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L’ANTHROPOLOGIE AMÉRICANISTE

Dans le document Les études sur les Amériques en France. (Page 83-86)

sur les Amériques :

L’ANTHROPOLOGIE AMÉRICANISTE

Ces différentes recherches se déploient dans les trois sous aires culturelles de l’Amérique latine : Amazonie, Andes et Mésoamérique. Depuis quelques années, l’américanisme s’est élargi à l’ensemble de l’Amérique (transformation du CREDAL en CREDA, de l’IPEALT en IPEAT ; création de l’Institut des Amériques et de Mondes américains), avec une intégration toujours marginale de la Caraïbe. Cette transformation consolide la vocation comparatiste de l’anthropologie et favorise les études multi-situées ; elle contribue également au renouvellement des thématiques de recherche sur les migrations et circulations,

les réseaux transnationaux, les frontières, etc. ; elle interroge enfin les cadres analytiques opposant le sud et le nord du continent (par exemple sur la question raciale, entre une société étatsunienne bipolaire et ségréguée, et des sociétés latino-américaines métissées). Plus généralement, de nouvelles approches abordent sous un angle nouveau la thématique indienne (indianité urbaine, autochtonie, globalisation), introduisent de nouvelles catégories d’altérité (afro-descendants, « blancs », étrangers), interrogent le statut de l’anthropologie (études post-coloniales, anthropologies des Suds), abordent les dynamiques de globalisation (religieuse, culturelle, des savoirs), proposent une ethnographie de l’Etat et des institutions. Le paysage institutionnel évolue également. Le GRAL, Groupe de Recherche sur l’Amérique Latine à Toulouse, fédérant lui-même trois équipes régionales (Centre d’études andines de l’Université de Pau, Institut d’études mexicaines de Perpignan, Centre interdisciplinaire d’études sur l’Amérique latine de Toulouse), avec des anthropologues comme Roberto Santana et Françoise Morin, a disparu. Parallèlement, l’UMR Mondes américains est apparue en 2006. Elle repose sur une fédération de cinq centres de recherches rattachés à l’EHESS, l’Université Paris 1 et l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense. Elle rassemble des anthropologues et des historiens travaillant sur toutes les Amériques des débuts de la période coloniale jusqu’au temps présent. Elle est dirigée par Véronique Boyer (CNRS), directrice, ainsi que par Nikita Harwich (Université Paris Ouest) et Romain Huret (EHESS), directeurs adjoints. Mondes Américains se caractérise par une définition régionale, qui englobe les Amériques tout en distinguant des équipes travaillant sur l’Amérique latine (Centre d’Etudes et de Recherches sur les Mondes Américains, héritier du CERMACA ; Centre de recherches sur le Mexique, l’Amérique centrale et les

Andes, fondé en 1984 à l’EHESS par Nathan Wachtel ; Centre de Recherches d’histoire de l’Amérique Latine et du Monde Ibérique ; Centre de Recherches sur le Brésil Colonial et Contemporain ; Empires, Sociétés, Nations, Amérique latine et Méditerranée Occidentale) et l’Amérique du Nord (Centre d’Etudes Nord-Américaines). Mondes Américains compte de nombreux anthropologues (Anath Ariel de Vidas, Guillaume Boccara, Véronique Boyer, Anne-Marie Losonczy, Carmen Salazar-Soler, etc.) et accueille la revue Nuevo Mundo spécialisée sur l’Amérique latine. Au-delà des organismes directement identifiés aux Amériques (IHEAL, CREDA, Mondes américains), l’anthropologie américaniste est dispersée dans différentes UMR et universités. La Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie René-Ginouvès (MAE), sous la triple tutelle du CNRS et des Universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Paris Ouest Nanterre La Défense, accueille l’Unité Mixte de Recherche « Archéologie des Amériques » (ArchAm – UMR 8096). Mais on ne trouve pas de laboratoire d’anthropologie américaniste. Le Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie comparative (LESC) est une unité mixte de recherche du CNRS et de l’université Paris Ouest Nanterre La Défense (UMR 7186). Il n’est pas organisé en aires culturelles mais accueille de nombreux spécialistes de l’Amérique latine (Alain Breton,

Bonnie Chaumeil, Jean-Pierre Chaumeil, Isabelle Daillant, Danielle Dehouve, Patrick Deshayes, Philippe Erickson, Jacques Galinier, Antoinette Molinie, Aurore Monod Becquelin, Sylvie Pedron Colombani, Valentina Vapnarsky, etc.). Le LESC possède un centre spécialisé et un groupe de recherche tournés vers l’Amérique latine : l’EREA, évoqué précédemment, et le GERM, Groupe d’enseignement et de recherche maya (GERM). Des chaires d'anthropologie américaniste existent aussi à l'Ecole Pratique des hautes études, notamment celle de religions en Mésoamérique (Danielle Dehouve, émérite, et Sylvie Peperstraete), celle de religions de l'Amérique créole (Anne-Marie Losonczy) ou celle de Religions des indiens sud-américains: sociétés des basses-terres (Andréa-Luz Gutierrez Choquevilca).

