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Chapitre 5 : Sur l’origine de la stabilisation de la phase Ta β lors de la croissance de films minces

5.3 Création de défauts et stabilité des phases : une étude comparative des phases

5.3.1 Influence de l’énergie déposée en cours de croissance

Les études précédentes ont montré que le Ta croît suivant sa phase métastable Ta-β sur substrats neutres et selon sa phase stable Ta-α sur une sous-couche de Mo cristalline. Le rôle de l’O sur la nucléation préférentielle de la phase Ta-β ayant été écarté, le rôle de l’énergie déposée proposé dans la littérature reste à vérifier. Pour cela, nous avons fait varier la pression de travail de 0,16 à 0,75 Pa et la tension de polarisation du substrat de 0 à −180 V, que ce soit pour des dépôts de Ta sur une sous-couche de a-Si ou c-Mo(110). Ainsi, les énergies moyennes déposées par atome de Ta sont contrôlées dans une gamme allant de 25 à 83 eV/at environ (cf. Tab. 5.3.1). La figure 5.3.1 présente les variations de la force par unité de longueur en fonction de l’épaisseur déposée lors de la croissance de films de Ta sur a-Si (cf. Fig. 5.3.1a) ou c-Mo(110) (cf. Fig. 5.3.1c), les diffractogrammes correspondants étant reportés figures 5.3.1b et 5.3.1d, respectivement.

Pour les films déposés sur une sous-couche de Si amorphe :

- la contrainte de croissance en régime stationnaire bascule en compression lorsque lorsque l’énergie déposée augmente, passant de + 3,16 GPa pour <Edep> = 25 eV/at à – 2,62 GPa pour <Edep> = 83 eV/at ;

- quelle que soit l’énergie moyenne déposée par atome, les films obtenus restent de structure Ta-β ; - le décalage angulaire des pics de diffraction par rapport à la position théorique du pic Ta-β(002) est

tout à fait corrélé à l’état de contrainte des films ;

- le film en tension (correspondant à <Edep> = 25 eV/at) diffracte assez mal. Des mesures par XRR ont

montré que celui-ci avait une densité de 5 % plus faible que la densité théorique du Ta, indiquant la présence de nanovides et une croissance fortement colonnaire.

Pour les films déposés sur une sous-couche de Mo cristallin :

- la contrainte de croissance en régime stationnaire devient de plus en plus compressive lorsque l’énergie déposée augmente jusqu’à 64 eV/at, passant de + 1,70 GPa pour <Edep> = 25 eV/at à − 1,80

GPa pour <Edep> = 64 eV/at. Puis, pour une valeur supérieure de l’énergie déposée (< 83 eV/at), la

contrainte en régime stationnaire se relaxe pour atteindre − 1,2 GPa ;

- quelle que soit l’énergie moyenne déposée par atome, tous les films obtenus sont de structure Ta-α, avec une croissance épitaxiale conservée pour tous les échantillons ;

- là encore, le décalage angulaire des pics de diffraction par rapport à la position théorique du pic Ta- α(110) est tout à fait corrélé à l’état de contrainte du film, sauf pour les films ayant une contrainte de croissance en tension. Pour ces derniers, une oxydation du film post-dépôt lors de la mise à l’air a contrebalancé la contrainte de croissance en tension, comme cela avait déjà été observé par Fillon et

al. dans le cas de films de Mo [Fillon, 2010a] ;

- d’aucuns peuvent s’étonner que malgré le module biaxial plus élevé du Ta-α (cf. §D), l’amplitude de la contrainte de croissance soit plus faible. Il semblerait que la phase Ta-β soit plus déformée pour les fortes ou faibles énergies déposées que la phase Ta-α.

a) b)

c) d)

Figure 5.3.1 : Evolution de la force par unité de longueur en fonction de l’épaisseur déposée lors de la croissance de films minces de Ta pour différentes énergies déposées allant de 25 à 83 eV/at : a) Sur a-Si ; b) Diffractogrammes correspondants ; c) Sur c-Mo(110) ; d) Diffractogrammes correspondants.

