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La littérature de jeunesse : Définition et histoire

La littérature de jeunesse et le conte

3.1. La littérature de jeunesse : Définition et histoire

On considère que la littérature de jeunesse émerge à partir du XIXème siècle mais c‟est au XXème siècle qu‟elle a pris une grande importance32. La littérature de jeunesse est régie par des lois différentes des autres éditions d‟ouvrages, et elle est bien issue d‟une histoire spécifique. Nous retenons les dates pertinentes qui ont marqué son histoire à partir du XVIIème siècle et cet aperçu historique montrera l'enracinement des contes dans l'histoire moderne de la littérature de jeunesse.

Les premiers ouvrages écrits pour la jeunesse, à l‟exemple des contes de Charles PERRAULT n‟étaient pas vraiment destinés aux jeunes : ils s‟adressaient aux adultes autant qu‟aux enfants. Le premier ouvrage destiné aux enfants « Les aventures de

Télémaque » de FÉNELON est publié en 1699. C‟est avec Jeanne Marie LEPRINCE de

32 La littérature d'enfance et de jeunesse est le secteur de l'édition spécialisé dans les publications destinées à la jeunesse (enfants et adolescents). En France, la loi qui régit les publications pour la jeunesse est la loi pour la jeunesse du 16 juillet 1949 modifiée par l'article 14 de l'ordonnance du 23 décembre 1958 et par la loi du 4 janvier 1967.

Beaumont qu‟apparaissent les premiers contes spécifiquement destinés à la jeunesse. Sous le titre de Magasin, elle fait publier des traités d'éducation à l'usage des enfants, des adolescents et des dames. Elle doit surtout sa célébrité à son conte « La Belle et la Bête » qu'elle publia dans le Magasin des enfants en 1757. C‟est à cette époque que le public adulte s‟intéresse également à Robinson Crusoé (1719) et Gulliver (1721).

En 1843, Jules HETZEL publie le Nouveau magasin des enfants. De retour d‟exil en 1859, il se consacre de nouveau à la publication et l‟édition d‟œuvres comme La Guerre

et la Paix de PROUDHON en 1861. À partir de 1864, HETZEL réalise son vieux rêve de fonder une bibliothèque enfantine et lance son Magasin d'éducation et de récréation,

destiné à la lecture en famille et pour lequel il se fait une joie de reprendre sa plume d‟écrivain. Son projet vise à faire collaborer les savants, écrivains et illustrateurs dans un projet d‟interdisciplinarité innovant où se réconcilient science et fiction, et où l‟imagination est mise au service de la pédagogie. Ambition difficile à tenir dans une ambiance où règne le positivisme, mais la rencontre de HETZEL avec Jules VERNE lui permet de réussir à imposer ce nouveau genre33.

Au XIXème siècle sont apparues les librairies d‟éducation et on voit la naissance de la maison d‟édition Hachette : Louis HACHETTE qui était spécialiste dans les manuels scolaires, investit l‟édition de loisir à partir de 1850. Dans cette époque de voyages, il eut l‟idée d‟implanter des kiosques dans les gares. À partir de 1853 il vendra sept collections destinées aux voyageurs dont une seule, à couverture rose, durera34 avec des auteurs tels que la comtesse de Ségur ou Zénaïde FLEURIOT. C‟est cette collection à couverture rose qui aura par la suite le nom de la « bibliothèque rose » et qui, depuis, est rénovée constamment et continue à connaître le succès.

