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Les variations de l’étendue de l’obligation de restitution

b. La réalisation d’un paiement

A. La recherche de l’unité fonctionnelle de l’obligation de restitution

1. Les variations de l’étendue de l’obligation de restitution

84 - Un contenu distinct en fonction du contrat. Suivant la théorie générale des obligations, l’obligation de restitution a une nature duale421. Elle comprend, tout d’abord, l’obligation de livrer la chose en bon état, mais également l’obligation de « livrer la chose dans l’état où elle se trouve au jour fixé pour la

livraison »422. Toutefois, la théorie générale ne permet pas de rendre compte de la

diversité des obligations de restitutions nées des différents contrats spéciaux. Les situations génératrices d’une telle obligation influent sur son étendue. Ainsi, l’obligation de restitution d’un dépositaire et celle de l’emprunteur ont un régime

421 H., L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, T. II, Obligations – Théorie générale, par F. CHABAS, Montchrestien, 1985, n°469 ; Adde S. BERNHEIM-DESVAUX, La responsabilité contractuelle du détenteur d'une chose corporelle appartenant à autrui, préface G. VINEY, PUAM, 2003, n°13, qui considère qu’il ne s’agit que d’une « fausse dualité » en raison de la confusion entre l’obligation de restituer la chose en bon état et l’obligation de conserver la chose, n°15.

422 Art. 1245 C. civ. Cet article est relatif à la livraison d’un corps certain, mais concerne également l’obligation de restitution, en effet, quand une obligation de restitution est issue d’un contrat, il y a bien « livraison ». En ce sens, V. par ex. J. ISSA-SAYEGH, J.-Cl. Civil, art. 1235 à 1248, fasc. n°30, n°8 et s.

différent. Par exemple, le moment de la restitution varie en fonction du contrat. Dans le dépôt, le dépositaire doit, selon le principe de la restitution ad nutum, restituer la chose quand le déposant la réclame423. La règle n’est cependant pas appliquée trop strictement par la jurisprudence. Elle permet, en effet, au dépositaire de ne pas restituer à la première demande, quand il justifie de motifs plausibles pour différer la restitution424. De même, le dépositaire ne peut restituer la chose avant que le déposant ne le lui ait demandé. Dans le prêt à usage au contraire, si aucun terme n’a été convenu, un terme implicite s’impose : le prêteur doit restituer une fois qu’il a terminé d’utiliser la chose425. Ce principe résulte de l’article 1888 du Code civil qui précise que « le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu’après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu’après qu’elle a servi à l’usage pour lequel elle a été

empruntée »426. La différence de régime se comprend ici en raison de la différence

entre l’économie des deux conventions. La première ne confie que la garde de la chose, alors que la seconde en confie également l’usage. Par ailleurs, le débiteur de la restitution dans un contrat de dépôt doit rendre la chose dans « l’état où elle se trouve

au moment de la restitution »427, mais est tenu des moins-values tenant à l’usure

normale. À l’opposé, la règle est différente dans l’hypothèse d’un contrat de bail puisque le locataire doit rendre la chose dans son état d’origine mais n’est pas tenu des moins-values428. Les différents exemples utilisés semblent démontrer qu’il n’y a pas un type d’obligation de restitution identique dans ses modalités d’exécution et dans son contenu, mais des obligations de restitution spéciales qui diffèrent selon le contrat. Le contenu de l’obligation de restitution semble donc dicté par son « fait

423 Art. 1944 C. civ.

424 V. par ex. Cass. civ. 1ère, 9 février 1988, D. 1988, p. 448 note. Ph. DELEBECQUE.

425 Une évolution jurisprudentielle en la matière peut être relevée. Par un arrêt rendu le 19 novembre 1996, (Cass. civ. 1ère, 19 novembre 1996, Bull. civ. I, n°407, CCC 1997, n°11, p. 4, note M.-L. IZORCHE ; D. 1997, p. 145, note A. BÉNABENT), la première Chambre civile a pu juger que « le prêteur à usage ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après que le besoin de l'emprunteur ait cessé ». Par la suite, la Cour de cassation est revenue sur cette décision en décidant, tout d’abord, qu’il revient « au juge de déterminer la durée du prêt » (Cass. civ. 1ère, 12 novembre 1998, Bull. civ. I, n°312 ; JCP 1999, II, 10157, comm. M. AUDIT ; D. 1999, p. 414, note J.-P. LANGLADE), puis que « lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable » (Cass. civ. 1ère, 3 février 2004, Bull. civ. I, n°34 ; D. 2004, p. 903, note C. NOBLOT ; JCP éd. E. 2004, p. 914 ; RTD civ. 2004, p. 312, note P.-Y. GAUTIER). Cette solution a été confirmée par un arrêt de la troisième Chambre civile le 19 janvier 2005 (Cass. civ. 3e, 19 janvier 2005, Bull. civ. III, n°12).

426 Pour une application de la règle V. par ex. Cass. civ. 1ère, 8 décembre 1993, D. 1994, p. 248, note A. BÉNABENT ; Adde, Ph. BIHR, Le temps de la restitution, in Propos sur les obligations et quelques autres thèmes fondamentaux du droit, Mélanges offerts à Jean-Luc AUBERT, Dalloz, 2005, p. 33.

427 Art. 1933 C. civ.

générateur »429, c'est-à-dire dans le cadre d’une restitution normale, par le rapport d’obligations qui l’a fait naître. Il n’y a donc pas de droit commun dictant le contenu de l’obligation de restitution. Comme l’a démontré un auteur, les restitutions normales

« sont […] marquées par la diversité. Il n’y a pas de principe général en la

matière »430. Cette multitude de possibilités quant au contenu se traduit par une

certaine hybridité du régime de l’obligation de restitution.

