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Enquêteurs et collecteurs : la sauvegarde des traditions populaires

Le conte oriental et le conte occidental : origines et caractéristiques

4.4. Enquêteurs et collecteurs : la sauvegarde des traditions populaires

Ayant pour souci de reconstituer et de sauvegarder les traditions populaires et leur fonds folklorique riche en contes et histoires, le mouvement de collection connut un grand écho

dans la majorité des pays de l‟Europe. Les collectes de ces œuvres se veulent de plus en plus scientifiques dans l‟étude du folklore et du patrimoine populaire. François-Marie LUZEL a réalisé, entre 1840 et 1895, en Basse-Bretagne, une collecte de contes en breton qu‟il a ensuite traduits. Cette collecte est remarquable, tant par sa qualité que par le nombre de récits et d‟informations recueillis. En France, nous citons à titre d‟exemple le

Trésor des Contes73 de POURRAT74 qui reprend plus de trois cents histoires, et qui sera complété pour dépasser les mille contes.

Pendant les travaux d‟assemblage, les enquêteurs et les collecteurs se permettent de classifier et de systématiser les contes, donnant lieu à des ouvrages et recueils très bien structurés dont le recueil des contes russes d‟Alexandre AFFANASSIEV, travaillé entre 1855 et 1863, sera un modèle frappant. Une étude des variantes et des diverses versions du même conte est alors caractéristique de l‟époque et on assiste à la naissance de la notion de « conte-type » créée par le Finnois Anti AARNE.

En effet, avec le Finnois Anti AARNE et l‟Américain Stith THOMPSON, tous les collecteurs de l‟époque (début du XXème

siècle) étaient partis à la recherche éperdue du conte archétypal, ou d‟une racine unique de tout récit. En vain. C‟est que le conte est de tous temps et de tous lieux. Il nous dit l‟origine des choses, la naissance du monde et le pourquoi de tout ce qui vit. « La parole elle-même est vivante(…) un souffle, une vie, une animation»(DURANCE, 1994).

Dans ce même XXème siècle, Vladimir PROPP(1970) intègre le structuralisme dans le monde de ces études et plus précisément dans les années 1930 en offrant aux lecteurs une liste de « fonctions » du conte : ces mêmes fonctions sont reconnues par le Français Claude BRÉMOND comme un « meccano » et l‟Anglais TOLKIEN (1974) comme une soupe éternelle, mais bel et bien une soupe qui ne cesse de s‟enrichir de nouveaux éléments, qu‟ils soient anciens ou récents, et qui bouillonnent ensemble :

« S‟agissant de l‟histoire de contes et particulièrement des contes de fées, on peut dire que la Marmite de Soupe, le Chaudron du Conte, a toujours bouilli et que l‟on y a constamment ajouté de nouveaux éléments, friands ou non. » (1996 : 39)

73 Ce trésor composé de près de 1000 contes peuplés de sorcières et de brigands, de loups-garous et de rois cordonniers, n‟était plus disponible dans son ensemble Ŕ treize volumes. Paru entre 1948 et 1962, il est le résultat de plus de cinquante ans d‟une récolte débutée avant la Grande Guerre auprès du « génie paysan ».

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Henri POURRAT a collecté et abondamment réécrit de nombreux contes populaires qu‟il a rassemblés sous le Trésor des contes.

Conclusion

Depuis son existence l'homme aime les contes. En effet, il a toujours aimé les récits merveilleux et extraordinaires, bref tout ce qui est hors nature. D‟abord, il s'est amusé à écouter les épopées ainsi que toute sorte de contes héroïques : ces écrits concrétisaient la volonté de l‟homme préhistorique de se vanter et de se prouver capable d‟accomplir des actes héroïques qui le rendent singulier dans les yeux de sa bien-aimée. Puis au fur et à mesure que l'esprit de cet homme s'affina au fil du temps, le conteur choisit pour objet de ses récits les événements de la vie réelle, qu'il modelait au gré de sa fantaisie. Plusieurs cas étaient possibles : soit il leur donne la teinture du merveilleux, soit il les présente en usant de la satire, soit il recueille les traditions populaires. Les contes populaires ont connu chez les Grecs et les Romains, le même succès que chez les peuples modernes et l'on en trouve de nombreuses traces dans Lucien75 et dans l'Apulée76 :

« La plus étonnante modernité étonne et charme dans Lucien. Ce Grec de la fin de la Grèce et du crépuscule de l‟Olympe, est notre contemporain par l‟âme et l‟esprit. Son ironie d‟Athènes commence la « blague de Paris ». Ses dialogues des courtisanes semblent nos tableaux de mœurs (…) Son style même a l‟accent du nôtre. Le boulevard pourrait entendre les voix qu‟il fait parler sous la Lesché ! Un écho de son rire rit encore, sur nos tréteaux, contre le ciel des dieux…» (CHARPENTIER, 1858 : 262)

Le conte même si gracieux, de l'Amour et Psyché77, n'a, lui, rien à envier aux inventions qui ont rendu célèbres les Mille et Une Nuits. Les anciens avaient aussi un certain nombre de récits fabuleux peuplés de spectres, d‟esprits et de fantômes, tels que La Gorgone78

, la Voleuse d'enfants, etc. Ils sont des trésors universels.

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Écrivain grec du IIème siècle, Lucien de SAMOSATE n'était ni philosophe, ni moraliste comme PLUTARQUE l'a été au même moment. Son but n'était pas d'édifier mais d'amuser, et s'il eut une doctrine, elle consista à parodier les doctrines. Quant à son ironie, elle était plus cynique que socratique.

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APULÉE est un auteur du IIème siècle après Jésus-Christ, originaire d'Afrique, et l‟un des premiers exemples d'une carrière littéraire entièrement faite en dehors de Rome. C'est un esprit brillant, universel, et son œuvre majeure est indiscutablement les Métamorphoses ou L'Âne d'or, en onze livres. C'est le récit, fait à la première personne, d'un certain Lucius, un jeune homme curieux de tout, qui, s'étant frotté de trop près à la magie, se voit transformé en âne. Sous cette forme, il va connaître toute une série d'aventures, et tout en étant âne, il va raconter les différentes histoires qu‟il a vécues avant de redevenir homme enfin dans le dernier livre. L‟œuvre met en relief des histoires enchâssées comme Les Mille et Une Nuits.

77 Le conte Amour et Psyché est l‟œuvre la plus importante d‟APULÉE.

78 Monstres fabuleux, enfants des divinités marines Phorcys et de Céto et sœurs des Grées. On les représentait sous la forme de femmes à la chevelure faite de serpents entrelacés et parfois dotées d'ailes; elles vivaient près du pays des Hespérides, aux confins de la Libye.

CHAPITRE 5