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Chapitre 3 : Premiers stades de croissance de films minces métalliques

3.4 Cas limites de métaux de mobilité atomique intermédiaire

3.4.2 Cas de la croissance de films minces de fer

Pour y répondre, nous avons choisi le fer, avec une température homologue de 0,16, identique à celle du Pd et une structure d’équilibre cubique centrée, à l’instar du Mo et du W. Lors de dépôts par pulvérisation cathodique magnétron sur substrats neutres (a-Si, a-SiOx) sous une pression d’Ar de 0,16 Pa avec une vitesse

de dépôt de 0,052 nm.s-1 des suivis MOSS et de résistivité in-situ ont été menés (cf. Fig. 3.4.4). La

complémentarité de ces deux techniques et l’expérience des évolutions associées aux autres métaux permet de proposer une interprétation directe de ces courbes. Aucune mesure par SDRS n’a été faite dans le cas du Fe.

Sur a-SiOx, la mesure de résistivité met en évidence une augmentation jusqu’à 1,2 nm puis une chute

brutale. Alors que la résistivité semblait tendre vers un régime stationnaire, une seconde chute survient pour une épaisseur de 3,1 nm, puis un régime stationnaire est atteint. Ceci nous permet de déterminer une épaisseur de percolation de 1,2 nm et une transition d’une phase plus résistive (80 µΩ.cm) vers une phase moins résistive (20 µΩ.cm) pour une épaisseur de 3,1 nm. Pour la mesure MOSS, le premier stade de croissance (hf < 2,7 nm) est similaire à celui du Pd/a-SiOx, avec la formation d’îlots et leur coalescence. Pour

une épaisseur de 2,7 nm un phénomène transitoire (saut) est observé pouvant s’apparenter à une transition structurale. Cette transition est similaire au changement de phase amorphe-cristal étudié dans le Mo. De ces mesures, nous pouvons émettre l’hypothèse que la croissance commencerait sous forme d’îlots amorphes

avec cristallisation de ces îlots à la coalescence. Par la suite, la contrainte de croissance reste assez fortement

en tension, comme dans le cas du Mo, puis une contrainte de croissance stationnaire toujours en tension est atteinte.

Sur a-Si, la résistivité augmente puis chute dans les tous premiers instants de la croissance,

typiquement ce que nous observons lors de la croissance de métaux de faible mobilité atomique sur une sous- couche d’a-Si. Un régime stationnaire est atteint entre 0,8 nm et 2 nm puis s’opère une seconde chute brutale de résistivité avant de tendre vers un régime stationnaire. Pour les mesures MOSS, un saut de la contrainte de surface est observé dans les premiers stades de croissance. Vient ensuite une transition de phase similaire, quoique plus brutale et plus précoce (1,8 nm), à celle observée lors de la croissance sur a-SiOx. Là encore, la

contrainte de croissance stationnaire se stabilise en tension avec une valeur étonnamment élevée de 1,86 GPa pour un dépôt à relativement basse pression (0,16 Pa). Les deux chutes de résistivité observées, couplées à une contrainte transitoire, permettent de proposer que la croissance semble se faire couche par couche

en phase amorphe sur la sous-couche de silicium amorphe, avec une cristallisation du film pour une épaisseur d’environ 2 nm, comme dans le cas du Mo. Encore une fois, le changement de phase est mis en

évidence pour des épaisseurs plus grandes en résistivité qu’en MOSS.

a) b)

Figure 3.4.4 : a) Evolution de la force par unité de longueur (partie haute) et de la résistivité (partie basse) de films minces de Fe sur a-SiOx (courbe rouge) et a-Si (courbe bleue) en fonction de l’épaisseur déposée. Les lignes pointillées symbolisent l’épaisseur à laquelle un changement de phase a lieu ; b) Diffractogramme θ-2θ d’un film de 100 nm déposé sur une sous-couche de Si amorphe. En insert, la « rocking-curve » associée.

