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L’expression orale facilitée par le conte : du récit à l’illustration et retour

Le Petit Chaperon Rouge : des variations à l’exploitation pédagogique

6.2. Au service de l’oral

6.2.2. L’expression orale facilitée par le conte : du récit à l’illustration et retour

Nous l'avons dit, c‟est dans la classe de langue qu‟on peut retrouver et redonner au conte cette dimension qui lui vient de sa naissance dans les traditions orales.

Le conte ne se restreint pas à un travail oral très modeste qui se limite à des questions/réponses sur l‟histoire de n‟importe quel personnage. On en part parfois pour passer au domaine de l‟écrit. Il peut être le point de départ des séquences pédagogiques variées.

Par exemple, le conte du Petit Chaperon Rouge pourra donner lieu à des activités orales très classiques de l‟ordre de : « résumer le conte », « faire le portrait du Petit Chaperon

« inventer une suite à la version de PERRAULT » qui pourrait se prolonger et ne se terminerait plus nécessairement sur la mort de la fillette. Ou bien, un récit peut être inventé pour succéder à l‟acte du loup et l‟on trouverait une suite imaginaire au conte. Ce sont certes des activités élémentaires qui nécessitent la mobilisation des structures verbales minimales dans les discours oraux des apprenants, et qui peuvent se complexifier davantage. Mais, il est clair que c'est la dramatisation du récit qui permettra d'exploiter réellement les richesses et les potentialités de ce support.

Cependant, toute activité d‟expression orale devrait, de préférence, être précédée par des activités de compréhension ou d‟imprégnation à l‟oral et à l‟écoute : faire écouter aux apprenants un conte audio enregistré pourrait les sensibiliser aux spécificités de la narration et des choix narratifs. Il leur permet de repérer les caractéristiques intonatives ainsi que les différents éléments de l‟oralité : les pauses, les hésitations, les patrons rythmiques, les diverses tonalités, les inflexions des voix etc. Si l‟on diversifie les contes audio, en faisant écouter aux apprenants des voix de conteurs différents, et en variant les types de récits racontés, on pourra procéder de manière comparative pour déceler les spécificités de chaque conteur ainsi que de chaque conte oral.

Vient ensuite la vraie étape de production orale. Elle ne se passe pas non plus sans préparation adéquate pour faciliter la prise de parole des apprenants et les imprégner de la spécificité de la tâche à entretenir. L‟enseignant prépare et sensibilise ses apprenants par le biais de petites activités d‟échauffement et d‟improvisation, des sortes de petits jeux du type qu‟on trouve dans la pratique théâtrale, où ils sont largement répandus.

Ensuite, on demandera aux apprenants de raconter chacun à son tour et à son gré des contes qu‟ils connaissent déjà dans leur culture d‟origine, et on diversifiera les choix de façon à ce qu‟on implique les structures interculturelles de leur langage oral. Cette activité de « raconter », quoiqu‟elle apparaisse très simple en apparence, implique en fait tout un travail sur l‟oralité : on expliquera aux apprenants que « raconter » n‟est pas synonyme de « réciter » un conte qu‟on connaît déjà, mais par contre que la transmission orale de n‟importe quel conte est avant tout une lecture personnelle et une interprétation personnelle du récit. L‟enseignant montrera aux apprenants que c‟est grâce au jeu sur les variations de la tonalité et du timbre de la voix, sur la spontanéité de la parole ainsi que le

soutien de la gestuelle et du kinésique que l‟expression orale dans la langue étrangère devient de plus en plus facile.

Les illustrations anciennes du conte de PERRAULT ou de GRIMM mais aussi les nouveaux albums jeunesse qui adaptent et transforment notre Chaperon rouge fournissent un autre ressort à l‟activité orale. Puisqu‟il existe une multitude d‟albums où l‟on reproduit le conte de PERRAULT (le texte intégral et le plus souvent dans des versions plus modernes) en y ajoutant des illustrations ou bien en laissant parfois aux illustrations le soin de raconter le contenu du conte, nous pourrions proposer des activités qui se basent sur ces documents iconographiques afin de rediriger les apprenants vers l‟oral.

