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L’apport de l’obligation de retirement

marchandises qu’il a achetées. Il est nécessaire que les rapports juridiques nés du contrat se

A. L’explication du principe du transfert des risques en contemplation de l’obligation de retirement

2. L’apport de l’obligation de retirement

139 - Les critiques adressées au principe. Une partie de la doctrine préconise de lier la charge des risques à la maîtrise de la chose et non au transfert du droit745. Certains considèrent même que dans le cadre d’un contrat de vente à distance passé entre un professionnel et un consommateur, les risques du transport

risques de la chose vendue restent à la charge du vendeur, toujours propriétaire en application de ladite clause ».

742 En ce sens V. A. SÉRIAUX, Res perit domino, préc., p. 400, l’auteur estime toutefois que le vendeur se réserve l’abusus. Cette interprétation ne suscite cependant pas une totale adhésion, la clause de réserve de propriété n’a pas pour objectif de remplacer la vente par un démembrement de la propriété. Par ailleurs, il n’apparaît pas exact d’affirmer que l’acheteur est privé de l’abusus, celui-ci pouvant revendre le bien ; Rappr. M. CABRILLAC, D. 1986, p. 248 ; P. CROCQ, Propriété et garantie, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, t. 248, 1995, préface M. GOBERT, n°270 et 248 ; Ph. THÉRY, Sûreté et publicité foncière, op. cit., n°334.

743 A. SÉRIAUX, Res perit domino, préc., p. 400. Il serait malgré tout possible de comprendre le raisonnement mené par la jurisprudence s’il devait être considéré que les risques suivaient non le droit mais le pouvoir sur la chose, l’acheteur, non encore propriétaire, serait tenu de la disparition fortuite de la chose. Il demeurerait débiteur du paiement du prix, alors même qu’il ne pourrait plus jamais prétendre à devenir propriétaire du bien disparu.

744 V. par ex. Cass. com. 6 juillet 1993, Bull. civ. IV, n°282; CA Versailles 18 mai 1995, n° jurisdata 1995-044817, « il est permis au vendeur, nonobstant une clause de réserve de propriété, de stipuler que les risques des biens vendus incomberont à l’acheteur jusqu’au paiement du prix ».

745 En ce sens, V. J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ, Droit de la consommation, Dalloz, coll. précis Dalloz, 5e éd., 2000, n°106 ; R. JUAN-BONHOMME, Le transfert des risques dans la vente de meubles corporels, thèse Montpellier, 1978 ; du même auteur, La dissociation des risques et de la propriété, in Études de droit de la consommation, Liber amicorum Jean Calais-Auloy, Dalloz, 2004, p. 70 et s.

devraient peser sur le vendeur746. Cette situation peut se comprendre puisque c’est généralement ce dernier qui choisit et traite avec le transporteur. Prolongeant l’analyse, ces auteurs estiment qu’ « il faudrait (…) considérer comme abusive la

clause mettant les risques du transport sur la tête de l’acheteur »747. Ces critiques

sont corroborées par les dispositions de la Convention de Vienne sur la Vente Internationale de Marchandises, qui, ne prenant pas partie sur le transfert de propriété, dissocie la mutation du droit de celle des risques. Elle prévoit ainsi qu’en principe les risques sont transférés au « moment de la livraison »748. L’article 67 1° dispose, en effet, que « lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises et que le vendeur n'est pas tenu de les remettre en un lieu déterminé, les risques sont transférés à l'acheteur à partir de la remise des marchandises au

premier transporteur pour transmission à l'acheteur conformément au contrat de

vente ». Si, au contraire, le contrat ne prévoit pas de transport des biens vendus,

l’article 69 pose le principe selon lequel « les risques sont transférés à l'acheteur lorsqu'il retire les marchandises ou, s'il ne le fait pas en temps voulu, à partir du moment où les marchandises sont mises à sa disposition et où il commet une

contravention au contrat en n'en prenant pas livraison ». Les risques sont ici liés non à

la propriété mais à l’acquisition du pouvoir matériel sur le bien749. L’idée sous-jacente à une telle conception est de faire peser la charge des risques sur le contractant « le mieux placé pour prévenir les sinistres, et, en cas de réalisation de ceux-ci, de les constater et de prendre les mesures conservatoires destinées à en limiter les

