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dans l'enseignement

Chapitre 4: Finalités, objectifs de référence objectifs de référence

4. Plans d'étude

4.1 Plans d'étude actuels dans le canton de Genève

4.1.3 Cycle d'Orientation (secondaire I): le Plan d'Etudes Romand

Après avoir comparé deux filières de l'enseignement secondaire, c'est maintenant sur le Cycle d'Orientation que nous allons nous concentrer. Notons avant de commencer que son plan d'études se distingue principalement des deux exemples que nous avons discutés parce que, premièrement, l'enseignement du secondaire I n'a pas de visée spécifique – il ne destine pas à un diplôme précis ou même une école précise – et en second parce que, faisant encore partie de l'enseignement

obligatoire, il a été soumis à la réforme d'harmonisation nationale Harmos qui a été mise en place dans la fin des années 2000 et que nous avons déjà évoquée dans le chapitre précédent (voir la fin de la section 4.1.1.2 du chapitre 3, page 85). L'une des suites de cette réforme a été l'introduction d'un Plan d'Etudes Romand (PER), récapitulant les objectifs et contenus d'enseignement de toutes les disciplines scolaires dans les écoles obligatoires romandes – le Cycle d'Orientation genevois y compris. Ce plan d'études, qui comme nous le verrons dans le chapitre suivant est agrémenté d'un Document de Liaison qui facilite sa mise en pratique au niveau genevois, est donc de par sa nature déjà très différent de ceux que nous avons vus jusqu'à maintenant.

Dans le PER, le document intitulé "Commentaires Généraux sur le domaine Langues", détaille au fil de ses 19 pages l'intention de l'enseignement des langues au fil des 3 "cycles" d'enseignement (1er et

2ème à l'école primaire, 3ème au Cycle d'Orientation). Sans reprendre en détail tout ce qui y figure (voir CIIP 2012 pour le détail), on y note les éléments suivants (c'est moi qui souligne):

Le domaine Langues, en cohérence avec les finalités et objectifs de l'école publique, vise à favoriser chez l'élève la maîtrise du français (règles de fonctionnement et capacités à communiquer) ainsi que le

développement de compétences de communication dans au moins deux langues étrangères. Le domaine contribue ainsi à la constitution d'un répertoire langagier plurilingue, dans lequel toutes les compétences linguistiques – L1, L2, L3, mais aussi celles d'autres langues, les langues d'origine des élèves bi- ou trilingues en particulier – trouvent leur place. (CIIP 2012: 6)

Le domaine Langues implique une réflexion sur les langues (français, allemand, anglais…), invitant l'élève à mieux comprendre le fonctionnement des langues étudiées […], entre autres en les comparant, dans le cadre d'une didactique intégrée des langues. Plus généralement, l'élève est amené à découvrir le fonctionnement du langage et de la communication, à développer son intérêt et sa motivation pour les langues, à l'aide notamment des démarches d'éveil aux langues. (ibid)

La connaissance de plusieurs langues s'avère, dans la société actuelle, une nécessité pour la

communication et les échanges; elle est un atout pour la réussite sociale et professionnelle future et contribue également à favoriser, en retour, une meilleure connaissance du fonctionnement du français.

(ibid)

Le domaine Langues développe quatre grandes finalités :

Apprendre à communiquer et communiquer

Maîtriser le fonctionnement des langues/réfléchir sur les langues

Construire des références culturelles

Développer des attitudes positives face aux langues et à leur apprentissage (ibid)

Au cycle 3, les attentes pour l’Allemand et l’Anglais sont déclinées en référence au Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) et sur la base des descripteurs par demi-niveaux figurant dans le Portfolio des langues (PEL II) (ibid: 12)

L’entrée dans les langues étrangères se fait surtout par l’oral et, au début, par la compréhension. […] Le travail sur le fonctionnement et les aspects formels de la langue est introduit progressivement : il ne doit en aucun cas inhiber la communication, car il importe avant tout que l’élève prenne confiance dans ses capacités à communiquer dans une langue étrangère. (ibid: 17)

L'apprentissage d'une langue est indissociable d'une découverte de la/des culture-s dans lesquelles elle s'inscrit et dont elle est une des formes d'expression. […] l'apprentissage d'une langue implique

nécessairement une réflexion interculturelle portant (a) sur les éléments qui distinguent les cultures en contact, et (b) sur le fonctionnement de la communication entre personnes parlant des langues différentes. (ibid: 18)

Le constat le plus important à ce stade est probablement celui que, jusqu'à un certain stade, toutes les langues entourant l'élève (langues d'origine et de scolarisation comprises) sont considérées communes et contribuent à son "identité plurilingue". En regard non seulement du CECR mais aussi de la didactique intégrée et de l'éveil aux langues qui sont explicitement pris comme cadres (le CECR étant même utilisé pour définir les attentes précises), ces langues sont donc présentées comme formant un tout "nécessaire pour la communication et les échanges" et menant à une "réussite sociale et professionnelle". Si on se souvient de l'importance de l'intégration sociale pour Miège au XVIIe siècle, on peut voir que cette intention se retrouve, mais avec une visée globale et non concentrée sur une seule langue.

De plus, ce Plan d'Etudes Romand montre une façon de traiter la discipline qui se distingue de ce que nous avons pu observer pour le secondaire notamment par le fait qu' il est très ancré dans d'autres programmes existants, alors que le CECR n'est par exemple même pas mentionné pour la formation gymnasiale. Les références aux modèles proposés par le CECR et les projets d'approches plurielles se retrouvent également dans les "finalités" de ce domaine "langue", qui, en plus de favoriser la

conscientisation, l'ouverture et la réflexion, stipulent le lien entre la langue et la culture qui est selon ce Plan d'Etudes "indissociable".

