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La littérature de jeunesse et le conte

3.3. Le conte : Définition et caractéristiques

3.3.1. Histoire et origine des contes

Dans les sociétés traditionnelles de tous les pays, les contes s'adressent à la mémoire des collectivités, en priorité aux adultes. Ils véhiculent une charge culturelle issue de la tradition orale et présentent un aspect atemporel au sens où ils ne se rapportent à aucun lieu et à aucune époque. Ils puisent leurs origines comme c‟est le cas des mythes et des légendes dans les sujets universels. C'est pourquoi on les retrouve partout sous différentes variantes et versions.

En fait, on a longtemps considéré le conte comme un projet par et pour le peuple et il a été longtemps anonyme. C‟est comme si le conte était écrit par un peuple et il appartenait à ce peuple et non à une personne désignée en soi. Le plus souvent, les contes sont désignés par un pluriel (VELAY-VALLANTIN, 1992), ou sont regroupés par des folkloristes et/ou chercheurs qui les ressemblent selon des critères bien donnés. Ils ne peuvent appartenir à des personnes mais à des groupes de personnes, à des gens, à des populations. C‟est pourquoi, il est plus fréquent de trouver des contes qui désignent des peuples précis que

des contes qui désignent des personnes (Contes chinois- Contes arabes- Contes Kurdes ...). Le fait que les contes soient identifiés à des auteurs bien précis est plus ou moins récent.

Les origines des contes dépassent de loin les précisions qui ont été données par les historiens pour la date d'apparition des premiers contes ; il semble bien que le conte soit présent depuis longtemps (POLO DE BEAULIEU ; VELLAY-VALLANTIN, 1993). Les premières traces écrites correspondent plutôt aux tablettes et aux scènes représentées sur les murs et racontant différentes légendes ou mythes. Certains contes ont été notés sur des papyrus dans l‟époque de l‟Égypte Pharaonique ; on les retrouve également dans la Grèce antique, la Babylonie, Rome et en Mésopotamie où les textes notés rappellent de près ou de loin les contes orientaux. Toutefois, depuis l‟Antiquité jusqu‟à la Renaissance et les siècles succédant, les fables, mythes ou légendes ont bien procuré les motifs et les thèmes merveilleux qui seraient reproduits dans de nombreux contes (MARTENS, 1984). Nous pourrons citer par exemple le célèbre mythe de « Psyché et Cupidon » qui, à travers les siècles, est resté influant jusqu‟à inspirer plus tard le conte de La Belle et la Bête au siècle des Lumières.

Certains linguistes, à l‟exemple de Paul REGNAUD, ont cru que le conte, en général, et en tant que genre littéraire est d‟origine indo-européenne dans la mesure où il y avait une ressemblance entre les fables et contes de l‟Occident et des récits indiens tel Pacatantra. A la fin du XIXème siècle, le linguiste et indianiste Paul REGNAUD, et avant de considérer l‟exemple du Petit Poucet, entreprend de montrer d‟une façon générale et à la suite du célèbre médiéviste Gaston PARIS, que tous les contes où paraissent les personnages typiques des contes de PERRAULT et de GRIMM sont d‟origine indo-européenne :

« A bien y regarder, on s‟aperçoit bien vite avec le célèbre médiéviste et philologue romaniste du XIXe siècle Gaston Paris que nos contes de fées, ceux qui ont circulé de tout temps en Europe, ou bien encore, ce qui revient au même, les récits que les mères-grands de nos villages racontent depuis des siècles aux bambins qu‟elles élèvent, sont d‟origine indo-européenne, c‟est-à-dire qu‟ils appartiennent au groupe ethnique dont les principaux rameaux sont devenus les Hindous, les Perses, les Grecs, les Latins, les Slaves, les Germains et les Celtes, et qu‟ils remontent à une période antérieure à la cause quelconque qui a brisé l‟unité primitive de ces peuples. » (REGNAUD, 1893)

L‟aimable histoire, par exemple, de Cendrillon est répandue partout, on en trouve des traces chez les Gallois, les Russes, les Finnois, les Grecs, les Égyptiens, les Kaffirs, chez

une foule d‟autres peuplades, et un volume45 est apparu pour en étudier 345 versions46 connues. Il existe plusieurs hypothèses concernant les origines du conte, dont nous citons deux. La première suppose que le conte soit un produit spontané de l'imagination populaire, comme les proverbes, les devinettes et les chansons. La deuxième veut que le conte soit issu des récits mythiques ou épiques. Il aurait emprunté à ces genres leur thématique et leur façon de représenter le monde, mais en les désacralisant. Il n'y a pas de dieux dans le conte, pas de transcendance (ce qui n'empêche pas la magie ou le surnaturel) ; et l'attention est portée sur l'individu dégagé des croyances religieuses ou autres. Le héros du mythe incarnait la communauté alors que le héros du conte représente l'individu. En passant du mythe au conte, on passe d'un univers tragique à un monde plus proche des réalités sociales, du quotidien (qui peut être à l'occasion enchanté). Le conte serait donc une forme dégradée du mythe.

Dans son ouvrage sur les origines des contes, Catherine VELAY-VALLANTIN recueillant le fruit de plusieurs années de travail sur le récit, l‟auteure développe l‟histoire des contes et de leur étude. L‟ouvrage, qui s‟avère indispensable pour l‟étude des origines des contes, comporte deux parties : la première comme introduction sur l'histoire des contes, tandis que la seconde partie réunit six monographies.