conséquences dommageables »750. La théorie proposée, essentiellement par la

746 Une lecture particulière de la directive du 25 mai 1999, transposée par la loi du 17 février 2005 pourrait suggérer de retarder le transfert des risques au moment de la délivrance dans les ventes conclues entre un professionnel et un consommateur. Selon le texte, le bien vendu doit être conforme au contrat et à son usage normal. Si le bien est détérioré, lors de la délivrance, il ne peut manifestement pas être conforme au contrat. Dans cette situation, il serait possible de considérer que « la délivrance opère le transfert des risques », J. CALAIS-AULOY, De la garantie des vices cachés à la garantie de conformité, in Mélanges Christian Mouly, T. 2, Litec, 1998, p. 62 ; Adde, R. BONHOMME, La dissociation des risques et de la propriété, préc., spéc. n°13 et s. Toutefois, comme le note un auteur, « reste que la délivrance ne correspond pas à la livraison et que cette subtile distinction risque de réserver des surprises au consommateur non averti », P. PUIG, Contrats spéciaux, op. cit., n°354 ; Rappr. la proposition de directive du parlement européen et du conseil relative aux droits des consommateurs du 8 octobre 2008, COM 2008 614, art. 23 §1 « le risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur lorsque ce dernier, ou un tiers autre que le transporteur désigné par le consommateur, prend matériellement possession de ces biens ».

747 J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ, op. cit., n°106.

748 R. BONHOMME, La dissociation des risques et de la propriété, préc., n°7.

749 Telle est d’ailleurs la solution retenue par le DCFR à l’article IV. A. – 5:102, 1) qui dispose que « the risk passes when the buyer takes over the goods or the documents representing them ».

750 V. HEUZÉ, La vente internationale de marchandises, Droit uniforme, op. cit., n°373. L’auteur estime que la CVIM fait dépendre le transfert des risques du transfert de la possession. L’emploi

doctrine consumériste, peut toutefois être nuancée au regard de certains arrêts de la Cour de cassation. Celle-ci considère, en effet, que dans l’hypothèse où le bien vient à périr lors du transport, et que l’acheteur soulève l’exception d’inexécution à l’encontre du vendeur, que c’est à ce dernier « de prouver (…) le cas fortuit qu’il allègue »751. De même, envisagé non quant au droit transféré mais à la lumière de la chose objet du contrat, le principe faisant peser les risques sur l’acheteur et non sur le vendeur s’éclaire.

140 - L’éventualité du rapport entre retirement et charge des risques.

Une partie de la doctrine tente d’expliquer le mécanisme du transfert des risques non en contemplation du transfert de propriété mais quant à la qualité d’acheteur et donc de créancier de l’obligation de délivrance. Ainsi, certains auteurs proposent une lecture alternative de l’article 1138 du Code civil. Cet article étant relatif à l’obligation de livrer, il imposerait la charge des risques à son créancier, « la règle serait donc non

plus res perit domino, mais res perit creditori »752. La dérogation au droit commun

serait ainsi parfaitement marquée. Il est, en effet, traditionnellement admis que dans un contrat synallagmatique, c’est au débiteur qu’incombe la charge des risques753.

Il est toutefois envisageable de formuler la proposition autrement. L’acheteur est non seulement créancier de l’obligation de délivrance, mais il est également débiteur de l’obligation de retirement. L’obligation de délivrance ne consistant qu’en la mise à disposition de la chose754, l’acheteur doit venir en prendre livraison. Dans ces conditions, il semble plus aisé de comprendre pourquoi c’est à l’acheteur de supporter les risques de la chose. Ce dernier est tenu quant à la chose, il doit venir la retirer, le vendeur doit, pour sa part, simplement s’en dessaisir, « s’abstenir de la retenir »755. Il est donc possible d’affirmer que c’est en qualité de débiteur de l’obligation de

du terme possession n’apparaît toutefois pas très heureux puisqu’il est possible de considérer que la possession est transférée simultanément au droit de propriété.

751 Cass. civ. 25 avril 1895, DP 1895, 1, 212 ; Adde, A. SÉRIAUX, Res perit domino, préc., spéc. p. 398, « voilà qui met à mal certaines critiques consuméristes de la règle res perit domino. Voilà qui rend aussi sans objet l’argument selon lequel seul le vendeur devrait assumer les risques du voyage car lui seul est à même de les évaluer. Quel commerçant avisé, sachant qu’il doit, pour être payé, prouver qu’un cas fortuit a empêché le transporteur d’acheminer la marchandise, ne prendra pas toutes les précautions requises dans le choix du voiturier ».