L’anthropologie américaniste est également présente dans différents laboratoires souvent structurés sous la forme d’UMR dans lesquels le CNRS et l’IRD sont très présents : Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (IIAC), notamment au travers du programme « SOGIP-Scales of governance, the UN, the States and Indigenous Peoples : Self- determination in the time of globalization », financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC 249236) et coordonné par Irène Bellier ; Centre de Recherches et d’Etudes Anthropologique (François Laplantine, Jorge P. Santiago) ; URMIS, Unité de recherche migrations et société (Kali Argyriadis, Françoise Lestage, Elisabeth Cunin) ; CESSMA, Centre d'études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (Pascale Absi, Valeria Hernández) ; PALOC, Patrimoines Locaux et Gouvernance (Charles-Edouard de Suremain). Même si l’anthropologie américaniste bénéficie du soutien d’institutions spécialisées (bourses de doctorat et post-doctorat du Musée du Quai Branly, Appel d’offres du legs Lelong de l’INSHS du CNRS), elle subit les conséquences de la faiblesse de l’anthropologie en France (absence d’enseignement en collèges et lycées, pas d’agrégation, peu de formations universitaires).

2. Histoire

Le paysage de la recherche en histoire de l’Amérique ibérique (hispanophone et lusophone) s’est profondément renouvelé durant les deux dernières décennies, grâce à la consolidation de deux unités de recherche pluridisciplinaires dédiées aux Amériques du nord et du sud (UMR CREDA / UMR Mondes Américains), et grâce à l’ouverture de départements d’histoire universitaires aux problématiques internationales et aux mondes extra-européens. Cette dernière a permis l’émergence d’une nouvelle génération d’enseignants-chercheurs historiens latino-américanistes. Loin de les neutraliser, l’immersion dans des équipes de recherche généralistes (UMR ou EA) les a incités au contraire à affirmer l’originalité de leurs objets et démarches de recherche et à accroître leur visibilité, notamment par la mise en œuvre de projets nationaux ou internationaux financés. Au total, l’histoire latino-américaniste compte une quarantaine d’enseignants-chercheurs en poste en université et quatre chercheurs CNRS-Section 33 (1 DR, 3 CR1). Ils sont tous intégrés dans le réseau IdA. La répartition de leurs études selon les périodes est relativement équilibrée : 14 se consacrent à l’histoire moderne, 20 à l’histoire contemporaine et 9 ont des thématiques de recherche couvrant les XVIIIe et XIXe siècles. Le déséquilibre – ancien – entre Amérique portugaise -brésilienne, et Amérique espagnole-hispanique s’est atténué mais il perdure : 9 enseignants-chercheurs pour la première et 34 pour la seconde.

Quels que soient la période, le terrain et la thématique de recherche qu’ils abordent, dans la lignée d’une vision inaugurée par Braudel les historiens latino-américanistes se sont saisis plus tôt que la plupart de leurs collègues européanistes des renouvellements intervenus dans l’historiographie internationale : l’histoire atlantique et l’histoire impériale, l’histoire globale et l’histoire connectée, ainsi que leurs dérivés dans l’étude des circulations transnationales, ont apporté, non sans discussion critique de leur validité respective et de leur cohérence entre elles, les outils conceptuels et les modes d’approche appropriés à l’étude des processus de formation des sociétés ibéroaméricaines dans la longue durée et des multiples connexions entre l’Amérique ibérique et le reste du monde.

Ce choix épistémologique irrigue aussi bien l’histoire des pouvoirs que l’histoire religieuse ou celle des migrations, l’histoire des savoirs ou celle des échanges de marchandises, et il inspire nombre de projets financés (cf. infra). Les historiens latino-américanistes sont ouverts au décloisonnement des disciplines. Anciennement assumé par l’ethno-histoire et l’anthropologie historique – spécificités du latino-américanisme français – ce décloisonnement s’est confirmé dans les études actuelles portant sur le devenir historique des populations amérindiennes. Le rejet revendiqué de tout essentialisme a bouleversé les approches concernant la diversité d’origine des populations ibéroaméricaines. En assumant les notions de race et de couleur, en faisant toute leur place à l’esclavage et aux zones

sociales grises qu’il a générées, les historiens latino-américanistes interrogent les logiques et les pratiques sociales de classification et étudient les contrecoups politiques de ces taxinomies avec les discriminations et résistances qu’elles produisent.

L’histoire sociale, l’histoire religieuse, l’histoire politique, l’histoire urbaine se sont transformées sous l’effet de ces renouvellements, notamment en renonçant à leur mutuelle étanchéité et en s’ouvrant à l’interdisciplinarité. L’histoire religieuse se tourne vers les interactions entre missions et sociétés locales, ou bien vers la place occupée par les laïcs dans les processus de christianisation, débouchant ainsi sur la dimension politique du religieux. L’histoire politique est devenue celle des formes multiples de pouvoir qui s’exercent sur les territoires et les populations et celle de la construction étatique à l’époque des indépendances et au-delà ; elle se revendique comme sociopolitique, ou bien se nourrit des apports de l’histoire du droit, tendance que l’on constate également dans le cas de l’histoire de la propriété foncière, tandis que l’histoire urbaine met en scène toutes sortes de mobilités. Les conflits, guerres, et formes de violence sociale, politique ou militaro-étatique sont aussi devenus des objets de recherche historicisés grâce aux approches sociohistoriques fondées sur la localisation et l’exploitation de sources pertinentes (archivistiques et orales) dont la difficulté d’accès suppose la présence des chercheurs sur le terrain. Enfin, il faut souligner l’essor récent de l’histoire culturelle de l’Amérique latine qui met notamment en exergue les multiples formes de connexion entre l’espace régional et le reste du monde.

LES HISTORIENS LATINO-AMÉRICANISTES SONT OUVERTS

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