Nous pensons à choisir des illustrations du Petit Chaperon Rouge de différentes versions et albums. L‟étape suivante consiste à distribuer ces illustrations aux apprenants qui peuvent porter aussi bien sur les paysages, les personnages, les animaux etc. On leur demande ensuite de placer ces éléments dans l‟ensemble du récit d‟un conte connu ou bien de travailler ensemble sur ces éléments détachés afin d‟en sortir avec un conte plus ou moins renouvelé. Le conte sera raconté et présenté à l‟oral en justifiant les choix des circonstances et des situations de l‟histoire bâtie autour des illustrations. Une autre possibilité se met en place en demandant à chaque apprenant de décrire son illustration aux autres et c‟est à eux de deviner de quoi il s‟agit et de la rattacher à un épisode ou à un conte connu. Cette activité peut être suivie par une autre où l‟on part de ces illustrations et de leurs significations différentes pour en faire un conte complet tout en changeant l‟ordre des éléments mis en œuvre pour chaque groupe d‟apprenants. Là aussi, nous sortons avec plusieurs contes différents et nous aurons une variante de contes qui dérivent en principe d‟un seul. Il s‟agit bien de reconstruire le sens par l'image et de le comparer avec le texte source.

Au-delà des activités langagières et de l‟intérêt porté à l‟enseignement des structures linguistiques de la langue étrangère, on trouve dans la création de nouveaux contes en classe de langue une opportunité sans égal, parce qu‟on donne aux apprenants la possibilité d‟investir leurs compétences dans plusieurs domaines: pourquoi ne pas procéder à cette création d‟un nouveau conte tout en travaillant sur la représentation iconographique ou bien présenter comme on le verra jouer le conte en travaillant sur la mise en scène et les caractéristiques de la dramatisation du texte d‟autre part.

L'étude des rapports qu'entretient l'illustration avec le récit s'avère en effet intéressante à analyser. Nous pourrons inviter les apprenants à apprécier dans quelle mesure les illustrations de tel ou tel illustrateur éclairent, obscurcissent ou interprètent bien ou mal le texte de PERRAULT (le conte du Petit Chaperon Rouge). Nous pourrons nous baser sur de très belles illustrations présentées dans les divers albums qui explicitent le conte de PERRAULT ou même les albums qui l‟illustrent en excluant tout texte écrit. L‟analyse des variantes de ce même conte à travers l‟illustration pourrait être un point de départ pour beaucoup d‟autres activités. Cette analyse qui explique les liens texte/illustration peut aussi se faire par le biais de bandes dessinées ou de dessins animés, ainsi que grâce à la publicité et aux documents audio-visuels, sans oublier l‟apport sans égal de Walt Disney qui a mis en action les contes de fée d‟autrefois ainsi que nombre de textes et de contes modernes.

D‟autre part, un travail parodique pourrait se mettre en place. Pourquoi ne pas détourner le conte de son contexte réel et utiliser d‟autres processus tels l‟inversion, la réduction, l‟hyperbolisation, l‟anachronisme ou les différents jeux de l‟Oulipo ? Une infinité de processus qui caricaturent les contes et en créent des versions dérisoires s‟ouvre, sur lesquels nous reviendrons dans le chapitre suivant.

Ces activités représentent pour les apprenants une expérience très enrichissante parce qu‟elles leur permettent de se manifester et de faire preuve de leurs talents dans divers domaines qui ne sont pas forcément linguistiques ou verbaux mais qui ne sont pas moins importants que la parole. L‟enseignant trouve aussi un plaisir incomparable quand il voit sa classe se transformer en atelier : il crée une sorte d‟union à l‟intérieur du groupe d‟apprenants qui ne se connaissent peut-être pas, mais en favorisant les échanges verbaux entre eux, il les pousse à s‟échanger leurs savoirs et leurs savoir-faire, ainsi que leur vision du monde et leurs expériences personnelles et c‟est la forme ultime d‟échange qui peut avoir lieu dans un espace régi par toutes ces contraintes et conditionné par un grand nombre de facteurs tel la classe de langue.