752 Ph. SIMLER, J.-Cl. Civil Code, Art. 1136 à 1145, fasc. 10, Contrats et obligations, Classification des obligations, Distinction des obligations de donner, de faire et de ne pas faire, n°61 ; Rappr. F. GORÉ, Le moment du transfert de propriété dans les ventes à livrer, RTD civ. 1947, p.162 et du même auteur, Le transfert de la propriété dans les ventes de choses de genre, D. 1954, chron. 31 ; J. HEENEN, Le transfert de propriété et le transfert des risques dans la vente de chose de genre, Revue de droit international et de droit comparé 1954, n° spécial, p. 109.

753 Art. 1302 C. civ.

754 V. Supra n° 109 et s.

retirement que l’acheteur se voit confier la charge des risques : « l’acheteur doit

supporter la perte de la chose, non parce qu’il est propriétaire (res perit domino) mais

parce qu’il lui appartient d’acheminer la chose jusqu’à lui (res perit debitori) »756. Une

fois l’obligation de délivrance exécutée, le vendeur n’est plus, contrairement à l’acheteur, tenu envers la chose, il n’a donc pas à en supporter les risques757. L’inertie de l’acheteur et « sa négligence justifient que les risques pèsent à partir de ce

moment sur ses épaules »758. Si l’acheteur n’exécute pas son obligation de retirement,

le vendeur ne doit pas pouvoir être tenu du risque. Envisagé en contemplation de l’obligation de prendre livraison et non du transfert de propriété le mécanisme du transfert des risques se justifie pleinement. Dès lors, le principe du transfert des risques à l’acheteur n’apparaît plus dérogatoire au droit commun. Cette proposition permet d’expliquer l’interversion de la charge lorsque le vendeur n’exécute pas son obligation de délivrance : en effet, lorsqu’il n’a pas délivré et que l’acheteur le met en demeure d’exécuter cette obligation, les risques restent à sa charge. Cette dernière situation marque bien la distinction qu’il convient d’opérer entre transfert des risques et transfert de propriété. Dès lors, comme le note un auteur, « la vraie base (…) de cette théorie des risques, c’est l’ancienne maxime, que le texte formel d’un autre

article du Code (1302), a, en effet, consacrée : debitor rei certae interitu fortuito rei

liberatur »759. Le lien opéré entre la qualité de débiteur de l’obligation de retirement et les risques ne bouleverse pas fondamentalement sa situation puisque, dans le cadre d’une vente "classique", il reste tenu des risques de la chose. En ce sens, la conception moderne du transfert des risques se rapproche du modèle romain qui tenait l’acheteur pour responsable de la perte fortuite alors même qu’il n’était pas encore propriétaire. La solution proposant de charger des risques celui qui est tenu à l’égard de la chose, permettrait de résoudre la difficulté issue de la réserve de propriété sans avoir recours à une clause particulière : dans cette situation, ce serait l’acheteur qui serait tenu des risques. La proposition semble d’ailleurs mieux adaptée au mécanisme de la clause de réserve de propriété, désormais envisagée non comme

756Ibid.

757 Certains arrêts semblent consacrer une telle conception en liant la charge du risque et l’exigibilité de l’obligation de retirement, V. par ex. CA Nîmes 17 mai 1984, n° jurisdata 1984-764539, « la vente étant parfaite, le vendeur a rempli son obligation de délivrance, le lot de noyers préalablement tronçonné, puis entreposé à la vue de quiconque dans le pré, appartenant à un tiers, est passé en la puissance et possession de l’acheteur qui dès cet instant assumait tout risque de vol ou de dégradation » ; V. également, CA Montpellier, 27 octobre 1988, n° jurisdata 1988-034387.

758 F. DANOS, Propriété, possession, opposabilité, op. cit., n°365.

759 C. DEMOLOMBE, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, T. I , Paris, Pedone-Lauriel et Hachette, 1877, n°424.

une simple stipulation contractuelle mais comme une redoutable garantie pour le vendeur760.

L’obligation de retirement prend ainsi une dimension toute particulière en matière de vente d’effets mobiliers, puisque c’est en contemplation de cette obligation que l’attribution de la charge des risques à l’acheteur prend corps. Ces raisonnements peuvent être également appliqués en matière immobilière, l’acheteur étant alors tenu non de l’obligation spécifique de retirement mais de prendre livraison. Au-delà, cette nécessaire activité de l’accipiens dans le processus lui permettant d’acquérir matériellement la chose objet du contrat, se révèle indispensable dans l’obtention du pouvoir sur la chose. L’obligation du vendeur ne consistant que dans le fait de se dessaisir de la chose, une action quant à la chose est indispensable afin de compléter cette mutation.

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