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Chapitre 2 : Développement d’un dispositif de mesure in-situ et en temps réel de la résistivité

2.1 Modélisation de la résistivité électrique dans un film mince métallique

2.1.2 Autres contributions à la résistivité électrique d’un film mince Extensions du

La deuxième moitié du XXe siècle voit, grâce au développement de la microscopie électronique, la

possibilité de caractériser les films minces à l’échelle atomique. Il est alors mis en évidence que les films minces déposés n’ont, dans la majorité des cas, rien d’un monocristal parfaitement ordonné comme le supposaient les précédents modèles. Quelques questions se posent alors. Faut-il remettre entièrement en question ces modèles? Ces nouvelles données sont-elles déjà masquées dans les paramètres des modèles précédents ? Peuvent-elles être traitées comme des perturbations ?

a) Dissymétrie des interfaces - Le modèle de Lucas

Lors du dépôt d’un film mince, il est systématiquement observé expérimentalement que les interfaces film/substrat et film/vide sont dissymétriques. Pour le prendre en compte, il est nécessaire de remplacer le paramètre p du modèle F-S par deux paramètres p et q correspondant respectivement à la diffusion des électrons par la surface et par l’interface [Lucas, 1965], tel que :

�� �0~1 + 3 8 �0 ℎ��1 − �+� 2 � �� ℎ� ≫ �0 (2.1.5) 47

Il a été montré expérimentalement [Lucas, 1964] que les paramètres p et q pouvaient évoluer indépendamment l’un de l’autre en cours de dépôt. Notons que ce modèle, impliquant un paramètre de plus que le modèle F-S, n’est qu’assez peu utilisé dans la littérature.

b) Rugosité de surface - Le modèle de Namba

Dans les année 1960, des observations expérimentales sur des films très minces (hf ~ 10 – 50 nm) [Chopra, 1963 ; Chopra, 1966] sont réalisées. En s’appuyant sur une micrographie obtenue en microscopie

électronique à balayage pour un film mince d’or, Namba propose de reprendre le modèle F-S et d’y ajouter un paramètre : le rapport de la rugosité de la surface sur le libre parcours moyen des électrons [Namba, 1970]. Notons que le modèle de Namba considère une variation de la hauteur de surface sinusoïdale et permet de tenir compte de la rugosité de surface3. Ce modèle vient également ajouter un paramètre d’ajustement au

modèle F-S.

c) Films minces polycristallins - Le modèle de Mayadas-Shatzkes (M-S)

Un grand pas est franchi lorsqu’après des expériences de mesure de résistivité électrique menées sur des films minces monocristallins et polycristallins d’Al, il est montré que la taille des grains a un effet sur la valeur de la résistivité électrique [Mayadas, 1969 ; Mayadas, 1970]. A noter que le rôle de la taille des grains était déjà connu pour influencer les phénomènes magnétiques [Iwata, 1966]. Un modèle décrivant l’effet des joints de grains sur la résistivité électrique est donc développé. Pour cela, le calcul de l’équation de Boltzmann, déjà présente dans le modèle F-S, est repris en ajoutant aux conditions limites que sont les surfaces, des potentiels planaires diffractant (seuls les joints de grains perpendiculaires aux champs électriques sont considérés), espacés aléatoirement d’une distance moyenne, Dg, égale au diamètre moyen des grains dans le

plan et avec un coefficient de réflexion des électrons aux joints de grains Tgb. A l’intérieur des grains, les

diffractions dues aux défauts ponctuels et aux phonons, contenues dans le terme ρ0 sont conservées (cf. Fig.

2.1.2a). La résistivité due aux joints de grains, ρg, s’écrit alors :

�� �0= 1 3� 1 3− 1 2� + �2− �3�� �1 + 1 ��� −1 ���� � = �0 �� ��� 1−��� (2.1.6)

D’où la résistivité totale du film mince, en utilisant le modèle de Fuchs pour décrire les effets de taille et en considérant l’effet des joints de grains comme une perturbation sur l’Hamiltonien de Fuchs s’écrit :

��=�1 �− 6 ��0�0(1− �) ∫ �� � 2 0 ∫ ���²(�) �2(�,�)� 1 �3− 1 �5� 1−��−�0��(�,�)� 1−���−�0��(�,�)��� ∝ 1 � −1 �ù �(�, �) = 1 +���(�)� �1 −12� 0.5 (2.1.7) Avec, 0 = ℎ�

�0∶ lié à l’effet de taille ;

λ0 : le libre parcours moyen à l’intérieur d’un grain [m] ; t : le paramètre de temps [s] ;

φ : l’angle d’arrivée des électrons à la surface.

Cette équation diffère de celle obtenue dans le modèle F-S à cause de l’interaction entre la résistivité due à l’effet de taille et la résistivité due aux joints de grains. La non-prise en compte de cette interaction engendre une erreur de l’ordre de 5 %. Notons que cette équation, n’ayant pas de solution analytique, doit

3 Le modèle de Soffer tenait déjà intrinsèquement compte de la rugosité (σ

RMS) en définissant la cohérence spatiale entre

le paquet d’ondes et la surface.

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être résolue numériquement. Un exemple de courbes obtenues en combinant les modèles F-S et M-S, dans le cas où Dg ~ hf, pour différentes valeurs de p et Tgb est présenté en figure 2.1.2b.

a) b)

Figure 2.1.2 : a) Schéma du modèle M-S ; b) Variation relative de la résistivité d’un film mince en fonction de �0 [Mayadas, 1970].

