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Chapitre 1 : Nucléation-croissance de films minces et contraintes associées : description et

1.2 Outils de diagnostic in-situ et en temps réel permettant de sonder les mécanismes

1.2.1 Mesures optiques disponibles sur « PUMA »

a) Mesure de la contrainte par suivi de la courbure du substrat à l’aide de

lasers : cas de la technique « MOSS »

En 1909, Stoney [Stoney, 1909] établit l’équation reliant la courbure d’un substrat fin aux contraintes dans le film déposé à sa surface (cf. Eq. 1.2.1) en résolvant les lois d’équilibre (force et moment) du bilame film-substrat), à partir d’observations expérimentales qui, depuis les années 1850, (Blount, De Rosse, Gore, Mills) montrent qu’un film électrodéposé sur un substrat se décollait et encaissait donc de fortes contraintes. Mills avait montré que la pression (i.e. la contrainte) exercée lors de ces dépôts était très grande grâce à un système avec une colonne de mercure liquide. Stoney a alors l’idée que cette contrainte est sûrement suffisante pour courber le support sur lequel le film est déposé, à condition que ce dernier soit très mince.

������� ≅ 6 � �

�ℎ��2 (1.2.1)

Avec, ������ : le rayon de courbure du substrat [m-1] ;

� : la force par unité de longueur dans le film [Pa.m = GPa.nm = N.m-1] ;

��ℎ�� = �ℎ��

1−�ℎ�� : le module biaxial du substrat suivant la direction hkl [Pa]. Avec Ehkl [Pa] et νhkl les

modules d’Young et coefficient de Poisson dans la direction hkl respectivement.

hS : l’épaisseur du substrat [m].

L’équation 1.2.1 n’est pas la formule initialement dérivée par Stoney mais provient des développement faits par Hoffmann [Hoffman, 1976] qui fait intervenir à juste titre le module biaxial et non le module d’Young. La force par unité de longueur, peut être reliée à la contrainte moyenne dans le film par l’équation 1.2.2.

�= ���� × ℎ� � (1.2.2)

Si la contrainte n’est pas homogène dans l’épaisseur du film, cette équation s’écrit [Janssen, 2009] :

�= ∫ �(�, �)�� ℎ�(�)

0 + �� (1.2.3)

Avec, �� = ��+����������− �� : les variations de contrainte de surface et d’interface [N.m-1] ;

��

��� : la contrainte moyenne dans le film [GPa] ; ℎ� : l’épaisseur du film [nm].

La variation de la force intrinsèque au cours du temps répond à l’équation suivante (en respectant les notations de la figure 1.2.1d) : �(�(�)) �� =��(ℎ�(�), �) �ℎ� �� +∫ ���(�,�) �� �� ℎ� 0 + �(��) �� (1.2.4)

où, le premier terme représente la contrainte instantanée σi, apportée par une nouvelle couche élémentaire

d’épaisseur dhf à une épaisseur donnée hf(t). Le second terme correspond à un changement de contrainte

dans les couches enterrées à une épaisseur hf donnée, due entre autre à des phénomènes de relaxation ou

autres réarrangements atomiques. Le dernier terme correspond à la variation (saut) de la contrainte de surface/interface telle que décrit par [Cammarata, 1994 ; Spaepen, 1996 ; Ibach, 1997].

Par convention, une couche en tension entraîne une contrainte positive et un rayon de courbure du substrat positif (cf. Fig. 1.2.1b), alors qu’une contrainte en compression entraînera une contrainte négative et un rayon de courbure négatif (cf. Fig. 1.2.1c).

Figure 1.2.1 : Représentations schématiques : a) ; b) ; c) Des déformations du bilame film/substrat lors du dépôt d’une couche mince sous contraintes et conventions de signes associées ; d) Des contributions au changement de la contrainte.

En outre, certaines hypothèses doivent être respectées pour utiliser ces équations [Freund, 1999]: - l’épaisseur du film et du substrat doivent être faibles devant leurs dimensions latérales ;

- le substrat est homogène et le film est isotrope ; - il n’y a pas de contraintes hors-plan ;

- l’élasticité linéaire s’applique ;

- la déformation et la courbure restent faibles.

