• Aucun résultat trouvé

LES GÉOGRAPHES FRANÇAIS ONT

Dans le document Les études sur les Amériques en France. (Page 71-73)

sur les Amériques :

LES GÉOGRAPHES FRANÇAIS ONT

citons Philippe Pinchemel, Paul Claval, Henri Gumuchian, Antoine Bailly, mais la liste est bien plus longue ; ils y ont trouvé de nouvelles ressources épistémologiques en ayant accès aux écrits nord-américains, et le Canada a joué un rôle de diffuseur de concepts et de réinterprétations théoriques entre les deux côtés de l’Atlantique. Certains comme Antoine Bailly ont été des passeurs en proposant des traités vulgarisant les apports plus conceptuels des recherches urbaines ; les revues canadiennes et notamment les Cahiers de géographie du Québec ont souvent été décisives dans ces échanges et les relations entre géographes

québécois et français se sont multipliées. D’autres, comme Paul Claval, ont utilisé ces contacts pour présenter une approche globale du fait urbain ; un premier article paru en 1968 dans la Revue géographique de l’Est et intitulé « La théorie des villes » sera repris et développé dans son ouvrage devenu classique, La logique des villes (1981). L’auteur délaisse en partie les approches académiques de la ville, et notamment les analyses valorisant leurs fonctions économiques, pour introduire son ouvrage à partir d’une perspective plus sociale : « Au lieu de partir d’une définition formelle de la cité, (…) nous sommes partis de l’idée que la ville est une organisation destinée à maximiser l’interaction sociale ».

Depuis les années 2000, un renouvellement des études urbaines nord-américaines est en cours et participe à la mutation de la discipline qui porte de plus en plus attention aux théories, aux concepts et n’hésite pas à utiliser les méthodes venues d’autres sciences sociales pour saisir de l’intérieur les mutations des villes, ou, parfois en délaissant la saisie interne des villes, s’intéresser aux hiérarchies et réseaux urbains. L’apport des géographes français est alors de montrer les évolutions et les ruptures tant dans l’organisation urbaine que dans les manières de la présenter et de souligner le passage d’une géographie qui observe à une géographie immergée dans le mouvement de l’urbanisation. Ils abordent la question de la gouvernance urbaine, du rôle des acteurs et des groupes, et plus globalement de l’action politique, qui participent activement à sa production et à sa transformation et posent l’hypothèse d’une géographie urbaine francophone, mais spécifique (Augustin, Dumas, 2015). Ils ouvrent alors la voie à une science de l’action collective métropolisée en considérant

LES GÉOGRAPHES FRANÇAIS ONT DEPUIS LONGTEMPS ÉTÉ FASCINÉS PAR L’ESPACE NORD-AMÉRICAIN, AUSSI BIEN PAR SA DIMENSION QUE PAR SON ORIGINALITÉ.

17 Berdoulay V., Augustin J-P. (1997). "Un monde nouveau : modernité, tradition et jeux de miroirs", in Modernité et tradition au Canada, Berdoulay V., Augustin J-P. (dir.), Paris : L’Harmattan, pp. 9-19

que la ville et ses prolongements ne sont pas un simple construit mais une construction, pas seulement une organisation sociale mais une action. Cette « actionalité » assumée est le fil rouge des recherches actuelles qui cherchent à éviter l’esprit de système en proposant une version humaniste et compréhensive de la géographie urbaine à la fois critique et constructive. A ce niveau les travaux de Ghorra-Gobin (2001), Gwiazdzinski (2004), Giband (2011), Bailly (2014) et Montéro (2015) soulignent la spécificité d’une géographie francophone qui marque sa différence avec les géographies anglo-saxonnes (Staszac, 2001).