PAr (Pa) ETa (eV) EAr (eV) α (%) < Edep(Ta) > (eV) PAr (Pa) <Edep(Ta)> (eV) Vs (V) ni < Edep > (eV)

0,12 31,1 52,9 70 68,1 0,16 63,656 0 0 63,7

0,16 30,2 49,2 68 63,7 0,16 63,656 60 0,10 70,7

0,24 27,1 45,1 66 56,7 0,16 63,656 120 0,10 76,7 0,44 20,2 37,5 58 42,0 0,16 63,656 180 0,10 82,7 0,75 12,3 25,9 49 25,0

Tableau 5.3.1 : Tableau de correspondance entre les énergies moyennes totales déposées par atome de Ta, < Edep >, et les paramètres

de dépôt : pression (PAr), tension de polarisation (Vs). Le paramètre α représente la proportion d’espèces rétrodiffusées calculée à

l’aide du logiciel SRIM et ni le rapport ions/atomes. ETa et EAr correspondent aux énergies moyennes des atomes de Ta et d’Ar arrivant

à la surface du substrat, respectivement. < Edep(Ta) > correspond à l’énergie moyenne déposée par atome de tantale sans considérer

le bombardement des ions.

Nous voyons ici que sur toute la gamme en énergies déposées accessible dans notre bâti de dépôt « PUMA », l’énergie déposée n’a joué aucun rôle sur la nucléation préférentielle de phase. Ces résultats sont en contradiction avec la majeure partie des résultats proposés dans la littérature et dont aucun paramètre

pertinent ne pouvait être extrait [Catania, 1993 ; Ino, 1997 ; Ren, 2008 ; Navid, 2011, 2012]. Néanmoins, notons que dans notre enceinte, quelles que soient les conditions de dépôts que nous ayons utilisées, la température du substrat ne s’élève jamais de plus de 5 – 10°C. La géométrie des différents bâtis de dépôt (distance cible-substrat) utilisés dans la littérature ne permet pas un tel contrôle de la température. Nous reviendrons sur cet aspect à la fin de la section 5.4.1.

Il est intéressant de remarquer que les deux phases ont une réponse différente à l’énergie déposée. Les évolutions de contrainte en fonction de < Edep > sont reportées figure 5.3.2a. Parallèlement, nous

présentons figure 5.3.2b l’évolution des microdéformations65, calculées par la méthode de Williamson et Hall

(cf. §B.1). Rappelons que le paramètre < Edep >, calculé tel que décrit section 1.1.2b, a été choisi pour discuter

des résultats même si celui-ci ne rend pas spécifiquement compte de l’importance de la queue de la distribution en énergie des espèces incidentes : en effet, les particules ayant une forte énergie typiquement supérieure à l’énergie seuil de déplacement des atomes de Ta-α (80 eV), peuvent à elles seules, même si leur fraction est faible, contribuer à l’essentiel des défauts créés durant la croissance.

a) b)

Figure 5.3.2 : a) Evolution de la contrainte de croissance en régime stationnaire en fonction de < Edep > pour les phases Ta-α et Ta-β.

La ligne verticale correspond à une tension de polarisation nulle ; b) Evolution des microdéformations en fonction de < Edep >.

On constate d’après la figure 5.3.2a qu’en l’absence de tension de polarisation (i.e. pour des valeurs de < Edep > < 65 eV/at), l’évolution de la contrainte en régime stationnaire est sensiblement identique pour les

deux phases. En outre, lors de l’application d’une tension de polarisation nous avons :

- dans le cas de la phase Ta-β, la contrainte continue à évoluer en compression, sans transition brutale, en accord avec la description des diagrammes de Thornton [Thornton, 1986] (cf. §1.1.2e). Cette augmentation est corrélée à une forte augmentation (de 0,35 à 0,85 %) des microdéformations (cf. Fig. 5.3.2b) suggérant une incorporation de défauts de type interstitiels au cœur même des grains ; - dans le cas de la phase Ta-α, l’application d’une tension de polarisation a pour effet de relaxer une

partie de la contrainte de croissance en régime stationnaire, alors que dans le même temps, le niveau de microdéformation reste quasi-constant et élevé (~ 0,8 %).

A noter que la phase Ta-β, phase métastable, est très résistante à l’incorporation de défauts engendrée par des conditions de dépôt très énergétiques. La question se pose alors si un apport d’énergie plus localisé, par exemple au sein de cascades de déplacement, obtenues au cours d’une irradiation post-

65 Uniquement dans la gamme d’énergie pour laquelle les films obtenus sont en compression (l’analyse pour des films

en tension étant trop incertaine en raison de leur oxydation post-dépôt).

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