• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Développement d’un dispositif de mesure in-situ et en temps réel de la résistivité

2.2 Théorie et appareillages autour de la mesure de la résistivité électrique d’un film

2.2.2 Développements instrumentaux de la mesure de résistivité in-situ en cours de

Nous restreignons ici la description d’appareillages destinés à des mesures en cours de croissance. Une revue plus complète des développements expérimentaux de la mesure de résistivité in-situ, avec une emphase sur la technique prometteuse de mesure locale à l’aide d’un microscope à effet tunnel multi-pointes est donnée dans l’annexe C.

a) Les travaux pionniers en mesure de résistivité « 2 pointes »

Par définition, la mesure de résistivité « 2 pointes » suit les mêmes principes que la mesure « 4 pointes » mais ne permet pas de s’affranchir des résistances de contact lors de la mesure.

Un des travaux pionniers de mesure de la résistivité électrique in-situ en cours de dépôt a utilisé un tube sous vide dans lequel des métaux alcalins ont été déposés par évaporation thermique sur un substrat de Pyrex [Hamburger, 1931 ; Lovell, 1936].

a) b)

Figure 2.2.3 : a) Représentation schématique du montage de Lovell. La figure « 1a » représente la zone de dépôt, notée K, les zones hachurées correspondant aux contacts en platine ; b) Courbe théorique (trait pointillé) et courbe expérimentale (trait plein) d’évolution de la résistivité en fonction de l’épaisseur pour des films ultraminces de césium déposés à 64 K.

Des bandes de platine sont préalablement déposées sur les bords du Pyrex et recouvertes de graphite. Deux fils de platine sont soudés sur ces bandes et reliés à un système comportant un galvanomètre et un potentiomètre. Des masques protègent les bandes pendant le dépôt. Le schéma du montage est présenté sur la figure 2.2.3a. Ce montage a permis de montrer qu’un film mince de rubidium évaporé est conducteur pour des épaisseurs aussi petites que 0,1 nm et d’étudier l’évolution de sa résistivité en fonction de son épaisseur. Nous verrons qu’une si faible épaisseur, indiquant le seuil de percolation, est très étonnante pour un métal de si forte mobilité atomique (cf. §3.2&3.3). Ce montage a aussi été utilisé pour étudier la croissance de films de césium et de potassium [Appleyard, 1937], cette étude, parmi les premières faites en cours de croissance est présentée figure 2.2.3b. Notons que la courbe théorique est obtenue en utilisant le modèle de Thomson uniquement, elle reproduit d’ailleurs assez mal les variations expérimentales. Il est important de noter que ce système à « 2 pointes » ne permet plus de suivre la variation de la résistivité lorsque celle-ci devient trop faible à cause des résistances de contact.

Une seconde expérience pionnière concernant l’étude in-situ des premiers stades de croissance de films minces par la mesure de la résistivité électrique était proposée par Maaroof et Evans [Maaroof, 1994]. Le système de mesure de résistivité de type « 2 pointes » est installé dans un bâti de dépôt par faisceau d’ion. Pour la mesure, deux électrodes rectangulaires de Pt ou de Ni (respectivement utilisées pour des films de Pt et de Ni), de 50 nm d’épaisseur, séparées de 1 mm, sont déposées préalablement au film sur des substrats de verre ou de carbone amorphe. Le contact sur les électrodes se fait par des fils de platine collés à la laque d’argent. Des masques permettent de limiter le dépôt à une zone de 8 × 2 mm² sans altérer le système de mesure. L’acquisition de la résistance est faite toutes les secondes par un multimètre programmable Keithley® 617. La puissance dissipée dans le film est comprise entre 0,2 et 20 µW et aucun échauffement n’est observé. Le champ électrique induit entre les deux électrodes (200 V.m-1) n’affecte pas la croissance du film [Damodara

Das, 1981].

