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La littérature de jeunesse et le conte

3.3. Le conte : Définition et caractéristiques

3.3.8. La dichotomie conte/nouvelle

Le conte est le plus souvent défini ou présenté comme étant en dichotomie avec la nouvelle. Bien que tous les deux soient des formes littéraires brèves, elles sont surtout des formes de récit, c‟est-à-dire le type de texte qui y est pris en charge est le type narratif en

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La citation est puisée d‟une analyse autour du conte faite par Christelle LE GALLO et diffusée sur internet.

priorité. Ils représentent deux genres que la théorie permet de distinguer alors qu‟en réalité les deux genres se confondent souvent dans la pratique.

Les contes ont une particularité : généralement, les parties constitutives d‟un conte peuvent être transportées sans aucune modification dans un autre conte. Le conte qualifié comme « traditionnel » renvoie bien à un cadre spatio-temporel et des personnages indéterminés : dans le Petit Chaperon Rouge, tout ce qu‟on peut apprendre sur le temps de l‟histoire c‟est que c‟est « une fois » comme toutes les autres fois des contes et la héroïne est une petite fille qui ressemble à toutes les autres mais qui s‟en distingue notamment par ses vêtements : « Il était une fois, une petite fille […] que partout l’on appelait le Petit

Chaperon rouge. » L‟univers même du conte n‟est pas réaliste et se présente nettement

comme une création du conteur. Il est en effet structuré par des symétries et des répétitions qui le parsèment et l‟organisent (trois vœux, trois tentatives, trois chemins) etc. En plus, les personnages sont plutôt l‟incarnation et la concrétisation des rôles que des caractères. Plusieurs autres contes sont bâtis sur le même modèle et possèdent cette même caractéristique.

La nouvelle en revanche rapporte des événements précis et vise le plus souvent des buts réalistes. C'est un genre de fiction narrative en prose, qui se distingue du roman par sa brièveté. Cette caractéristique formelle ne suffirait pas à la distinguer d'un conte ou d'un roman court. En d'autres termes, les critères définitoires de la nouvelle, faute de trait générique véritablement pertinent dans la définition, doivent inclure d'autres faits, notamment ceux concernant la construction dramatique.

Le genre n'a été défini que tardivement, au XIXème siècle, lorsque la vogue de la nouvelle gagna les États-Unis. Avant cette période de théorisation du genre, le terme de « nouvelle » qualifiait tout simplement un type de récit court, le plus souvent en prose mais quelquefois en prose et en vers, dont le sujet, parfois satirique ou grivois, pouvait être tiré de la tradition populaire.

La nouvelle est par excellence un genre destiné à l‟observation et à l‟examen des traditions et des caractères. Mais c‟est aussi un genre très favorable au fantastique Ŕ d‟ailleurs un bon nombre de nouvelles est caractérisé de « fantastiques »Ŕ puisque celui-ci invente un « réel » que l‟ « impossible » vient perturber.

La nouvelle ne s‟oppose pas vraiment au conte d‟autant qu‟elle s‟en différencie en ce sens que, si elle peut être fantastique ou faire appel au surnaturel, elle ne comportera pas d'éléments relevant du merveilleux, puisqu'elle relate des événements réputés réels. En outre, la structure des contes comprend des invariants et des éléments codifiés qui sont des conventions définitoires du genre : les conventions génériques du conte, du conte de fées et du conte populaire, s'opposent à l'absence de conventions génériques qui caractérise la nouvelle.

Il est vrai qu'un certain nombre de textes qui sont en fait des nouvelles peuvent s'intituler contes : c'est le cas des Contes cruels (1883) de Villiers de l‟Isle-Adam, qui sont des récits dans la veine de ceux d'Edgar POE, c'est le cas encore des Contes du chat perché (1934, 1950 et 1958) de Marcel AYMÉ, qui mêlent des éléments de merveilleux (les animaux qui parlent) à une évocation drôle de la vie à la ferme ; mais en réalité il s'agit là de variantes modernes et parodiques du genre du conte.