Ces hypothèses sont respectées dans notre étude pour laquelle les films minces déposés sont d’épaisseurs ~ 100 nm et sont déposés sur des substrats de silicium monocristallin (001) et (111) de dimensions latérales 10 × 10 mm et d’épaisseur ≥ 100 µm. Pour chaque échantillon, l’épaisseur du substrat est mesurée, et le module biaxial du silicium est connu, 180,3 GPa pour une orientation (001), 229 GPa pour une orientation (111) [Janssen, 2009]. De manière à remonter à la contrainte moyenne ou instantanée dans le film mince, il ne reste qu’à déterminer son épaisseur ainsi que le rayon de courbure du substrat. L’épaisseur est obtenue par mesure de réflectivité des rayons X (XRR) (cf. §B).

Pour la mesure de courbure du substrat, diverses techniques peuvent être employées [Nix, 1989]. Des méthodes utilisant des mesures par capacitance très précises (pF) couplées à un détecteur de phase au bout d’un cantilever courbé par le dépôt [Koch, 1990], de l’interférométrie optique, des mesures optiques utilisant deux faisceaux lasers [Leusink, 1992], ou encore un faisceau laser balayant la surface du substrat libre de tout mouvement [Flinn, 1987]. La technique la plus récente et permettant d’allier une facilité de mise en place sur un bâti magnétron et une excellente sensibilité de la mesure est celle de Floro et al. [Floro, 1996] appelée couramment MOSS (Multi beam Optical Stress Sensor). Elle consiste en un laser (658 nm, 22 mW) qui émet un faisceau traversant deux lames à faces parallèles, orthogonales l’une par rapport à l’autre, permettant de le diviser en un réseau 2D de n × n rayons lumineux parfaitement parallèles entre eux. Le choix

n = 3 a été fait, par compromis, pour pouvoir suivre aussi bien la convergence que la divergence des faisceaux.

Ceux-ci viennent frapper la surface du substrat et sont réfléchis dans une direction qui dépend de la courbure de ce dernier. La détection est faite sur une caméra CCD qui, à l’aide du logiciel kSA MOSS, permet de réaliser une acquisition en temps réel de la courbure du substrat par un calcul de variation relative de la distance séparant deux points sur la caméra au cours du temps. La figure 1.2.2 schématise cette technique une fois intégrée au bâti de dépôt magnétron « PUMA ».

a) b)

Figure 1.2.2 : a) Schéma de la technique MOSS ; b) Position des spots sur la caméra CCD.

Il est possible de démontrer, en se plaçant dans l’approximation de Gauss et en utilisant le formalisme de l’optique matricielle, en considérant le substrat comme un dioptre sphérique (hypothèse valide tant que les contraintes moyennes dans le film ne dépassent pas quelques GPa, sinon le miroir devient elliptique) l’équation 1.2.4 avec les notations de la figure 1.2.2a :

∆�(�) = −��(�)

0 ��� (�)

2� (1.2.4)

Dans notre bâti les faisceaux lasers sont en incidence quasi-normale et donc cos(α) ~ 1, et L ~ 60 cm. Le fait d’avoir un réseau 3 × 3 permet de déterminer le rayon de courbure dans deux directions orthogonales et pour chacune d’elles avec une moyenne sur 9 distances. En moyenne macroscopique, les directions du plan (x,y) sont équivalentes, la moyenne dans les deux directions sera alors calculée. Une étude 21

détaillée de la sensibilité sur la mesure [Fillon, 2010a], en prenant en compte les diverses incertitudes (vibrations, définition de la CCD, mesure de l’épaisseur du film…) sur les paramètres intervenant dans l’estimation de la contrainte a permis d’estimer, en utilisant des substrats de 100 μm, des incertitudes relatives sur la force F/w et sur la contrainte de 4 et 5 %, respectivement, et un seuil de détection de 0,5 GPa pour un film de 0,22 nm (une monocouche environ) et une sensibilité de seulement 12 MPa pour un film de 10 nm. Nous sommes donc capables de relier la variation de distance des spots lasers sur la CCD à la force par unité de longueur dans le film. Une courbe typique obtenue pour une croissance 3D est présentée figure 1.2.3, où la force par unité de longueur dans le film est représentée en fonction de l’épaisseur nominale déposée, en considérant que celle-ci évolue linéairement avec le temps de dépôt (ce qui n’est pas tout à fait exact lors des premiers stades d’une croissance 3D).