Plus récemment, Fukuda et al. [Fukuda, 2008] ont développé un système de mesure de résistivité « 2 pointes » in-situ en cours de croissance dans un bâti de pulvérisation magnétron pour étudier de quelle manière la coalescence d’îlots d’Ag est affectée par des sous-couches de différents métaux de transition. Malheureusement, aucun détail expérimental n’a été donné. Enfin, une technique identique a été développée par Trindade et al. [Trindade, 2009]. Ici, les contacts sont étonnamment constitués d’une tri-couche Ta(10 nm)/Al(40 nm)/Ru(3 nm). Les auteurs insistent sur l’importance de l’homogénéité du dépôt et de la synchronisation du 0 de l’acquisition avec le début du dépôt.

b) Les travaux pionniers en mesure de résistivité « 4 pointes »

Un développement expérimental pionnier en mesure de résistivité « 4 pointes » in-situ en cours de croissance dans un bâti d’évaporation thermique a été proposé par Vancea et al. [Vancea, 1984] dans l’optique d’étudier les densités de porteurs dans des films minces métalliques.

Les schémas de l’enceinte de dépôt et des substrats de verre utilisés sont présentés respectivement sur les figures 2.2.4a et b. Pour chaque cycle de dépôt, 8 échantillons peuvent être déposés à des températures allant de 80 K à 600 K sous une pression résiduelle allant de 2.10-8 à 1.10-4 Pa. Les contacts sont

des films minces d’argent évaporés de 400 nm d’épaisseur. Les mesures sont faites par un système d’acquisition informatique avec le 0 de l’acquisition synchronisé sur l’ouverture du cache-substrat. L’erreur sur la mesure de ρf est estimée à 0,2 %, une valeur difficilement vérifiable et qui peut paraître très optimiste.

Figure 2.2.4 : a) Schéma de l’enceinte par évaporation thermique ; b) Schéma du substrat avec en noir la zone de dépôt.

Une méthode de mesure in-situ de résistivité type « 4 pointes » en géométrie non colinéaire mais symétrique a également été implantée dans un bâti de dépôt par Schuisky et al. pour l’étude des premiers stades de croissance de films minces de ZnO et de W [Schuisky, 2002]. Pour ce montage, les contacts en or de 50 × 50 µm² sont disposés symétriquement sur un substrat d’alumine de 5 × 5 mm². Ces contacts sont reliés par des fils d’or fins (25 µm) à des contacts en or de 1 × 1 mm² sur lesquels viennent se connecter les 4 fils de 0,05 mm de diamètre du dispositif de mesure. Ce montage étant installé dans un réacteur de dépôt par couche atomique en milieu liquide, tous les fils et contacts sont recouverts d’une couche isolante d’alumine. Pour la mesure, le courant est injecté entre les plots A et B et la différence de potentiel mesurée entre les plots C et D, comme indiqué sur la figure 2.2.5.

Figure 2.2.5 : Schémas : a) Des 4 contacts en or déposés sur un substrat d’alumine ; b) Du porte-objet ; d’après [Schuisky, 2002].

Ajoutons enfin qu’une mesure de résistivité « 4 pointes » in-situ et en temps réel, installée dans un bâti de dépôt par pulvérisation par faisceau d’ions a été développée par Steiner et al. [Steiner, 2003]. Malheureusement, aucun détail instrumental n’est donné.

c) Les travaux pionniers en mesure de résistivité « 4 pointes » dans un bâti

de dépôt par pulvérisation magnétron

La première mesure de résistivité « 4 pointes » intégrée dans un bâti de dépôt par pulvérisation magnétron l’a été par Barnat et al. [Barnat, 2003]. Les vues planes et en coupe transverse du montage sont données en figure 2.2.6. Dans ce montage, le dépôt est limité à une zone circulaire de 17,4 mm de diamètre par une série de masques, dont le dernier est à une distance de 0,6 mm du substrat de manière à limiter les effets d’ombrage et donc l’inhomogénéité du film. Des contacts en cuivre préalablement évaporés sur un substrat de Si oxydé thermiquement permettent la mesure. Aucune information sur les dimensions de ces contacts n’est donnée. Compte-tenu de l’environnement plasma et de dépôts en mode radiofréquence, les électrodes sont mises à un potentiel fixe de – 100 V. Le courant de 0,5 mA est injecté par l’intermédiaire d’un amplificateur de type « lock-in » de manière à ne pas être perturbé par le courant dû au plasma (0,4 µA). Le 58