Les recherches en géographie sur l’Amérique du Nord ne se limitent pas à un ou deux centres de recherches ou UMR sur l’ensemble du territoire mais s’inscrivent dans plusieurs pôles. On peut à juste titre parler de « fragmentation ». Notons les travaux de Cynthia Ghorra-Gobin (CNRS-Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, CREDA, Iheal, UMR 7227), David Giband (Université de Perpignan, ART-DEV (Acteurs, Ressources et Territoires dans le développement), UMR 5281), Renaud le Goix (Université Paris- Diderot, Géographie-Cités, UMR 8504), Sonia Lehmann-Frisch (Université Paris Ouest, Nanterre, Mosaïques/Lavue, UMR 7218) ou encore Christian Montès (Université Lumière Lyon II, Environnement, ville, Société, UMR 5600).

Les thématiques abordées en France correspondent aux thématiques travaillées par la géographie anglo-américaine. Il serait toutefois souhaitable que la géographie française s’oriente progressivement vers une démarche comparatiste englobant l’Amérique latine et/ou l’Europe. Le comparatisme présente l’intérêt de mieux rendre compte des enjeux vécus par les sociétés contemporaines marquées par la mondialisation et la globalisation. A l’heure de la circulation des idées, des modèles, de l’information, des capitaux, des migrants, des réfugiés, des touristes, des classes créatives et des marchandises, il importe de renouveler les modalités de la recherche en géographie au travers d’une approche prenant en compte plusieurs sites (non forcément inclus dans la même aire culturelle). On parle ainsi de l’orientation vers une recherche « multilocalisée » en mesure de mieux répondre aux enjeux contemporains.

6. Anthropologie

La s i t u a t i o n d e l ’a n t h ro p o l o g i e nord-américaniste est difficile. L’anthropologie américaniste en France se concentre sur l’Amérique Latine et a comme objet de prédilection les Amérindiens. La répartition des anthropologues de Mondes Américains est représentative de cette disparité : sur six chercheurs de la discipline une seule travaille sur l’Amérique du Nord. De fait, le CNRS ne comprend que deux anthropologues travaillant sur les États-Unis : Marie Mauzé recrutée en 1986, qui travaille également sur le Canada et Sara Le Menestrel (recrutée en 2001); et un seul sur le Canada (Jacques Caroux). Dans l’enseignement supérieur, au sein de laboratoires ou de départements d’anthropologie, on ne trouve que quatre anthropologues des États-Unis (Emmanuel Désveaux à l’EHESS, Anne Raulin à l’Université Paris Ouest La Défense, : Emmanuel Parent à l'université de Rennes 2 - mais qui officie en musicologie, et Pauline Guedj à l'université de Lyon 2). Parmi cette poignée d’anthropologues nord-américanistes en poste, une bonne partie est indianiste. Quant aux recherches de Sara Le Menestrel, elles relèvent de l’anthropologie de la musique et de la danse, du risque et de la santé mentale, tandis qu’Anne Raulin œuvre dans le domaine des études urbaines. D’autres anthropologues non indianistes se sont toutefois intéressés aux États-Unis, notamment Marc Abélès (EHESS) qui a travaillé sur la Silicon Valley, Stefania Capone (CNRS) sur la religion des orisha, Erwan Dianteill (Université Paris-Descartes) sur les églises spirituelles noires de La Nouvelle-Orléans, Patrick Gaboriau (CNRS) sur les sans-abris, ainsi que Frédéric Saumade (Université Aix-Marseille) sur la tauromachie. À ces anthropologues travaillant à l’occasion sur les États-Unis, on peut également associer quelques sociologues ou politistes pratiquant la méthode ethnographique : Francois Bonnet (CNRS) qui s’est intéressé au ghetto noir de New York, Sylvie Tissot (Université Paris 8) au

18 Élisabeth Cunin, « L'anthropologie française au miroir de l'américanisme : politiques, savoirs et altérités »,

Caravelle. Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, no. 100, 2013, p. 17-38.

COMMENT EXPLIQUER L’EXTRÊME

Dans le document Les études sur les Amériques en France. (Page 71-73)