• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Nucléation-croissance de films minces et contraintes associées : description et

1.3 Génération de contraintes lors de la croissance de films minces

1.3.2 Développement de contraintes lors des premiers stades de croissance

a) Contraintes liées à l’étape de nucléation

Nous avons vu précédemment qu’un film mince peut suivre deux modes de nucléation : en îlots, ou couche par couche, voyons donc les contraintes associées à chacun de ces modes.

Lors d’une croissance 2D, nous passons en quelques angströms d’une couche de surface faite d’atomes du substrat à une couche faite d’atomes du film. Ce changement d’espèce chimique en surface, implique une variation de la contrainte de surface telle que décrite par Müller et Thomas [Müller, 2000b] :

�(ℎ�) = �� �1 − � −ℎ�

� (1.3.3)

Avec, F/w : la variation de la force par unité de longueur, homogène à une contrainte [N.m-1] ;

Δf : la différence de contrainte de surface entre un plan semi-infini du film et du substrat [N.m-1] ;

hf : l’épaisseur du film [m] ;

ξ : une épaisseur caractéristique correspondant à la continuité du film [m].

Dans le cas d’une croissance par épitaxie, la différence d’énergie d’interface entre le substrat et le film est plutôt faible car les distances interatomiques dans les deux plans sont quasi-identiques, et la contrainte de surface est masquée par l’amplitude beaucoup plus importante de la contrainte d’épitaxie, sauf, pour une épaisseur de dépôt de l’ordre de la monocouche [Sander, 1998].

Lors d’une croissance 3D, l’étape de nucléation implique la formation d’îlots discontinus. Dans le cas d’îlots de forme sphérique (rayon r) la surpression de Laplace s’exerçant à l’intérieur de l’îlot s’exprime selon Δ� = 2� (équation de Laplace-Young) où f est la contrainte de surface. Abermann et Koch et Mays et al.

[Mays, 1968 ; Abermann, 1986] ont montré qu’au cours de ce stade, quel que soit le système à croissance 3D

considéré, la pression de Laplace-Young entraîne une contraction du paramètre de maille de l’îlot par rapport à la valeur du matériau massif. En grossissant, le paramètre de maille cherche à tendre vers sa valeur d’équilibre, or, celui-ci est dorénavant imposé par l’interface avec le substrat et donc, lorsque les îlots grossissent, une contrainte de compression imposée par le substrat se manifeste. Cette contrainte a été modélisée pour des îlots cylindriques [Cammarata, 2000]. Il a été montré que l’amplitude de la contrainte de surface est de l’ordre de 1 N.m-1 (i.e. environ 0,6 eV.at-1) quel que soit l’élément à croissance 3D [Sander,

2003]. Cette valeur décroît si la taille des grains augmente [Abermann, 1979 ; Cammarata, 2000].

Cette contrainte de surface joue un rôle primordial lors de l’étude de phénomènes de surface tels que les reconstructions [Ibach, 1997 ; Lazzeri, 2001 ; Sander, 2009], l’adsorption d’impuretés [Sander, 1992 ;

Feibelman, 1997 ; Stepanyuk, 2000 ; Flötotto, 2014], la magnétoélasticité [Sander, 1999 ; Gutjahr-Loser, 2000 ; Sander, 2004b], ou la formation d’alliages [Thayer, 2001 ; Ozoliņš, 2002 ; Thayer, 2002].

b) Contraintes liées à l’étape de coalescence

Lors de la coalescence d’îlots nous avons décrit que les grains commencent par se toucher puis ceux- ci finissent par « s’agglomérer » en formant des joints de grains à leurs interfaces. Toutes les études [Hoffman,

1966 ; Nix, 1999 ; Seel, 2000 ; Freund, 2001 ; Floro, 2002 ; Rajamani, 2002 ; Seel, 2003 ; Koch, 2005] s’accordent

à dire que le processus de coalescence correspond à une fermeture du joint de grain qui entraîne une

contrainte de tension. En outre, la zone de contact lors de la fermeture est traitée différemment par ces

auteurs :

- Hoffman modélise l’attraction entre grains par un potentiel d’interaction asymétrique dans le but de minimiser l’énergie de surface, ce qui provoque une tension ;

- Nix et al. traitent le joint de grain comme une fissure avec le modèle de Griffith ; - Freund, Floro, Chason et al. considèrent un contact de type Hertzien ;

- Rajmani, Seel-Thompson et al. utilisent eux des calculs par éléments finis.

