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Les difficultés issues du principe res perit domino

marchandises qu’il a achetées. Il est nécessaire que les rapports juridiques nés du contrat se

A. L’explication du principe du transfert des risques en contemplation de l’obligation de retirement

1. Les difficultés issues du principe res perit domino

137 - Les errances du principe. L’adage res perit domino – les risques sont à la charge du propriétaire – a pour source une constitution de DIOCLÉTIEN et MAXIMIEN, en matière de gage, dans laquelle la question était de savoir qui du créancier gagiste ou du débiteur resté propriétaire de la chose était tenu des risques

728 C. DEMOLOMBE, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, T. I, op. cit., n°426.

729 Cette règle se déduit des articles 1722 et 1790 en matière de bail et de contrat d’entreprise qui prévoient que le créancier de l’obligation qui n’est plus en mesure d’être exécutée est libéré. Sur l’origine de cette règle V. F. MILLET, La notion de risque et ses fonctions en droit privé, préface A. BÉNABENT et A. LYON-CAEN, Presses universitaires de la faculté de Droit de Clermont-Ferrand, LGDJ, 2001, n°24 et s.

de la chose730. Toutefois, comme le note un auteur, cette règle ne prévalait pas dans l’ensemble des domaines en droit romain, elle « n’était applicable que lorsqu’on opposait le propriétaire à ceux qui ont la garde ou l’usage de la chose, (…) ; mais la

règle était fausse lorsqu’on opposait le propriétaire débiteur au créancier ; la chose

périssait pour le créancier plutôt que pour le propriétaire qui en était libéré »731. Dans

le cadre d’une vente, il semble donc que les romains dissociaient le transfert de propriété et des risques afin de mettre les risques de la chose à l’acheteur, non encore propriétaire de celle-ci732. Aussi, est-il piquant de noter que la consécration de l’adage

res perit domino par les codificateurs permet de retenir une justification inverse de

celle qui prévalait en droit romain. Si la finalité est identique – faire peser les risques sur l’acheteur – la justification est inversée : à Rome l’acquéreur pouvait être tenu des risques car il était acheteur, alors que sous l’empire du Code civil, il est tenu des risques car il est propriétaire dès la conclusion du contrat.

L’aliéna second de l’article 1138 du Code civil, lie le transfert de la propriété et des risques733. Si, en raison de la formulation si critiquée de cet article734, « le

message n’est pas des plus clairs »735, la majorité de la doctrine736 retient ce principe.

Dans une vente ordinaire, l’acheteur étant propriétaire dès la conclusion du contrat, il est tenu des risques dès ce moment, alors même que la chose ne lui a pas encore été transférée matériellement. Les conséquences de ce principe peuvent parfois paraître

730 L. 9, C. De pignor. Act., cité par R.-T. TROPLONG, Le droit civil expliqué, De la vente, T. I,

op. cit., n°358.

731Ibid., Rappr. R.-J. POTHIER, Traité du contrat de vente, op. cit., n°308.

732 Puisque la tradition n’avait pas encore été réalisée. Instit. L. III, T. XXIV, De empt. et vend.,

III, « Cùm auteum emptio et venditio contracta sit (…) periculum rei venditae statim ad emptorem pertinet, tametsi adhuc ea res emptori tradita non sit » : « La vente étant une fois contractée (…), la chose est aux risques et périls de l’acheteur, quoiqu’elle ne lui ait pas encore été livrée » ; Adde, Dig. 47, 2, 14, « periculum est emptoris » ; Contra, H. GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, 1625, trad. P. Pradier-Fodéré, Guillaumin et Cie, 1867, réimpr. Leviathan, Puf, 1999, L. II, Ch. XII, XV, p. 340, « il a plu à la plupart des fondateurs de législations que, jusqu’à la tradition, la chose demeurât au profit et aux risques du vendeur ».

733 L’article 1624 du Code civil renvoie, quant à la charge des risques dans la vente, aux dispositions du droit commun du contrat. L’article L.132-7 du Code de commerce prévoit un principe équivalent : « la marchandise sortie du magasin du vendeur ou de l'expéditeur voyage, s'il n'y a convention contraire, aux risques et périls de celui à qui elle appartient, sauf son recours contre le commissionnaire et le voiturier chargés du transport » ; L’avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription en son article 1152 al. 4, l’avant-projet de réforme du droit des contrats à l’article 112 al. 4, et le « Projet Terré », op. cit., à l’article 93 al. 2, maintiennent ce principe.

734 V. Supra n° 23 et s.

735 A. SÉRIAUX, Res perit domino, in Études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux, Mélanges en l’honneur d’Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 390.

