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Chapitre 4 : Croissance d’un système à forte réactivité d’interface : Pd/Si

4.4 Influence de la température sur la formation du siliciure d’interface

4.4.4 Influence de la nature de la sous-couche à 250 °C

L’interprétation de l’évolution des contraintes lors de la croissance de films minces de Pd à 250°C sur des substrats de Si cristallins devrait être plus directe dans le sens ou un seul réservoir de Si entre en jeu et aucune évolution de contrainte dans une sous-couche n’est possible. Celle-ci est présentée figure 4.4.7a et accompagnée des diffractogrammes correspondants aux différents films (cf. Fig. 4.4.7b). Forts de nos analyses précédentes, l’évolution non monotone des contraintes observée lors de dépôts de Pd sur c-Si(001) et c- Si(111) peut être attribuée à la compétition entre la croissance d’une couche de Pd2Si cristalline et la cinétique

de diffusion du Si (et/ou du Pd) au travers de la couche de siliciure d’interface pendant que le film de Pd continuerait à croître.

a) b)

Figure 4.4.7 : Evolution de la force en fonction de l’épaisseur pour des films de Pd déposés à 250°C sur différentes sous-couches.

Notre proposition est la suivante : nous pouvons penser qu’au début du dépôt du film de Pd, la formation du Pd2Si à l’interface serait facilitée par la proximité des atomes de Pd et de Si. Après qu’une

certaine épaisseur de Pd2Si ait été formée, la cinétique de diffusion du Si au travers de l’épaisse couche

49 Et aussi la microstructure (taille des grains) qui en résulte.

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d’interface n’est plus suffisante pour former avec le Pd qui arrive de façon continue à la surface du film un film de Pd2Si. Nous aurions alors d’un côté la croissance d’un film de Pd en surface et de l’autre la diffusion

continue du Si au travers de la couche d’interface, puis dans le métal, entraînant une contrainte de compression. Au-delà d’une certaine concentration critique en Si dans la couche de métal, la formation du siliciure serait thermodynamiquement possible et la contrainte basculerait en tension. De nouveau, la

couche d’interface devenant trop épaisse face à la cinétique de diffusion du Si, la concentration en Si repasserait sous la concentration critique nécessaire à la cristallisation du Pd2Si et celle-ci s’arrêterait, avant

de reprendre lorsque la concentration en Si serait suffisante, et ainsi de suite. Ce scénario, bien qu’hypothétique, a le mérite d’expliquer pourquoi la contrainte de tension initiale se poursuit à plus forte épaisseur lors d’un dépôt sur c-Si(111) par rapport à un dépôt sur c-Si(001). En effet, le Pd2Si qui se forme sur

c-Si(111) est parfaitement texturé (0002) et épitaxié (cf. Fig. 4.2.1, Fig. 4.4.7b et résultats de l’équipe d’O.

Thomas), alors que sur c-Si(001) le Pd2Si se forme plus difficilement et est mal texturé (Pd2Si(11-21) et

Pd2Si(0002) principalement) (cf. Fig. 4.2.1. et Fig. 4.4.7b). Ainsi, la diffusion du Si au travers du siliciure

d’interface serait facilitée sur c-Si(111) et permettrait la croissance ininterrompue d’un film homogène de Pd2Si et donc la persistance à plus forte épaisseur du régime de contrainte en tension initial.

Bien sûr, il convient de noter l’insuffisance de ce scénario, en particulier pour les plus fortes épaisseurs déposées (i.e. plus long temps de recuit pour les couches enterrées) : la microstructure du film, en continuelle évolution par réaction à l’état solide, va s’éloigner du modèle en couches supposé ici. De plus, si la diffusion du Si est ralentie, le rôle diffuseur du Pd ne peut plus être omis. Dans cette mesure, nous n’avons pas cherché à expliquer la forme ou l’amplitude des oscillations de contraintes pour différents substrats. Ce scénario apporte indéniablement des clés de compréhension aux faibles épaisseurs de dépôt, et de plus, il inclut la différenciation, lors d’un dépôt sur a-Si, de deux réservoirs de Si pour lesquels le coefficient de diffusion est différent. Mais ce n’est que le premier élément d’une interprétation complète de ces évolutions de contraintes complexes, qui reste encore inaccessible. L’obtention de courbes Rfhf = f(hf) sont à prévoir car

elles pourraient nous aider à y voir plus clair.

4.5 Conclusion et perspectives

La compréhension des mécanismes de croissance d’un système métallique à forte réactivité d’interface tel Pd/Si et des évolutions de contraintes associées, a nécessité la mise en œuvre expérimentale d’une panoplie de diagnostics in-situ (MOSS, résistivité électrique) et de caractérisations structurales et chimiques (DRX, XRR, METHR, STEM-HAADF, EELS) ex-situ. La formation du siliciure Pd2Si en cours de

croissance s’est avérée être très complexe, en particulier lors des dépôts en température. Notre travail s’est concentré principalement à caractériser l’interface Pd sur a-Si, mais il a pu être établi grâce à l’étude sur des bi-couches ou multicouches que l’interface a-Si sur Pd est bien plus réactive. Les principales conclusions que l’on peut tirer de cette étude sont les suivantes :

Sur une couche barrière, telle a-SiOx, la croissance du Pd se produit selon le mode Volmer-Weber, avec une très forte densité d’îlots lors de l’étape de nucléation, à l’origine de la formation de colonnes de faibles dimensions latérales (~ 25 nm). Dans tous les autres cas, sur une sous-couche a-Si (a-Ge) ou sur Si monocristallin, une forte réactivité est observée dans les premiers stades, conduisant à une croissance bidimensionnelle, mais aussi à une forte rugosité.

