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Le Petit Chaperon Rouge : des variations à l’exploitation pédagogique

6.2. Au service de l’oral

6.2.3. La dramatisation du conte

Nous sommes convaincue par l‟importance du conte dans les interactions verbales à l‟oral et nous privilégions La dramatisation du conte qui impliquera mieux que tout exercice verbal un travail sur l‟oralité des apprenants, avec ce qu‟elle exige d‟effort au niveau de l‟intonation, rythme, tonalité etc. Pour exploiter l‟intérêt de la pratique théâtrale dans l‟apprentissage de l‟oralité en langue étrangère.

L‟enseignant doit tout d‟abord chercher à mettre en place des exercices d‟improvisation qui préparent les apprenants et les sensibilisent à la mise en scène du conte.

Des activités très simples qui, quelques fois, n‟exigent pas même des échanges verbaux mais permettent aux apprenants de découvrir l‟importance de jouer bien qu‟ils ne soient pas en train de parler. Les apprenants peuvent accorder beaucoup plus d‟importance à la parole et négliger le jeu. Les exercices peuvent s‟avérer correctifs à ce niveau parce qu‟ils prennent en compte les autres éléments de l‟oralité négligés au profit de la parole. La vertu de cette activité est qu‟elle n‟exige pas beaucoup de préparations et il suffit aux apprenants de passer sur la scène pour jouer le rôle qu‟on leur demande. Ils peuvent s‟imaginer être dans une salle d‟attente avec un décor minimal. Les apprenants n‟ont rien à faire que d‟entrer dans cette salle d‟attente, seuls, rester quelque temps puis sortir. Rien à dire, juste jouer le rôle : on peut essayer cet exercice avec divers types de personnages clairs (colérique, nerveux, débile, amusé, impatient, pressé...) ou carrément le rôle du personnage qu'ils sont menés à jouer dans la pièce qui se prépare.

On peut penser au choix des personnes et leur façon de « dire » le conte, on peut choisir différentes séquences musicales qui expriment les différentes émotions, on peut demander aux apprenants d‟investir leurs connaissances techniques dans les jeux sur les éclairages, les voix et les sons etc. Nous pourrons même créer des pièces de théâtre97 qui reproduisent (ou pas) le conte du Petit Chaperon Rouge ou jouer les versions créées en classe de langue.

Nous pensons, par exemple, à faire jouer aux apprenants les scènes du Petit Chaperon

Rouge en intégrant parfois des modifications au texte original pour créer des effets

inattendus. Il est toujours possible de retrouver des scénarios différents pour le même

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Nous pouvons penser à la pièce de théâtre créée par CAMI et intitulée « Le Petit Chaperon Vert », cf. annexe VII, p. 297.

personnage en fonction de la version du conte choisie, ou pourquoi pas, en fonction des préférences des apprenants eux-mêmes.

D‟autres possibilités se mettent en place : nous pourrons faire correspondre des lieux à des caractères ou à des personnages d‟un ou de plusieurs contes par le jeu du hasard. Il se peut qu‟on tire au sort, par exemple, le nom d‟un personnage connu du conte pour lui choisir un caractère ou un tempérament et le placer dans un lieu choisi ou tiré au sort. On s‟amuse à voir les correspondances possibles de différents personnages qu‟on se construit, et surtout si l‟on rassemble ces personnages tous pour bâtir ensemble une sorte de conte où tout est possible : nous pourrons voir une Cendrillon méchante dans un bar ou un Chaperon Rouge perverse à l‟école... C‟est un exercice vraiment riche en contenu pour le réaliser avec les apprenants, et pour introduire la pratique théâtrale en classe de langue étrangère pourvu qu‟on prenne soin de choisir des éléments et des rôles qui correspondent mieux aux attentes et aux préférences de chacun.

Nous nous arrêtons à ce qu‟on appelle des exercices d‟ « improvisation98 ». En effet, parler d‟improvisation, c‟est traiter un principe capital dans l‟apprentissage de l‟oral en langue étrangère. Cette qualité est surtout développée par le jeu et les activités dramatiques : mener les apprenants à improviser en langue étrangère, c‟est les pousser à recourir à la spontanéité dans les échanges verbaux en même temps qu‟à prêter l‟oreille aux autres et à leur langage, non seulement leur parole, mais surtout leurs grimaces, gestuelle, kinésique, intonation, rythme... Les apprenants sortent dans le cadre de cette tâche des dialogues et discours préconstruits dans leurs cours de langue et se placent en position de vrais interlocuteurs qui co-construisent99 leur discours en fonction de la présence de l‟autre, et de la façon la plus adéquate qui conviendra le mieux aux propos des autres et à la situation dans laquelle ils ont été émis. L‟improvisation permet donc de mettre en place des interactions verbales et paraverbales spontanées et de recourir aux outils linguistiques et sémantiques qui y correspondent.