Figure 1.2.3 : Courbe typique obtenue par mesure de la force par unité de longueur dans le film en fonction de son épaisseur [Chason, 2012a].

Sur la figure 1.2.3, deux quantités importantes peuvent être obtenues à partir des courbes de force : - la pente de la courbe reliant un point donné à l’origine correspond à la contrainte moyenne dans le

film, ��� ;

- la pente de la courbe en un point donné correspond à la contrainte instantanée, σi [Schull, 1996],

c’est-à-dire la contrainte due à la couche en cours de formation, en considérant que les couches enterrées n’évoluent plus.

Ici, la contrainte instantanée dans le film est d’abord nulle, puis évolue en tension (pente positive) avant de basculer en compression (pente négative). En outre, aucun saut de la contrainte de surface/interface n’est visible sur cet exemple.

b) Mesure de la morphologie de surface par suivi de la réflexion spéculaire

d’un faisceau de lumière incident

Les mesures optiques peuvent aussi sonder d’autres phénomènes. En effet, chaque matériau est caractérisé par ses propres indices optiques. Ces indices de réfraction complexes (n + ik) sont sensibles à la continuité et à la morphologie du film. En effet, à l’échelle d’une nanoparticule métallique, la réponse optique est dominée par la résonance des plasmons de surface. Ce phénomène de résonance est dû à la polarisation des nanoparticules métalliques par une onde électromagnétique. Elle provoque l’absorption d’une partie des longueurs d’onde du faisceau incident correspondante à la fréquence de résonnance permettant de faire vibrer en phase les électrons de la nanoparticule, cette fréquence étant dépendante de la force qui lie les électrons délocalisés au noyau des atomes et donc à sa taille, à sa forme, à la répartition des nanoparticules en surface ainsi qu’à l’environnement vu par ces nanoparticules (par exemple le plasma d’argon). Il est donc possible d’utiliser une source de lumière polarisée puis de récupérer sur un détecteur, soit l’onde transmise, soit l’onde réfléchie de manière à obtenir des informations sur la taille, la forme, la distribution de répartition 22

des nanoparticules sur une surface. Lors du dépôt de films minces sur silicium monocristallin, le substrat est opaque aux longueurs d’onde qui nous intéressent, et donc l’étude du faisceau spéculairement réfléchi s’impose. En outre, une limitation existe, la fréquence de résonance plasmon du matériau doit être dans le spectre lumineux délivré par la source. Différentes techniques d’acquisition existent.

L’ellipsométrie spectroscopique est la plus utilisée et permet, lorsqu’une surface est éclairée en

incidence oblique, par une lumière polarisée (s ou p) d’obtenir des informations sur l’épaisseur, la rugosité ou encore la porosité du film grâce à la polarisation elliptique de la lumière après l’interaction in-situ et en temps-réel, ou alors ex-situ, sur le film final. Un tel dispositif n’étant pas disponible, seules des mesures ex- situ ont été faites. En outre, l’évolution des indices optiques avec l’épaisseur ne sont obtenus que de manière indirecte à partir des angles Ψ et Δ caractérisant l’ellipse, et les constantes optiques du matériau massif ainsi que son épaisseur doivent être connues de manière à résoudre les équations de Fresnel permettant de remonter aux propriétés optiques. Citons les travaux d’Elofsson et al. [Elofsson, 2014] qui utilisent un ellipsomètre spectroscopique avec un analyseur tournant permettant une acquisition tous les 0,2 nm sur 67 longueurs d’onde, pour caractériser l’élongation d’îlots, l’épaisseur de percolation (i.e. l’épaisseur correspondant au premier chemin continu d’un bout à l’autre du film) et l’épaisseur de continuité (i.e. l’épaisseur marquant la fin du processus de coalescence) d’un film mince déposé par dépôts pulsés. Cette étude est d’autant plus intéressante que, des acquisitions, ils remontent à la fonction diélectrique du film et ainsi à la variation de sa résistivité électrique en fonction de l’épaisseur déposée, comme décrit par Patsalas