736 V. par ex., A. BÉNABENT, Droit civil, les contrats spéciaux, op. cit., n°137 ; F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cit., n°202 ; J. HUET, Les principaux contrats spéciaux, op. cit., n°11215 ; Ph. MALAURIE, L. AYNÈS et P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, op. cit., n°253.

drastiques. Ainsi, si la chose se perd ou périt lors de son transport, l’acheteur demeure débiteur du prix de la vente737. L’équilibre du contrat synallagmatique peut ainsi paraître rompu ; en considérant que l’obligation de délivrance et celle de payer le prix se servent mutuellement de cause, le transfert des risques dès le transfert de propriété conduit en cas de perte de la chose, à décharger le vendeur de la délivrance mais à maintenir l’obligation de payer le prix. Néanmoins, ce déséquilibre s’estompe en considérant que la cause de l’obligation de paiement n’est pas l’obligation de délivrance mais l’obligation de transférer la propriété738. L’acheteur peut ainsi être débiteur du prix d’un bien dont il ne disposera jamais matériellement ; cette apparente iniquité du rapport est à l’origine de certaines atténuations dans l’application de cet adage.

138 - L’atténuation du principe. L’application de l’adage res perit domino

semble parfois difficilement tenable et a pu être contournée par la jurisprudence notamment en matière de vente en l’état futur d’achèvement. Selon l’article 1601-3 du Code civil, dans ce type de vente, les droits sur le sol et la propriété des constructions existantes sont transférés immédiatement à l’acheteur et « les ouvrages

à venirdeviennent la propriété de leur acquéreur au fur et à mesure de leur

exécution ». L’exacte application de la théorie des risques en matière de vente devrait

conduire à un transfert des risques suivant celui de la propriété, et donc également au fur et à mesure. Toutefois, un arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 11 octobre 2000739, s’attachant non véritablement à l’obligation de transférer la propriété mais à l’obligation de construire, a pu privilégier l’application de la règle res perit debitori. Le constructeur restant, pendant la durée des travaux, tenu des risques de la chose740. Par ailleurs, il peut être reproché à la théorie des risques de la chose de mal s’accommoder avec la vente lorsque celle-ci contient une clause de réserve de propriété. La propriété réservée n’est, en effet, pas considérée par la jurisprudence comme un obstacle à l’application de l’adage res perit domino741. Le

737 V. par ex. Cass. civ. 1ère, 19 novembre 1991, Bull. civ. I, n°325 ; Cass. civ. 1ère, 10 octobre 1995, Bull. civ. I, n°361 ; D. 1995, IR, 246.

738 En ce sens, F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cit., n°202 ; A. SÉRIAUX, Droit des obligations, 2e éd., 1998, n°198, du même auteur nuançant toutefois son propos, V., Res perit domino, préc., p. 397, note 34. L’affirmation est néanmoins critiquable, l’existence de l’obligation de donner étant plus que douteuse, V. Infra, n°247 et s.

739 Cass. civ. 3e, Bull. civ. III, n°163 ; JCP 2001, II, 10465 note Ph. MALINVAUD ; Gaz. Pal. 2001, n°77, p. 29, note M. PEISSE ; Defrénois 2001, p. 878, note H. PERINET-MARQUET.

740 En l’espèce, un décret avait classé monument historique le terrain sur lequel devait s’établir la construction et avait, par là même, rendu la poursuite des travaux impossible.

741 V. par ex. Cass. com. 20 novembre 1979, Bull. civ. IV, n°300 ; Cass. com. 11 juin 1985, Bull. civ. IV, n° 190, en matière de cession de parts : « c'est à bon droit qu'une cour d'appel décide que la cession de parts sociales comportant une clause de réserve de propriété, les

vendeur sous réserve de propriété, resté propriétaire de la chose jusqu’au complet paiement du prix, demeure également tenu des risques de la chose. Cette solution ne semble pas totalement adaptée à l’objectif de la clause de réserve de propriété. Celle-ci apparaît non pas comme une clause contractuelle anodine mais bien plus comme une véritable garantie. En stipulant une telle clause, le vendeur a pour objectif de se réserver la faculté de revendiquer la chose en cas de défaillance de l’acheteur mais non les utilités économiques742. Le vendeur ne disposant plus du bien, il semble que

« l’adage res perit domino se concilie fort mal avec une propriété réduite à sa seule

fonction de garantie »743. La pratique règle toutefois le problème en assortissant la

clause de réserve de propriété d’une clause de transfert immédiat des risques de la chose744. Critiquée et parfois même contournée, la règle traditionnelle du transfert des risques semblent pouvoir être réaménagée, non pas en contemplation du droit transféré, mais plutôt de l’obligation de retirement.

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