85 - Le régime discuté de l’obligation de restitution. Lorsque le créancier de l’obligation de restitution cherche à engager la responsabilité de son débiteur en raison des dommages causés à la chose, se pose le problème de sa classification de la restitution entre obligation de moyens ou de résultat431. L’obligation de restitution peut, à première vue, être analysée comme une obligation de moyens. Le droit commun semble reconnaître à l’obligation de restitution un tel caractère. L’article 1245 du Code civil précise, en effet, que la libération du débiteur s’opère par la remise de la chose en l’état « pourvu que les détériorations qui y sont survenues ne viennent

point de son fait ou de sa faute »432. En outre, les divers articles visant les obligations

de restitution issues des contrats spéciaux font référence à la faute. Si celle-ci est toujours constituée par la négligence ou l’imprudence dans la conservation, elle « ne consiste pas en la violation d’une obligation déterminée ou de résultat qui serait

caractérisée par la non-restitution de la chose confiée »433. Cette conception de

l’obligation de restitution comme n’étant qu’une obligation de moyens est, d’ailleurs, confirmée par la jurisprudence434.

Certains auteurs ont, néanmoins, permis de mettre en lumière le fait que l’obligation de restitution bouleverse « les mécanismes attachés à la summa divisio

traditionnelle »435 en la matière. Ils affirment ainsi que la restitution constitue une

429 M. MALAURIE, op. cit., p. 53 et s.

430 M. MALAURIE, op. cit., p. 73.

431 Selon la théorie présentée par R. DEMOGUE, Traité des obligations, T. V, Rousseau et cie, 1928, n°1237.

432Adde, art. 1302 al. 1er C. civ.

433 M.-L. MORANÇAIS-DEMEESTER, La responsabilité des personnes obligées à restitution, RTD civ. 1993, p. 757, n°17.

434 Pour l’obligation de restitution issue d’un dépôt, Cass. civ. 1ère, 24 juin 1981, « le dépositaire est bien tenu d’une obligation de moyens », Bull. civ. I, n°232 ; D. 1982, IR., 363, obs. C. LARROUMET ; RTD civ. 1982, p. 430, obs. Ph. RÉMY ; pour un contrat d’entreprise, Cass. civ. 1ère, 7 février 1978, Bull. civ. I, n°46 ; pour l’obligation de restitution de l’acheteur lors d’une vente avec réserve de propriété, Cass. com. 19 octobre 1982, Bull. civ. IV, n°321 ; RTD civ. 1984, p. 515, obs. J. HUET.

obligation de résultat436. Différents arguments peuvent être relevés afin de corroborer l’analyse. Cette thèse peut notamment s’appuyer sur un argument historique puisque le droit romain considérait la restitution comme une obligation stricte437. De même, l’analogie de l’opération de restitution, simple remise matérielle d’une personne à une autre, avec l’obligation de livraison qui par nature est de résultat438, permet de tendre vers la reconnaissance d’une obligation de résultat. Enfin, il a été démontré que les trois critères doctrinaux permettant de distinguer l’obligation de moyens de l’obligation de résultat, « militent en faveur d’une obligation de restituer de résultat »439. Dès lors, il est possible pour le créancier d’engager la responsabilité de son débiteur sans avoir à démontrer une éventuelle imprudence, négligence ou une défaillance de ce dernier. Le seul fait de ne pas restituer engage sa responsabilité.

L’obligation de restitution semble pouvoir rentrer dans le cadre à la fois de l’obligation de moyens et de l’obligation de résultat. Or une telle conclusion n’est pas satisfaisante, la frontière entre obligation de restituer de moyens et obligation de restituer de résultat doit être fixée. Il convient ainsi d’opérer une distinction entre l’obligation de restituer "pure" et l’obligation de restituer la chose en bon état. Il est notable que l’obligation de restitution semble recouvrir deux réalités distinctes et se divise en une obligation de restituer la chose et une obligation de la restituer en bon état, subordonnée à une obligation de conservation. Par conséquent, « restituer la chose est une obligation de résultat, la restituer en bon état suggère une obligation de

moyens »440. De ce fait, le domaine de l’obligation de restitution de résultat est

restreint aux seules hypothèses dans lesquelles le débiteur refuse de restituer le bien ou le restitue tardivement. À l’exclusion de ces deux hypothèses, c’est de l’obligation de conservation qu’il s’agit. La subordination de la restitution à la conservation ne dénote, en réalité, qu’une confusion entre ces deux obligations.

436 M.-L. MORANÇAIS-DEMEESTER, préc., n°23 et s ; S. BERNHEIM-DESVAUX, La responsabilité contractuelle du détenteur d'une chose corporelle appartenant à autrui, op. cit., n°28 et s.

437 H. MAZEAUD, Essai de classification des obligations, RTD civ. 1936, p. 1, spéc. n°29, l’auteur ne raisonne cependant pas sur la distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat, mais sur celle fondée sur l’obligation générale de prudence et de diligence et l’obligation déterminée.

438 V. par ex. Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, op. cit., n°3225.

439 S. BERNHEIM-DESVAUX, op. cit., n°30, l’auteur démontre en effet que « l’absence d’aléa repose notamment sur l’idée que la rigueur d’une obligation de résultat ne peut être envisagée que si, a priori, l’exécution de l’obligation est possible. Le défaut de participation de la victime à l’opération et, par conséquent, l’absence de liberté est favorable à l’admission d’une obligation de résultat. Le caractère déterminé de la prestation promise par le restituant œuvre également dans le sens d’une obligation de résultat. Enfin, le fait de ne pas représenter la chose confiée est tellement contraire au but du contrat que l’obligation de restitution doit être rigoureuse ».

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