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Chapitre 2 : Développement d’un dispositif de mesure in-situ et en temps réel de la résistivité

2.1 Modélisation de la résistivité électrique dans un film mince métallique

2.1.3 Discussion

a) Bilan des modèles précédents

La loi de Matthiessen est basée sur l’indépendance des différents processus de collision des électrons, elle conduit à l’additivité de leurs probabilités respectives et par conséquent à l’additivité de l’inverse des libres parcours moyens caractéristiques de chaque processus. L’expression de la résistivité peut alors être écrite comme une somme des résistivités partielles. Ainsi, la résistivité due aux effets de taille et la résistivité due aux vibrations des atomes dans un solide s’écrit :

�� = �0(�) + �� (2.1.9)

Avec, ρ0(T) : la résistivité due aux phonons, dépendante de la température et intrinsèque au matériau ; ρS : la résistivité due aux effets de taille, peu dépendante de la température.

En appliquant cette approche à toutes les sources de résistivité explicitées dans la section précédente, on a :

�� = �0+��+ ��+��+��+ ��+�� (2.1.10)

Avec, ρi : due aux impuretés (non magnétiques) ;

ρd : due à la concentration en défauts, cd, (interstitiels, lacunes, dislocations, fautes d’empilement) ; ρM : due aux impuretés magnétiques ;

ρG : due aux joints de grains (ou aux espaces inter-colonnaires dans le cas de dépôts GLAD) ; ρσ : due à la rugosité du film.

Des écarts à cette loi d’additivité ont cependant été pointés par Mayadas et al., en démontrant que la résistivité due aux joints de grains et la résistivité due à l’effet de taille ne sont pas parfaitement additives. L’écart maximum à la loi d’additivité de Matthiessen n’atteint cependant que 7 %.

Pour comparer le poids des différentes contributions, il est par conséquent nécessaire de connaître ou de déterminer par ajustement aux modèles présentés les différents paramètres définis ci-dessus : hf, λ0, σRMS, Dg, p(θ) et q(θ), Tgb, cM, T, cd.

b) Confrontation entre données expérimentales et modèles théoriques :

résultats et discussion

En raison des difficultés à obtenir des films minces de métaux purs et denses dans les années 1940- 50, les premières expériences permettant de tester l’influence de l’effet de taille sur la résistivité électrique ont été menées sur des fils de mercure et d’étain dont le diamètre minimal était de 3 µm à une température de 3,8 K pour laquelle λ0 >> hf [Andrew, 1949]. Les résultats de ces mesures sont illustrés sur la figure 2.1.4. Les résultats expérimentaux sont en bon accord avec la théorie de Fuchs et Mott, et ce en supposant p = 0 (i.e. aucune réflexion spéculaire des électrons en surface). De cette manière la valeur du produit ρfλ0 a pu être

déterminée à 25% près. Le diamètre du fil étant inférieur à λ0 (~ 10 µm), une augmentation de la résistivité due à l’effet de taille apparaît distinctement. Notons que ce bon accord du modèle F-S avec les données expérimentales est retrouvé dans d’autres cas [Chambers, 1950 ; Dingle, 1950 ; MacDonald, 1950]. Dans le cas de films minces, Fuchs et Mott remarquent qu’un ajustement convenable aux données expérimentales obtenues sur les films minces de césium évaporés [Appleyard, 1937] exige de faire varier le paramètre p durant les premiers stades de croissance du film, d’une valeur caractéristique d’une surface très rugueuse à

p = 0. Par cette remarque pertinente, Fuchs et Mott mettaient en évidence la croissance Volmer-Weber du

Césium… Ces très bons résultats obtenus avec le modèle F-S ne doivent cependant pas faire oublier qu’ici les fils étudiés sont de forte épaisseur et que la plupart des sources de résistivité existantes dans des films minces sont ici négligeables.

Figure 2.1.4 : Variation relative de la résistance de fils d’étain mesurée à 3,8 K par rapport à celle du matériau massif en fonction de leur diamètre [Andrew, 1949]. Les symboles correspondent aux données expérimentales, le trait plein correspond à un ajustement par le modèle de Fuchs et Mott avec p = 0.

Plus récemment, Li et al. [Li, 2000] ont étudié les premiers stades de croissance (hf < 5 nm) de films

minces de cobalt obtenus par évaporation thermique (0,2 ML.min-1), les mesures de résistivité « 4 pointes »

étaient faites in-situ, avec un arrêt du dépôt pour chaque épaisseur mesurée. Les résultats sont présentés figure 2.1.5.

Figure 2.1.5 : Evolution de ρf en fonction de l’épaisseur déposée pour un film mince de Co.

En dessous de 2 monocouches, il est montré que l’augmentation de la résistivité est due à un changement de morphologie en surface, similaire à une augmentation de rugosité. A environ 2 monocouches, les îlots de Co commencent à percoler, le courant passe par effet tunnel entre îlots, la rugosité diminue et la résistivité aussi. Pour une épaisseur supérieure à 2 monocouches, les îlots percolent, et la résistivité décroît fortement. Ces différents stades ont pu parallèlement être identifiés par des mesures de spectroscopie des électrons Auger (AES) et par des mesures haute résolution de diffraction des électrons de faible énergie (LEED). Pour des épaisseurs supérieures au seuil de percolation, Li et al. proposent un ajustement paramétrique des données expérimentales en couplant les modèles F-S et M-S à ceux de Namba et Lucas pour tenir compte de la rugosité de surface et de la dissymétrie des interfaces. Pour cela les courbes sont ajustées en plusieurs étapes :

- utilisation des modèles F-S et M-S pour obtenir p et α ;

- utilisation des modèles de Namba et Lucas en imposant les valeurs de p et α obtenues précédemment pour obtenir q, σRMS ;

- un ajustement final est réalisé en prenant en compte les différentes contributions.

Un très bon accord est ainsi obtenu en utilisant p = q = 0 et Tgb = 0,3, d’où ils obtiennent σRMS = 0,5

nm. Bien que cette valeur semble réaliste et du même ordre de grandeur que celle obtenue par STM, le protocole d’ajustement est critiquable.

Finissons par les mesures in-situ et en temps réel de Gylfason et al. [Gylfason, 2006] réalisées sur des films minces d’alliages CrxMo1-x obtenus par croissance épitaxiale sur un substrat de MgO (cf. Fig. 2.1.6). Dans

l’interprétation de ces courbes, les ajustements paramétriques ont été réalisés en combinant les modèles F- S, M-S et Namba, la rugosité étant déduite de mesures XRR. Dans ce travail, l’auteur met en avant l’augmentation de la taille de grains avec la température. Aucun commentaire sur le décrochement de la résistivité vers 3,5 nm n’est mentionné ; celui-ci serait possiblement attribuable à une recristallisation du film après un premier stade de croissance amorphe. A noter qu’à 400°C ce décrochement n’est pas discernable, nous pourrions penser qu’à cette température le film est cristallin dès les premiers instants de la croissance. Ces interprétations seront à corréler à nos résultats sur le Mo et le Fe du chapitre 3.

Figure 2.1.6 : Evolution de ρf/ρ0 en fonction de l’épaisseur déposée pour des films minces de Cr0.7Mo0.3 à différentes températures et

ajustements paramétriques associés.

Comme le montre le bilan précédent, l’ajustement paramétrique des courbes ρf = f(hf) requiert

d’obtenir numériquement un grand nombre de paramètres.

2.2 Théorie et appareillages autour de la mesure de la résistivité

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