Cependant, les auteurs et créateurs de ces deux types d‟œuvres ne respectent pas toujours les distinctions faites entre conte et nouvelle. Il arrive des fois qu‟ils nomment « conte » ce que nous analyserions comme une « nouvelle », ou inversement. Ils créent aussi d‟autres formes, dénommées « histoire » ou « récit », et supposées correspondre à des nuances dans le traitement narratif du texte. De même et au sein du même genre, ils font des distinctions. Ainsi, on distingue entre conte oriental et conte occidental/européen selon son lieu de diffusion et son empreinte orientale ou occidentale qui reflète les spécificités de l‟Orient ou de l‟Occident, mais cette distinction ne signifie pas forcément clivage entre les deux catégories.

Tout d‟abord parler du conte oriental, c‟est aborder un ouvrage assez volumineux et connu dans l‟Occident aussi bien que dans l‟Orient, et qui enrichit le fonds culturel oriental et arabe. Il s‟agit des Mille et Une Nuits, conte rédigé en arabe et dont le titre originel est « Alf laylah oua laylah », traduit pour la première fois en français par Antoine GALLAND en 1704. Dans cet ouvrage, Schéhérazade sait que son époux, le prince Harun al-Rachid, veut la tuer. En laissant toujours son récit en suspens, elle entreprend donc de lui raconter chaque nuit une histoire qui le tienne en haleine et lui fasse oublier sa décision. Ainsi, elle lui narre les aventures d‟Aladin, d‟Ali Baba, et surtout de Sindbad le marin parmi d‟autres etc. Ce vaste recueil de contes, rédigés en arabe à partir du IXème

procédé narratif consistant à emboîter les épisodes et à inventer indéfiniment de nouveaux rebondissements. Il raconte surtout des événements qualifiés de "fantastiques".

D‟autre part, parler du conte occidental c‟est bel et bien parler des contes de Charles PERRAULT ainsi que des frères Jacob et Wilhelm GRIMM. En effet, Charles PERRAULT s‟était inspiré du fonds populaire français et du grand nombre de contes répandus (à l‟oral et à l‟écrit) et racontés en France, tout en reprenant plusieurs contes français populaires oraux et ruraux et en adaptant d‟autres comme Peau d’âne,

Cendrillon, La Belle au bois dormant, Barbe Bleue, etc. écrits en vers ou en prose à la

mentalité et aux tendances de leur temps et aux goûts de la Cour. Nous citons l'exemple du Petit Chaperon Rouge qui a été adapté plus tard par les frères GRIMM et autres afin de mieux convenir au public enfantin, et c'est ce qui fait que le conte ne s'achève plus sur la mort de la fillette et de sa grand-mère mais plutôt sur leur secours et la mort du loup. Comme ces contes se caractérisent par une visée moralisatrice (BOYES, 1988), souvent perceptible dans l‟ironie, ils s‟adressent aussi bien aux enfants qu‟aux adultes. C‟est justement pourquoi on peut y déceler des allusions à l‟actualité et la distance que le conteur pourrait prendre avec son sujet. Mais ce n‟est pas une caractéristique propre aux contes de PERRAULT seuls : dans les contes des GRIMM ainsi que ceux d‟ANDERSEN et autres nous trouvons cette dimension moralisatrice qui n‟est pas forcément présente dans tout conte.

Quant aux auteurs des célèbres Contes d’enfants et du foyer, Jacob et Wilhelm GRIMM ont puisé dans les contes et les légendes germaniques avant de reprendre certaines histoires comme Blanche-Neige, Hänsel et Gretel etc. Leur projet était de préserver, grâce à une translation fidèle, le patrimoine culturel véhiculé par les traditions orales. Leurs écrits témoignent d‟une très grande subtilité et sont parfois plus optimistes que ceux de PERRAULT : lors de sa parution, le Petit Chaperon Rouge de PERRAULT a agacé le public enfantin avec sa fin sanglante alors que celle des frères GRIMM permettrait de croire à un espoir toujours présent quelque part.