Sur cette figure, nous pouvons remarquer que le modèle M-S implique une forte augmentation de la résistivité lorsque le paramètre �0 décroît et devient inférieur à 1. Cette augmentation est d’autant plus forte

que le paramètre Tgb (i.e. la réflexion aux joints de grains) est grand. Enfin, notons que la valeur limite, à 0 >> 1, est plus élevée que dans le cas du modèle F-S qui ne tenait pas compte de la présence de joints de grains.

Sambles [Sambles, 1983] a proposé un modèle couplant le modèle de Soffer avec la dissymétrie des interfaces de Lucas et le rôle des joints de grains de M-S. Ce modèle est sans doute le plus complet à l’heure actuelle. Fortuitement, l’évolution de la résistivité est très similaire à celle du modèle F-S. Sambles a montré que celle-ci était principalement due à la diffusion des électrons par les joints grains et non par les surfaces. Ce modèle est peu utilisé même si Sambles précise que seuls les ajustements reposant sur le couplage des modèles F-S + M-S peuvent interpréter l’origine physique de la résistivité électrique d’une couche mince.

d) Microstructure et défauts

Plus récemment, des raffinements aux modèles précédents ont été proposés : le modèle M-S a été étendu à trois dimensions [Pichard, 1979], les corrélations entre les paramètres d’ajustement ont été mises en avant [Pichard, 1980], l’obtention de valeurs réalistes et univoques, avec une mise en exergue dans le cas du coefficient Tgb a été réalisée [Tellier, 1979 ; Tosser, 1981], des différences de traitements entre films

monocristallins, colonnaires et polycristallins ont été proposées [Tellier, 1978], le rôle des défauts, ponctuels (impuretés, interstitiels, lacunes), linéaires (dislocations) et planaires (fautes d’empilement, surfaces externes, joints de grains) a été explicité [Tellier, 1985]. Toutes ces études théoriques font cependant face à un manque de données et de capacités expérimentales pour isoler et mettre en avant chacun des effets décrits.

e) Impuretés magnétiques - L’effet Kondo

Nous avons pour le moment passé sous silence des observations expérimentales remontant aux années 1930. En effet, lorsque la résistivité électrique d’alliages magnétiques dilués est mesurée en fonction de la température, un minimum apparaît sur la courbe. Par des mesures de susceptibilité magnétique, il a été montré que ce minimum n’existe que lorsque les moments magnétiques sont localisés. Ce minimum est dû à une interaction antiferromagnétique locale entre une impureté magnétique, représentée par un spin, et une bande d’électrons de conduction [Kondo, 1964]. Pour calculer l’interaction des électrons de conduction avec les impuretés magnétiques, il faut se placer dans la seconde approximation de Born et calculer l’intégrale d’échange liée aux interactions des bandes « s-d » [Mott, 1957 ; De Gennes, 1958]. En tenant compte du 49

caractère dynamique du système de spin localisé et du principe d’exclusion de Pauli, un effet sur la sphère de Fermi apparaît, d’autant plus marqué que celle-ci est « piquée ». La probabilité de dispersion des électrons de conduction par les impuretés magnétiques peut ainsi être déduite, permettant d’expliciter une nouvelle source de résistivité.

�� ∝ �� ×��� (�) (2.1.8)

Avec, ρM : la résistivité électrique due aux impuretés magnétiques [Ω.m] ; cM : la concentration en impuretés magnétiques [m-3] ;

T : la température [°].

Lors du dépôt d’un film mince, cette source de résistivité est non nulle seulement dans le cas d’un alliage ou dans le cas du dépôt d’un élément pur avec une forte réactivité d’interface. Pour un dépôt à température fixée cet effet entraînera une augmentation de la résistivité électrique.

f) Cas d’un film mince déposé en incidence oblique

Un regain d’intérêt est apparu récemment pour les dépôts en incidence variable (GLAD) car ils permettent entre autres d’optimiser les propriétés optiques ou magnétiques des films minces. L’espacement entre colonnes des films à croissance colonnaire est, sous ce type d’incidence, accentué par des effets d’ombrage. Le traitement théorique de la diffraction des électrons par ces colonnes est une donnée indispensable à l’anticipation des valeurs de résistivité de ces films minces, valeurs qui jouent un rôle primordial pour l’obtention des propriétés recherchées [Besnard, 2011].

Dans le modèle de Besnard, la dispersion des électrons en bord de colonne vient remplacer la dispersion au niveau des joints de grains. Deux hypothèses sont émises : la rugosité de surface et la dissymétrie des interfaces sont négligeables. Pour calculer la résistivité, Besnard et al. utilisent un formalisme équivalent à celui utilisé dans le modèle M-S avec cependant un paramètre d’ajustement supplémentaire : celui de l’angle entre la normale à la surface du substrat et la direction de croissance de la colonne. La figure 2.1.3 met en avant les bonnes prédictions du modèle quant à la variation de la résistivité avec l’angle des colonnes pour différentes pressions de travail, PAr.

Figure 2.1.3 : Variation relative de la résistivité électrique en fonction de l’angle des colonnes et de la pression de travail lors de dépôts GLAD [Besnard, 2011].

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