[Patsalas, 2004] dans le cas de la croissance de TiN. Des mesures à mettre en regard de nos mesures directes

de la résistivité électrique. Citons aussi les mesures in-situ conjointes d’ellipsométrie spectroscopique et de résistivité électrique « 2 pointes » ont été réalisées lors de dépôts par arc cathodique [Oates, 2004], de manière à suivre les premiers stades de croissance de films minces de TiN. Les auteurs interprètent le minimum des courbes de résistivité comme l’épaisseur de percolation, nous montrerons que celle-ci correspond à l’épaisseur de continuité des films (cf. Chap. 2).

La spectroscopie de réflectance différentielle de la surface (SDRS), que nous avons utilisée in-situ.

Un des principaux intérêts de cette technique comparée à l’ellipsométrie spectroscopique, si elle est utilisée à incidence fixe avec une source lumineuse polarisée (s ou p), est qu’elle réduit la complexité des mesures et permet des mesures très rapides. Pour notre étude, nous avons utilisé une source à lampe de xénon de forte puissance (150 W), permettant ainsi de compenser la diffusion par le plasma, polarisée s (parallèle au plan incident pour maximiser la sensibilité) et concentrée sur la surface du substrat par des lentilles en silice, avec un angle d’incidence de 70° (proche de l’incidence de Brewster). La lumière spéculaire polarisée provenant de la surface de l’échantillon est récupérée par un spectrophotomètre QE6500 (OCEAN Optics®) dans lequel un réseau composite permet d’accéder à une gamme de longueurs d’ondes allant de 200 à 985 nm (cf. Fig. 1.2.4). La source et le détecteur sont placés en dehors de l’enceinte sous vide, des fibres optiques les relient au polariseur et à l’analyseur qui captent la lumière au travers de hublots en silice transparents à la lumière visible et aux UV. L’acquisition du faisceau spéculaire réfléchi se fait dans la gamme 350 – 950 nm, en dessous de 350 nm le signal optique est parasité par les émissions du plasma. Un spectre est mesuré chaque seconde et l’évolution temporelle ��(�)

�0 =

�(�)−�0

�0 est donnée où R est la réflectance du film au temps t et R0 la

réflectance du substrat de silicium au temps t = 0 [Simonot, 2010]. Des détails sur l’intégration des appareillages de mesure pour la SDRS dans le bâti « PUMA » peuvent être trouvés dans la thèse de V. Antad

[Antad, 2011].

Figure 1.2.4 : Description schématique du montage SDRS intégré au bâti « PUMA ».

Nous avons utilisé cette technique dans le but principal de pouvoir comparer les épaisseurs de continuité obtenues à celles déduites des mesures MOSS ou de la résistivité électrique (cf. Chap. 2). Cela ne nécessite pas de modéliser la résonnance plasmon par le modèle de Yamaguchi [Yamaguchi, 1974] souvent utilisé à cet effet.

Le couplage de différents diagnostics pour sonder en temps réel les phénomènes de nucléation- croissance à l’échelle atomique fait l’objet de nombreuses études actuellement. Citons en ce sens les travaux de Lazzari [Lazzari, 2012 ; Grachev, 2013] qui étudie, entre autres, la croissance de nanoparticules métalliques, et qui s’accordent avec les travaux présentés ici, en indiquant qu’un des enjeux majeurs de la recherche actuelle est le contrôle et donc la caractérisation de la croissance de nanoparticules ou de films ultraminces in-situ et en temps-réel. Renaud et al. [Renaud, 1998 ; Renaud, 2003 ; Renaud, 2009] ont aussi montré comment les techniques de diffraction et diffusion des rayons X utilisant un rayonnement Synchrotron permettent de caractériser la nucléation-croissance de films minces, et même l’intérêt de les coupler avec une technique comme la SDRS [Renaud, 2004]. Ces mesures par rayonnement X sont le sujet de la section suivante.

1.2.2 Mise en exergue d’outils de caractérisation in-situ des premiers stades

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