La multiplication des titres et des éditeurs commence en 1870, à l‟époque des romans réussis d‟Hector MALOT (Sans famille, Erckmann-Chatrian) qui connut le succès avec

33 http://www.universalis.fr/encyclopedie/jules-verne/2-anticipation-et-prospective/

34 La Bibliothèque rose est une collection de livres pour jeunes enfants, éditée par Hachette. La collection est créée par Louis Hachette en 1856 après un voyage en train en compagnie de Napoléon III et du comte de Ségur. L'idée germe lorsque ce dernier lui parle des histoires que sa femme invente pour ses propres enfants. Ainsi, le premier ouvrage publié par la collection (qui n'acquiert sa couleur rose que quatre ans plus tard) est signé par la comtesse de Ségur, Nouveaux contes de fées. La collection prospéra sur la Compagnie des chemins de fer de l'Est. Les livres les plus célèbres de cette série sont ceux écrits par Enid BLYTON (Le

Club des Cinq, Oui-Oui, etc.). On compte également la série de Fantômette (créée en 1960 par Georges

Paul FÉVAL35 mais l‟expansion est brève et aboutit à un déclin mal expliqué jusqu‟en 1914. On accuse tantôt la rivalité des manuels attractifs comme « Le Tour de la France

par deux enfants » qui parut en 1877, tantôt les facteurs économiques sachant que dans la

même période, les éditions pour adultes n‟ont pas connu la même crise.

3.2. Littérature de jeunesse et conte

La littérature de jeunesse doit ses vertus à sa diversité et à sa richesse. Elle passionne tout type de jeunes lecteurs36parce qu‟elle regroupe l‟ensemble de différents livres qui répondent à tous les goûts. De nos jours, les choix des livres sont très vastes et les auteurs cherchent beaucoup plus à satisfaire toute tendance et toute innovation surtout avec le passage effervescent du livre au cinéma ou l‟inverse.

Si la présence des livres « pour enfants » dans le paysage culturel français est ancienne, l‟évolution considérable de la littérature « de jeunesse », son explosion éditoriale à partir des années cinquante37 après la fin de la deuxième guerre mondiale, puis son entrée quarante ans après dans les programmes scolaires de collège en France en 199538 incitent à la réflexion, ne serait-ce que pour tenter de saisir ce déplacement de la sphère privée à la sphère scolaire.

Le désir d‟inculquer aux enfants des valeurs morales, de les « édifier » c‟est-à-dire littéralement de les construire et de les « élever » est évidemment très ancien qui date de l‟époque de Socrate, Platon et d‟Aristote et même avant, comme en témoignent les traces des activités des pédagogues antiques (par exemple le Gargantua de RABELAIS qui date de 1535 en fait un bel aperçu) ; au XVIIème siècle, le Télémaque de FÉNELON et les

35

Paul FÉVAL est l‟un des grands romanciers populaires du XIXème siècle. Il s‟est illustré dans la plupart des genres à succès de l‟époque : roman de cape et d‟épée (Le Bossu, Le Capitaine fantôme), mystère urbain (avec son adaptation des Mystères de Londres de Reynolds), récits bretons (en particulier dans ses derniers livres, comme La Belle étoile ou La Première aventure de Corentin Quimper) ou le récit fantastique (La

Vampire ou Le Chevalier Ténèbre). Aux côtés d‟Alexandre DUMAS et d‟Eugène SUE, Paul FÉVAL est

l‟un des maîtres du roman feuilleton de la première génération.

36A l‟exception d‟une rare catégorie de jeunes qui sont « anti-lecture », la plupart des jeunes lisent selon des statistiques récentes effectuées en France à l‟occasion des salons du livre dans plusieurs villes françaises, et l‟on est sûr qu‟il faut juste trouver ce qui intéresse chaque lecteur pour le faire lire.

37Dans les années cinquante, la France était en train de se rétablir après les conséquences désastreuses de la Seconde Guerre Mondiale. En 1953, le Livre de Poche, pionnier du format poche en France, détenu à 60% par Hachette Livre, a permis de démocratiser la lecture. L‟ambition de son fondateur fut de constituer une collection de livres au petit format, à prix réduit, ouverte à tous les domaines et à tous les genres : des grands classiques aux best-sellers contemporains, des livres pratiques et des dictionnaires aux essais et ouvrages de référence. Cette diversité est aujourd‟hui encore l‟une de ses principales caractéristiques et l‟un de ses atouts les plus forts. Avec plus d‟un milliard d‟exemplaires vendus depuis sa création, Le Livre de Poche est la première collection de poche de grande diffusion en France.