La formation du siliciure et la qualité cristalline des films de Pd est fortement influencée par la nature (amorphe vs monocristal) et l’orientation cristalline du substrat. De manière surprenante, la plus faible

mosaïcité (2,2°) des films de Pd texturés selon la direction [111] est obtenue sur une sous-couche d’a-Si. La croissance du composé Pd2Si selon une orientation préférentielle (0002) n’a pu être mise en évidence par

DRX que sur c-Si(111). Dans tous les autres cas, aucun pic de diffraction n’a pu être observé, traduisant soit l’existence d’une couche interfaciale de nature amorphe, soit une couche cristallisée sur une très faible épaisseur ou fortement désorientée ?

Sur a-Si, à 25 °C, les mesures MOSS, couplées aux observations METHR et EELS sur des échantillons de Pd de différentes épaisseurs, montrent qu’un siliciure amorphe se forme initialement pour une faible épaisseur déposée (< 2 nm), puis cristallise sous la phase hexagonale Pd2Si pour de plus fortes épaisseurs (9

nm). La formation de ce siliciure d’interface est liée à une consommation d’une partie de la sous-couche d’a- Si, suggérant que l’espèce diffuseur majoritaire est le Si suivant un processus de ségrégation dynamique. Les résultats obtenus en température mettent clairement en évidence que la sous-couche agit en tant que

réservoir pour la diffusion du Si, et que son épaisseur est limitante. Ce phénomène est accompagné du

développement d’une contrainte en tension, qui est attribuée à la contraction de volume mise en jeu lors de la réaction de formation du siliciure par mélange des deux éléments. Un phénomène similaire mais d’amplitude plus marquée est observé au-delà de 200°C lors de recuits sous vide d’une bicouche Pd/a-Si ou d’un film Pd/c-Si(001).

La croissance d’a-Si sur Pd, étudiée dans le cas d’une bicouche ou de multicouches, montre qu’un siliciure Pd2Si se forme également à cette interface mais sur une épaisseur bien plus importante, estimée à 6

– 7 nm d’après les mesures MOSS et les analyses des spectres XRR. Là encore, la réaction est marquée par une contrainte en tension qui se manifeste de façon très significative et brutale au-delà de 163°C par réaction à l’état solide lors d’un recuit sous vide post-dépôt. On observe dans ce cas la formation d’un siliciure orienté selon les plans (11-21). Ainsi, il existe une forte dissymétrie des interfaces Pd/Si et Si/Pd lors de la croissance à 25 °C de multicouches. Quelle que soit la période ou le ratio d’épaisseur, le siliciure qui se forme est systématiquement orienté selon les plans (11-21) et se forme préférentiellement à l’interface a-Si sur Pd. La réaction est maximisée pour la plus faible période, correspondant à un ratio [Pd(2,2 nm)/Si(2 nm)]. Des résultats similaires sont obtenus sur des multicouches Pd/a-Ge. Les multicouches Pd/Si sont caractérisées par une forte rugosité d’interface, celle-ci étant cumulative lorsque l’épaisseur déposée augmente. Le composé Pd2Si peut également se former par codépôt de Pd et Si à 25 °C. Il possède aussi une orientation préférentielle

selon (11-21).

De façon moins univoque, les études MOSS réalisées à plus haute température (250°C) montrent des

évolutions de force non monotones et complexes, qui oscillent entre tension et compression en fonction de

l’épaisseur déposée. Ceci traduit la compétition entre différents mécanismes de génération/relaxation de contrainte, liés à la formation du siliciure, la croissance du métal mais aussi à la diffusion thermiquement activée du Si et/ou du Pd, et l’incorporation de défauts. Dans le cas de la croissance de Pd sur a-Si, une fois le réservoir de la sous-couche consommé, le siliciure peut croître par réaction au niveau de l’interface du substrat monocristallin. Mais il faut également garder à l’esprit que la microstructure du film, en continuelle évolution par réaction à l’état solide, va s’éloigner d’une simple description par un modèle en couches et des diffusions latérales (modèle 3D) seraient à considérer. Un certain nombre de questions restent à l’heure actuelle sans réponses, comme l’orientation préférentielle du siliciure en fonction de l’épaisseur d’a-Si à 250°C, l’impact de la rugosité du film sur la diffusion du Si et sur le développement des contraintes ou l’origine exacte de la brutale contrainte de compression. Pour aller plus loin et confirmer ou infirmer les scenarii proposés, il sera nécessaire de coupler aux mesures MOSS des mesures par DRX et/ou XRR in-situ et en temps réel. Un projet ANR en collaboration avec l’équipe de B. Kraüse a été déposé en ce sens.

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