Cependant, cette « force d’achat », tout comme la force de travail, l’information, les données numériques ou encore des autorisations administratives ne peuvent faire l’objet d’une appropriation et n’entrent donc pas dans la catégorie des biens. La place qu’accorde la mise à disposition à ces choses dont la qualification n’est pas tranchée amène à considérer qu’il puisse y avoir une catégorie intermédiaire, entre les choses hors commerce et les biens.

§2 : La mise à disposition, révélatrice d’une catégorie

intermédiaire de choses ?

327. L’existence d’une catégorie intermédiaire (II) se déduit du constat de l’insuffisance de l’actuelle classification des choses (I).

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