Sur le problème de l'origine des contes s'opposent les théories indoeuropéennes et indianistes. Laissant de côté ce problème quelque peu mythique des origines du conte, l‟ouvrage ne se cantonne pas à des monographies locales (qui ont leur importance) mais navigue dans la longue durée : du XIIème siècle à nos jours, avec quelques détours par l'antiquité. Le corpus embrassé par cette histoire des contes déborde largement les collectes et les répertoires, pour aborder des genres variés : les sermons, les exempta, les miroirs des princes, les encyclopédies médiévales, les chroniques, la chanson, le théâtre, etc. Cette approche brise la dichotomie souvent factice entre oral et écrit (ou plus précisément imprimé), et les oppositions entre culture savante et culture populaire, langue savante (latin notamment) et langues vernaculaires. Elle privilégie l'analyse des fonctions successives et parfois contradictoires du conte qui lui impriment des inflexions thématiques et idéologiques.

45 Cf. Three Hundred and forty-five variants of Cinderella, Catskin, and Cap o‟Rushes, abstracted and

tabulated by Marian Roalfe COX, intr. By A., LANG, Londres, 1893.

La seconde partie de l'ouvrage montre, selon une méthode régressive, comment PERRAULT a réécrit l'histoire de Barbe Bleue, qui existait dès le XVIème siècle sous forme de chansons (« La Maumariée vengée par ses frères » ou « La mal méridade »). L'étude des variantes régionales fait apparaître en Bretagne l'épisode de l'enfant assassiné et les interférences avec le culte de sainte Thyphine, et en Poitou le sinistre Gilles de Rais. Catherine VELAY-VALLANTIN ne néglige pas pour autant les livrets de colportage et les versions orales recueillies au XIXème siècle et jusqu'en 1973 dans les Pyrénées audoises. Le thème de la fille aux mains coupées apparaît dans le roman d'Hélène de Constantinople dès le milieu du XIIIème siècle. Il connut une large diffusion à l'époque moderne grâce à la Bibliothèque Bleue, qui modifia le statut de l'héroïne successivement princesse, sainte et prostituée. Il faut donc bien avouer que les motifs, thèmes et structures narratives des contes sont universels et qu‟ils se retrouvent aussi bien en Orient qu‟en Occident. Ainsi, que ce soient les Fables de LA FONTAINE ou le recueil arabe Kalîla wa

Dîmnah47, on ne peut pas vraiment préciser les origines du conte et on ne s‟étonne pas de trouver un Petit Chaperon Rouge japonais, une Cendrillon russe ou une Blanche-Neige africaine48 ; on a toujours l‟impression que les contes africains, américains, russes ou orientaux nous sont étrangement familiers. En écoutant ou en lisant un conte, nous sentons que nous le connaissons, que nous l‟avons entendu quelque part.

Le conte qu‟on raconte aux enfants est un outil ludique ou didactique qui stimule l‟imagination de l‟enfant et qui, selon les psychanalystes49

, est une expérience spéciale qui, parmi d‟autres buts et objectifs, prépare l‟enfant à s‟intégrer petit à petit à la vie réelle, avec tous ses bons ou mauvais côtés, et présente à l‟enfant « sous une forme imaginaire et symbolique les étapes essentielles de la croissance et de l’accession à une vie indépendante.» (BETTELHEIM, 1976 : 100)

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Kalîla wa Dîmnah est présenté comme étant une traduction des Fables de Bidpaï. À l‟origine, ces fables

animalières, tirées d‟une épopée fondatrice de la civilisation indienne Ŕ le Pantchatantra Ŕ, auraient été écrites en sanskrit, vers 200, par un brahmane inconnu, équivalent d‟Ésope pour la tradition indienne, puis traduites en persan et, au VIe siècle, en syriaque. L‟adaptation du persan en arabe, réalisée par Ibn al-Muqaffa„ vers 750, obéit aux préoccupations de son auteur. Premier grand prosateur de langue arabe et haut dignitaire de l‟administration, Ibn al-Muqaffa„ consacra ses écrits d‟une part à l‟éthique politique, exprimant sa conception du pouvoir, d‟autre part au savoir nécessaire à l‟homme pour se bien conduire sur terre et assurer son salut dans l‟au-delà (l‟adab). Sous la forme voilée de la fable, les deux héros, des chacals nommés Kalîla et Dîmnah, rapportent au long de dix-huit chapitres des anecdotes (une histoire par chapitre), relatent des intrigues de cour, donnent des conseils et édictent des règles de conduite.

48 Il s‟agit de différentes réécritures et parodies diffusées sur les blogs et les forums sur internet.

49 Cf. BELLEMIN-NOËL J., Les Contes et leurs fantasmes, Paris : éd. PUF, coll. Écriture. Voir aussi sur ce

sujet KAES, PERROT, Contes et Divans, les fonctions psychiques dans les œuvres de fictions, éd. Dunod, 1984.

Comme le montre son nom, un conte pour dormir est une forme traditionnelle du conte, qui raconte une histoire à un enfant afin de le préparer pour dormir. Cette histoire a plusieurs avantages aussi bien pour les parents/adultes que pour les enfants. La routine fixée d‟un conte avant de dormir possède un effet relaxant, et la voix apaisante de la personne qui raconte l‟histoire permet à l‟enfant de dormir plus facilement. L‟aspect émotionnel crée une sorte de lien entre le conteur et l‟auditeur, souvent un parent et un enfant.

Ainsi, il n‟est pas étonnant d‟entendre les gens parler du charme du conteur Ŕet nous parlons là du conteur professionnel qui s‟est bien initié à l‟art de raconter- parce que sa voix exprime beaucoup plus que ne peuvent faire les mots seuls, et parfois ce que les mots ne sauront dire. Les émotions et les sentiments sont plus facilement exprimés par l‟intonation et la voix que par les mots.