Fables de LA FONTAINE sont destinés à l‟éducation et à l‟édification profonde du jeune

Dauphin et comportent une très grande somme de leçons morales.

Ainsi, deux axes très importants dans les enseignements se croisent à ce point: édifier et divertir en même temps. On ne peut édifier sans séduire et les contes en général (parmi lesquels il y a les contes de fées), même s‟ils ne sont pas toujours destinés aux enfants, permettent, par leur « morale » d‟avertir et d‟instruire. La littérature de jeunesse n'est pas exclusivement synonyme de contes, mais les contes en font une bonne partie. Nous nous limitons aux contes dans cette recherche parce que nous nous intéressons à ce genre spécifique connu dans le monde entier, et surtout très célèbre au Moyen-Orient. Il est en effet le genre littéraire le plus répandu au Liban et celui qui occupe la plus grande importance dans les maisons d‟édition libanaises.

Marc SORIANO, universitaire, et spécialiste des contes de PERRAULT, dans son Guide

de littérature pour la jeunesse propose la définition suivante de la littérature de jeunesse:

« La littérature de jeunesse est une communication historique (autrement dit localisée dans le temps et dans l‟espace) entre un scripteur adulte et un destinataire enfant (récepteur) qui, par définition en quelque sorte, au cours de la période considérée, ne dispose que de façon partielle de l‟expérience du réel et des structures linguistiques, intellectuelles, affectives et autres qui caractérisent l‟âge adulte. » (1975 : 185 )

Nous remarquons dans cette définition la notion de vocation pédagogique de la littérature de jeunesse, ce qui justifie l'intérêt de nos jours porté à cette littérature et aux contes. Jean PERROT (universitaire spécialiste de la littérature de jeunesse), lui, lors de son intervention dans un colloque39 (en 1993) affirme que « la seule définition réaliste d’un livre d’enfant, aussi absurde que cela semble, est la suivante : c’est un livre qui apparaît dans le catalogue d’un éditeur pour la jeunesse.»

Pour Nicole SCHNEEGANS, raconter une histoire fait partie du pacte passé avec le jeune lecteur, comme étant une loi à respecter dans la littérature de jeunesse :

« Écrire pour les enfants ou écrire pour ses pairs, ce n'est pas tout à fait la même chose. Comment pourrai-je évacuer, dans le premier cas, la spécificité d'un destinataire qui associe à une prodigieuse capacité imaginaire et affective un champ de références culturelles réduit? » (1984 : 44).

39 PERROT, J. (dir.), La Littérature de jeunesse au croisement des cultures [Texte imprimé] / CRDP d'Île-de-France, Académie de Créteil ; ouvrage coordonné par Jean PERROT et Pierre BRUNO / [Le Perreux] : CRDP de l'Académie de Créteil, 1993.

Le désir de plaire aux enfants en « racontant une histoire » est à relier aux « ancêtres » de la littérature de jeunesse que sont le conte, la fable et les documentaires :

1. Le conte qui, au début, n'était pas spécialement destiné aux enfants, a fini par être reçu comme le type même de texte s'adressant particulièrement à la jeunesse ; ainsi, on appelle souvent « conte », aujourd'hui, n'importe quel texte pour enfants. Or le conte, oral à l‟origine, « raconte une histoire ».

2. La fable, destinée à instruire et à moraliser adultes et enfants, « raconte une histoire » aussi, en prose ou en vers.

3. Les documentaires pour la jeunesse, non fictifs et qui ont fini par se narrativiser et dont un grand nombre d'entre eux aujourd'hui raconte une histoire, même si les faits pris en compte sont réels.