Les expériences ne permettent pas de trancher de façon unanime sur le meilleur modèle, mais le modèle de Freund et Chason permet d’obtenir une expression sans dimension (cf. Eq. 1.3.4) de l’amplitude de la contrainte moyenne à la coalescence, ���, aisément utilisable pour comparer nos expériences sur différents métaux. ���� � =��� −�� ��� �� (1.3.4) 32

Avec, Cn : un exposant numérique dépendant de la dimensionnalité (n = 1,2 ou 3) du système considéré ; An : un facteur numérique lié à Cn ;

M : le module biaxial du film [Pa] ;

L : la taille latérale des grains à la coalescence [m] ;

�� = ��� − 2�� ~− �� : l’énergie gagnée en troquant l’énergie des deux surfaces de grains contre

l’énergie du joint de grain [eV].

A noter que l’expression d’Hoffmann peut être retrouvée avec n = 1 et c1 = 0,5. Dans ce

cas ���� ~ �−1/2. Notons aussi que le modèle Freund-Chason ne tient pas compte d’une possible évolution

de la forme de l’îlot lorsque le film s’épaissit, ainsi que de la structure exacte des marches au sommet du joint de grains.

Des études récentes par mesure de courbure ou de résistivité électrique in-situ ont montré que l’épaisseur de coalescence était impactée par la sous-couche ou la présence d’un surfactant [Fukuda, 2008 ;

Flötotto, 2012]. En revanche, la dépendance avec la vitesse de dépôt n’est pas claire : dans les expériences de

Del Vecchio et Spaepen [Del Vecchio, 2007], augmenter la vitesse de dépôt n’a pas d’effet notoire sur l’épaisseur de coalescence dans le cas de films de Cu alors qu’une légère augmentation est observée dans le cas de films d’Ag ; les simulations en Monte-Carlo cinétique de Yang et al. [Yang, 2010] réalisées sur des films de Cu montrent que l’épaisseur de coalescence diminue lorsque la vitesse de dépôt augmente. Lorsque la température augmente, l’épaisseur de coalescence augmente grâce à une augmentation de la mobilité atomique [Chason, 2012b]. Ces dépendances seront traitées de manière rigoureuse dans le chapitre 3 pour différentes espèces déposées dans les mêmes conditions.

c) Cristallisation-changements de phases, croissance de grains et

contraintes

En 2010, Fillon et al. [Fillon, 2010b] ont étudié la croissance d’un film métallique réfractaire (Mo) sur

a-SiOx ou a-Si et ont montré qu’après un premier stade où le film croit en phase amorphe, une cristallisation

se produit au-delà d’une épaisseur critique d’environ 2,3 nm. Cette cristallisation se manifeste par une contrainte transitoire en tension due à la différence de volume atomique entre le Mo amorphe et le Mo cubique centré. Nous montrerons au cours de ce manuscrit que la cristallisation et les changements de phases lors de la croissance de différents métaux impliquent des variations de contraintes dont le signe et l’amplitude sont à déterminer au cas par cas.

Lorsque la diffusion en volume est activée, nous avons vu qu’un processus de croissance de grains existait. Lors de la croissance de grains, par capillarité [Thompson, 1990], la fraction de joints de grains diminue or les joints de grains ont une densité atomique plus faible que les grains et il va donc y avoir une

densification globale du film. Le film étant lié fixement au substrat, la densification va entraîner une

contrainte en tension. L’amplitude de cette contrainte en tension a été estimée par Chaudhari [Chaudhari,

1972] :

���=1−�� �� �1−10� (1.3.5)

Avec, Δa : l’excès de volume libre par unité d’aire de joints de grains, équivalent à l’espacement entre grains adjacents, de l’ordre de 0,1 – 0,2 nm ;

D, D0 : le diamètre instantané et initial des grains respectivement [nm].

Outline

Documents relatifs