Le document cite également de façon explicite que le but est pour les langues étrangère d'atteindre des "compétences de communication". Cette "communication" qui ne doit pas être freinée par les aspects systématiques (qui sont donc considérés comme secondaires) doit être abordée, primo, par

"l'oral" et "par la compréhension". Les notions "d'expression de soi" ou de "s'exprimer correctement à l'écrit et à l'oral" comme on a pu les voir dans d'autres objectifs ne sont ici pas prioritaires.

On voit donc que le PER offre une image de l'objectif de l'enseignement des langues très différente de ce qu'on lit dans l'enseignement secondaire. Cette différence est peut-être, comme on l'entend parfois lorsqu'on évoque le sujet, simplement due au niveau des apprenants dans les différents ordres d'enseignement. Il est vrai que la littérature ou l'argumentation n'ont probablement que peu de sens lorsqu'on traite du premier contact avec une langue; on se souviendra que les didacticiens du début des temps modernes déjà plaçaient les "lectures" en fin de leurs ouvrages. De la même façon, on s'imagine difficilement travailler sur des "comptines et des chansons" (qui sont mentionnées dans le PER) avec des apprenants ayant plus de 15 ans... Il reste malgré tout légitime, surtout si on

souhaite un système d'enseignement cohérent dans les ordres d'enseignement, de soulever les différences de perspective que l'on trouve dans ces plans d'étude – que ce soit entre le Cycle d'Orientation et le Secondaire II, ou même dans différentes filières du même ordre d'enseignement, et de se demander, par exemple, pourquoi au Cycle d'Orientation l'approche d'une nouvelle langue se fait par l'oral et par la compréhension alors qu'au Collège, comme on le voit pour l'espagnol qui n'est pas enseigné plus tôt, le but est dès ce premier contact de "s'exprimer correctement"; on peut également questionner pourquoi les approches plurilingues ou intégrées prennent (du moins supposément, comme nous allons le voir) une place aussi importante pour les élèves de 12 à 15 ans alors que les liens entre les disciplines sont nettement moins mis en avant, voire que ces dernières sont abordées de façon très différente (comme au Collège) par la suite. Les contraintes et attentes sociales placées sur une filière d'enseignement ou une autre jouent certainement un rôle dans ces particularités, mais ne rendent pas ces différences moins remarquables.

5. Conclusion

En guise de conclusion à ce chapitre, il semble important de rappeler ici que parmi toutes ces façons de traiter l'objet linguistique, il n'en est pas forcément de "meilleure" ou de "moins adéquate". Nous avons seulement pu voir au travers de ces exemples que les perspectives avec lesquelles les langues

"sujets d'enseignement" sont abordées sont elle aussi très diverses, ce qui nous permet de revenir à notre question: Quelle est la représentation de la Langue / des langues suivant la finalité de son enseignement?

Alors que le chapitre précédent nous montrait que dans le monde académique et au sein de la société, les images renvoyées des langues ou de la Langue étaient très variées, on voit que c'est en réalité le même phénomène qui se produit lorsqu'on examine les finalités de l'enseignement et les objectifs de ce dernier. Les perspectives par lesquelles on aborde l'enseignement d'une langue, des langues ou, de façon plus implicite, de la Langue nous rappellent que, par exemple:

 Une langue peut être (et elle l'est aujourd'hui fréquemment) présentée comme un outil de communication, impliquant un souci de l'interlocuteur ou du contexte de la communication

 les références culturelles et la perception du monde liées à la langue cible et

l'intercompréhension nécessaire dans l'appréhension d'une langue-culture étrangère

peuvent prendre plus ou moins d'importance, et peuvent parfois être liées à des éléments très précis tels que la littérature.

 de la même façon, on peut être tenté de favoriser en premier lieu l'échange et l'interaction, ou au contraire l'expression "juste" ou "correcte"

 les différentes langues sont tantôt comprises comme faisant partie d'un seul répertoire plurilingue, qu'il faut aborder comme un ensemble, ou tantôt comme des disciplines séparées qui ont des caractéristiques qu'il faut distinguer

En plus de cela, le fait de considérer dans ces documents la Langue ou les langues spécifiquement comme des sujets d'enseignement et non comme des objets d'utilisation fait émerger un trait de représentation directement lié au cadre scolaire et à cette disciplinarisation. En effet, la définition de niveaux et de références standardisées, ou même le simple fait d'évaluer les apprenants implique que la progression dans l'apprentissage d'une langue est quelque chose de descriptible, et ce par des standards et non par l'apprenant lui-même, et est par ailleurs dans plusieurs cas quantifiable. La finalité d'un apprentissage lorsqu'on pense au cadre scolaire n'est donc pas directement liée aux besoins exprimés par l'apprenant ou à une réalité socio-économique telle que perçue par ce dernier mais repose sur des standards qui, comme pour toute matière scolaire, prédéfinissent les éléments à privilégier et à évaluer.

Nous avons donc pu voir à ce stade que le simple fait de faire d'une langue un sujet d'enseignement offre déjà de nombreux terrains d'interprétation, dans lesquels débutent les travaux de

transposition. Nous allons voir dans le chapitre suivant, notamment par la définition des contenus d'enseignement et par les manuels utilisés dans quelle mesure le pourquoi de l'enseignement des langues se traduit dans le quoi et le comment.

Chapitre 5: Contenus,