système d’acquisition dispose d’un circuit électronique très complexe de manière à déconvoluer le signal radiofréquence de la mesure. En outre, ce dispositif électronique limite la détection à une différence de potentiel de 0,2 mV (soit une résistance de 0,4 Ω), et la fréquence d’acquisition est limitée à 1 point par seconde, malgré l’interfaçage des amplificateurs programmables avec un ordinateur et le développement d’un programme d’optimisation de l’acquisition sur LABVIEW (National Instruments). Le calcul du facteur géométrique5 étant complexe, il a été obtenu en comparant la résistivité finale à une mesure de résistivité

« 4 pointes » en géométrie colinéaire ex-situ. Une grande prudence est de mise pour cette méthode, les films minces ayant presque systématiquement une évolution de leur résistivité lors de la mise à l’air.

Figure 2.2.6 : a) Vue plane ; b) Vue en coupe transverse du dispositif de mesure de résistivité « 4 pointes » du bâti de dépôt par pulvérisation magnétron de Barnat et al. [Barnat, 2003].

Barnat et al. [Barnat, 2002] comparent leurs résultats obtenus sur des films de Cu déposés par pulvérisation à ceux obtenus par Liu et al. [Liu, 2001], ainsi qu’à ceux obtenus par l’équipe d’Hoffmann

[Vancea, 1984 ; Jacob, 1990] pour des films de Cu déposés par évaporation thermique (cf. Fig. 2.2.7). A noter

que les mesures de Liu et al. sont faites ex-situ.

Figure 2.2.7 : Evolution de ρf (en échelle logarithmique) en fonction de l’épaisseur pour un film mince de Cu déposé par pulvérisation

magnétron ou évaporation thermique (Liu, Vancea, Jacob).

Plusieurs conclusions se dégagent de cette étude comparative :

- la percolation (début de la chute de la résistivité) du Cu est plus précoce lors de dépôts en pulvérisation magnétron que lors de dépôts en évaporation thermique. Ceci est en accord avec une plus forte densité d’îlots en surface à cause de la création de défauts en surface dus à la plus forte énergie incidente en pulvérisation ;

- la résistivité finale est plus grande pour des dépôts effectués par pulvérisation magnétron. Ce qui est aussi en accord, pour un élément de forte mobilité atomique, avec une plus forte densité d’îlots à la coalescence impliquant une plus forte densité de joints de grains ;

5 Lié à une mesure qui n’est pas en géométrie de VdP et/ou au non-respect des hypothèses de VdP (dimensions des

contacts petites devant celles du film).

59

- il y a croissance anormale des grains de Cu après dépôt et ce d’autant plus que l’épaisseur déposée est grande.

L’importance des mesures in-situ est ici mise en évidence en regardant les mesures de Liu et al, obtenues ex-situ, qui diffèrent grandement de celles des autres auteurs à cause d’une croissance des grains post-dépôt.