La figure 3.4.4b permet de montrer que les films obtenus sont de structure cubique centrée et texturés (110) avec une faible mosaïcité de 4,7°. Le décalage vers les grands angles du pic de diffraction vient confirmer l’état de contrainte en tension. D’après les mesures par XRR (cf. Fig.3.4.5 et Tab. 3.4.2) cette tension peut être attribuée au dépôt de films légèrement sous-denses.

a) b)

Figure 3.4.5 : a) Réflectométrie X d’un film de Fe de 26 nm déposé sur a-SiOx ; b) Image de topographie de surface obtenue par AFM

(1 × 1 µm) pour un film de Fe déposé sur a-Si de 100 nm d’épaisseur.

Elément ρmassif ± 0,2 (ρth) (g.cm-3) Rugosité (nm) Epaisseur (nm)

Fe1-xox 6,208 0,52 2,72

Fe 7,6 (7,86) 0,24 24,77

a-SiOx 2 0,35 0,73

Si 2,33 (2,33) 0,1 ∞

Tableau 3.4.2 : Densité, rugosité et épaisseur des différentes couches utilisées pour la simulation des courbes XRR.

La topographie de surface des films minces de fer est constituée d’un enchevêtrement dense d’amas de forme allongée en « aiguille » (cf. Fig. 3.4.5b), rendant délicate la délimitation précise des joints de grains. Chaque domaine (ou grain) est constitué de l’empilement parallèle de ces aiguilles et on distingue clairement 106

une périodicité de ces structures fines (environ 15 – 20 nm). Cette morphologie de surface (cf. zoom Fig. 3.4.5b) est analogue à celle observée par Singh et al. [Singh, 2003] dans le cas de films minces de W-α. Les amas en forme d’aiguille sont qualifiés par ces auteurs de « nanoridges » dont la présence semble caractéristique de la croissance d’éléments de structure CC (110) et liée à une anisotropie de diffusion de surface. En effet des images similaires ont été également obtenues lors de l’étude des films de Mo-α et Ta-α selon la direction (110), comme nous le verrons par la suite.

En comparant la croissance pour les deux sous-couches, il semblerait que la réactivité entre le fer et

le Si amorphe impose au premier une croissance couche par couche alors que sur une sous-couche de Si oxydé nativement, la croissance semble avoir lieu en îlot et la phase amorphe semble être stabilisée à plus forte épaisseur, peut-être grâce à la présence d’oxygène à l’interface. Les similarités d’évolution de la contrainte et de la résistivité observées entre le fer et le molybdène laissent penser qu’il se produit aussi une recristallisation dans le cas du fer. Ces interprétations sont en accord avec les expériences de Steiner et al.

[Steiner, 2003] qui mettaient en évidence une transition de phase amorphe-cristal dans le cas de la croissance

de films minces de fer sur bore qu’il attribuait à une diffusion du bore dans le fer. Les épaisseurs mises en jeu étaient semblables et la caractérisation était faite grâce à une mesure de résistivité « 4 pointes » in-situ et en temps réel, installée dans un bâti de dépôt par pulvérisation par faisceaux d’ions. L’interprétation des mesures in-situ était confirmée par une analyse par microscopie électronique à transmission en coupe transverse des multicouches Fe/B montrant une interface amorphe sur environ 3 nm, correspondant au domaine (a) de la figure 3.4.6.

Figure 3.4.6 : Evolution de la résistance in-situ durant la croissance d’une bi-couche Fe/B par pulvérisation par faisceau d’ions à – 180°C et à 25 °C. Les symboles a-d délimitent les différents régimes [Steiner, 2003].

Nous pouvons conclure que la croissance de films minces de fer présentée ici est typiquement un cas intermédiaire. Alors que la température homologue seule nous laisserait penser à une croissance 3D typique comme observée pour le Pd, la croissance semble bien se faire en îlots sur a-SiOx, mais ceux-ci seraient

initialement mal cristallisés (voire amorphe) et cristalliseraient selon la structure CC lorsque le film devient continu. Lorsqu’une réaction à l’interface avec une sous-couche de Si amorphe se produit, la croissance est cette fois typique de celle des métaux de faible mobilité atomique (croissance couche par couche faisant intervenir un alliage d’interface amorphe suivie d’une cristallisation à quelques nanomètres d’épaisseur).

Ce cas et celui de l’Ir, montrent que pour anticiper la croissance d’un métal, il est nécessaire de

considérer conjointement la température homologue et la structure d’équilibre du film mince.

3.5 Contrôle de la microstructure et de la contrainte stationnaire lors

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