Donner des consignes très simples, peu détaillées et laisser aux apprenants la liberté de jouer le conte à leur manière : voilà ce dont on a besoin pour susciter l‟improvisation. Normalement, c‟est le premier joueur qui déclenchera ce processus et impose en quelque

98 L‟improvisation est, par définition, un exercice qui entraîne à répondre de façon spontanée et appropriée à une situation inattendue.

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Le principe de la « co-construction » de la parole se rencontre surtout chez Ludwig WITTGENSTEIN dans sa théorie sur la construction du langage et de la communication et les interactions verbales.

sorte aux autres de le suivre dans ce qu‟il fait. Tout dépend de son attitude (caractère, tempérament, attitude face à la situation...)

Si cette marge de liberté laissée aux apprenants leur permet de s‟engager dans ces activités de créativité, il faudra cependant veiller à ce qu‟on ne leur accorde pas « trop de liberté ». Il vaut mieux préciser le cadre dans lequel la scène (ou la pièce) doit se jouer. L‟enseignant pourra se limiter à l‟une des versions du conte étudiées en classe pour la mettre en scène ou bien se mettre d‟accord avec les apprenants sur les traits généraux et les contraintes du travail à effectuer avant de laisser aux interprètes le soin de choisir les détails.

C‟est le même principe du jeu de rôles que l‟on pratique partout dans les classes de langue étrangère. Mais, dans ce cas l‟improvisation est quasi-inexistante parce qu‟on donne à jouer aux apprenants des rôles déjà préparés et il leur appartient seulement de les concrétiser ; alors que dans la mise en scène les rôles se définissent par les actions elles-mêmes. Ainsi, lors de la préparation d‟une pièce de théâtre, on pourrait demander aux apprenants d‟imaginer d‟abord les personnages du conte construit et d‟imaginer non pas ce qu‟ils ont, eux, à faire mais se demander comment ces personnages réagiront dans telle ou telle situation.

Conclusion

Tels les petits enfants, qui ne sont pas moins exigeants qu‟on le croit, l‟action de raconter une histoire est plaisante pour les enfants. Cette source de plaisir rejoint dans ce cas ce que doivent être « les enjeux de l‟apprentissage d‟une langue étrangère » : il faut savoir se faire comprendre, être vivant et animer son discours tout en captant l‟attention de l‟auditoire.

Les exercices et activités qu‟on peut construire sur les contes font travailler plusieurs capacités des apprenants : en dehors de toute étude exhaustive sur ce point là, nous pourrions citer :

1- L‟improvisation et la spontanéité : lenteur et accélération, travail sur le rythme et les intonations, mise en place des discours les plus naturels possible ;

2- La précision et la clarté dans l‟exposition et la présentation pour assurer la compréhension des récits oraux en alliant gestes et parole ;

3- L‟amélioration de la diction et l‟exploration de la voix en travaillant sur le timbre de la voix et en exploitant ses secrets, en variant le ton et la musicalité de la parole ;

4- L‟apprivoisement de l‟oreille : bien percevoir ce qu‟on écoute ;

5- La disponibilité du locuteur dans le processus de « raconter » à la fois au conte pris en charge et au public qui l‟écoute ;

6- La créativité et les talents de l‟imagination : faire sentir et entendre ce qui ne saurait être dit et qui reste suggéré ;

7- La faculté d‟animation : faire revivre le discours et permettre aux autres de voir ce qu‟on croyait absent.

Certes, ce n‟est qu‟un échantillon modeste des capacités que l‟on peut travailler et renforcer à l‟oral, et tout ceci par le biais du conte. Il faut surtout prendre conscience de ce qu‟un tel projet ne pourrait se limiter dans le temps et que le processus de « raconter aux autres » nécessite des répétitions pour qu‟on puisse se l‟approprier.

Les apprenants eux-mêmes peuvent devenir conteur et artiste au profit des contes et de la langue. Les contes sont ces récits simples et brefs qui nous donnent toujours le goût de la fiction, et qui nous permettent de nous construire une réalité différente, ou au moins, nous font sortir de nous-mêmes pour trouver dans les ressources de l‟oral de nouveaux chemins vers l‟apprentissage des langues et des cultures.

CHAPITRE 7