Le système d’acquisition de Barnat et al. a servi d’inspiration pour le développement du montage d’Arnalds et al. [Arnalds, 2007] permettant l’étude de la croissance de films minces d’alliages Cr0.7Mo0.3 par

pulvérisation magnétron [Gylfason, 2006]. Le détail du montage est donné figure 2.2.8. Les dépôts n’étant pas faits en mode RF, le circuit électronique a été simplifié car aucun système de filtrage des artefacts de mesure dus à la source RF n’était nécessaire. Un simple filtrage du signal visant à éliminer la conduction par le plasma reste présent. Pour la mesure, un générateur de tension délivrant un signal sinusoïdal de 600 mV à 417 Hz est utilisé. La différence de potentiel est mesurée directement, alors que le courant est mesuré indirectement au travers d’une résistance de 50 Ω montée en série avec le film. Cette fois, la mesure est faite en géométrie symétrique de Van der Pauw sur un substrat carré et aucun facteur géométrique n’est à calculer. Le porte échantillon isolant est fait de Macor® et le dépôt est confiné à une zone rectangulaire par l’intermédiaire de masques. Les contacts métalliques sont constitués de deux bandes sur les coins desquelles quatre fils d’or sont en contact. Le 0 du système d’acquisition n’étant pas synchronisé avec l’ouverture du cache-cible, une incertitude de 1 seconde est prise en compte sur la mesure du temps6. La pression de dépôt

dans la chambre peut être ajustée ainsi que la température (jusqu’à 800°C). Le vide initial n’est pas dégradé par l’introduction du système de mesure et il y a toujours la possibilité de faire des dépôts réactifs. Quelques limitations sur ce dispositif sont cependant à souligner : aucune information n’est donnée sur l’homogénéité des films déposés, pourtant, l’utilisation de masques et l’absence de rotation du substrat pendant le dépôt sont sources d’inhomogénéités. De plus, entre chaque échantillon, l’enceinte doit être ouverte et le vide rompu ce qui ne permet pas de faire des séries d’échantillons.

a) b) c)

Figure 2.2.8 : a) Schéma montrant une vue du dessous et du dessus du porte échantillon et une vue du masque utilisé pour le dépôt ; b) Photographie du porte échantillon avec le masque (ni l’échelle de la photographie, ni les dimensions du porte-échantillon ne sont données dans la publication originale) ; c) Schéma du montage électronique.

Notons que le dernier développement en date d’une mesure de résistivité « 4 pointes » in-situ en cours de croissance semble être celui de Kwon et al. [Kwon, 2012], utilisé pour mettre en évidence l’épaisseur de continuité minimale de films d’étain. Ici, les contacts sont en Al.

d) Conclusion de cette étude bibliographique

Cette étude bibliographique sur le développement de dispositifs in-situ de mesure de la résistivité électrique a permis de dégager différents détails expérimentaux transposables pour le développement de

6 Ensuite convertie en incertitude sur l’épaisseur du film.

60

notre dispositif mais également de relever quelques déficiences. Quelles sont nos exigences et nos contraintes afin de faire progresser la mesure de résistivité comme outil de diagnostic de la croissance ?

- la mesure doit être faite par la méthode « 4 pointes » pour s’affranchir des résistances de contact ; - Le dispositif doit également permettre d’observer la chute de résistivité sur plusieurs ordres de

grandeur et enfin être capable de mesurer de faibles résistivités ;

- la mesure doit être faite in-situ, de manière à s’affranchir de tous les effets post-dépôt ; - la mesure doit être faite en temps réel pour pouvoir suivre la dynamique de la croissance ; - la géométrie du substrat et des contacts doit être symétrique pour utiliser le formalisme de VdP ; - les films doivent être homogènes en épaisseur et en composition ;

- l’introduction des échantillons doit pouvoir se faire sans rompre le vide dans l’enceinte afin de pouvoir effectuer des études comparatives requérant un grand nombre d’échantillons.

A ce cahier des charges sont venues s’ajouter diverses contraintes extérieures :

- le dispositif doit pouvoir s’intégrer dans le bâti de dépôt « PUMA » sans modification de ce dernier ; - la géométrie du dépôt doit rester identique à celle utilisée pour les analyses MOSS et SDRS de manière

à pouvoir comparer les résultats obtenus par les trois outils de diagnostics in-situ ; - le dispositif doit être démontable ;

- le dispositif doit être peu coûteux !

2.3 Développement instrumental et représentation d’une mesure de

Outline

Documents relatifs