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Résultats empiriques –

2. Profil des participants

3.2 Champs lexicaux

Rappelons-le brièvement: l'objectif de cette démarche est de classer chacun des termes produits dans un ou plusieurs champs lexicaux afin d'examiner lequel des domaines de représentation ainsi déterminés est plus ou moins prépondérants dans les représentations évoquées par les participants.

3.2.1 Précisions méthodologiques

Comme expliqué dans la section méthodologique, la première étape de cette classification consiste à définir quels seront les champs lexicaux examinés. Sur la base de ce qui a déjà été observé dans les chapitres précédents (on pensera par exemple à l'aspect normatif, aux aspects socio-culturels, à la dualité oral/écrit, ou encore à la contextualisation), mais aussi suivant les questions de recherche posées, et ce qui a été observé dans les données ce sont donc 12 "familles" de mots qui ont été définies, regroupant:

1. Les concepts propres au vocabulaire de l’enseignement scolaire des langues (montrant à quel point l'objet Langue est défini prioritairement par sa dimension scolaire)

2. Les concepts tirés d’un champ lexical linguistique (que les participants auraient potentiellement tirés de leur formation en linguistique)

3. Les concepts liés au plurilinguisme/multilinguisme (par lequel on peut examiner si la Langue est forcément liée aux langues et – surtout – si ces dernières sont perçues comme un

ensemble)

4. Les concepts définissant la Langue comme un système normatif et structuré (se référant à l'importance relative des règles, de la grammaire et des aspects formels de la Langue) 5. Les concepts définissant la Langue comme outil utilisé/utilisable dans des contextes divers 6. Les concepts définissant la Langue comme un objet qui s’apprend/s’acquiert (nous

rappelant le constat discuté dans le chapitre 3 que l'évaluation et le principe même de la progression sont intéressants en termes de représentation)

7. Les concepts définissant la Langue comme un vecteur relationnel (touchant donc au volet interactionnel et, d'une certaine façon, communicatif, de la Langue)

8. Les concepts caractérisant la Langue comme quelque chose d'oral 9. Les concepts désignant la nature écrite de la Langue

10. Les concepts définissant la Langue comme reflet d’une identité sociale et culturelle (revenant donc sur l'importance de la culture et de la Langue perçue comme reflet d'une société)

11. Les concepts définissant la Langue comme porteuse d’une identité individuelle (faisant donc écho aux théories se basant sur l'expression et la pensée individuelle déjà évoquées)

12. Les concepts désignant la langue comme partie de l'anatomie. (champ lexical découvert au fil des données et traitant un autre des sens du mot "langue")

La classification à proprement parler était finalement la plus grande partie de ce travail de

catégorisation. Le groupe de travail devait en effet déterminer lesquels des 861 concepts évoqués appartenait auquel/ auxquels de ces 12 champs lexicaux définis en attribuant les différents concepts aux différentes catégories (voir page 165). Chacun des membres du groupe, constitué de la Pr. Forel, d'une enseignante de français, d'un enseignant hors du champ des langues étrangères et de moi-même58 a d'abord classifié les concepts individuellement, sur une grille de travail permettant de cocher pour chaque mot les catégories pertinentes. Chaque membre a également reçu la description de chaque champ lexical ainsi que des lignes directrices de travail leur permettant de comprendre la nature des catégories et de juger en fonction d'une question-type. Cette description est disponible en annexe (Annexe 4, page 413). Deux constats ont été faits au fil de ce travail:

 Le travail étant extrêmement minutieux, il est apparu qu'à plusieurs reprises, un des collaborateurs a coché une case directement adjacente à celle qu'il souhaitait en effet cocher, faussant ainsi le classement final. Ceci a été décelé au fil des discussions mais doit être gardé à l'esprit pour d'éventuelles reproductions de ce procédé.

 En fonction du moment de travail ou de l'ordre de présentation des concepts, certaines catégories sont apparues aux différents membres du groupe de travail comme étant parfois peu pertinentes, parfois juste pertinentes, ce qui a poussé certains d'entre eux à attribuer deux termes très proches à des champs lexicaux parfois différents. Plusieurs de ces différences sont également apparues au fil de la discussion.

Cette réunion a donc permis de se prononcer sur l'attribution finale (ou non) du concept ou du mot évoqué à l'un ou l'autre des champs lexicaux, de façon unanime dans la majorité des cas. Lorsque même après la discussion, le groupe ne parvenait pas à se décider sur l'attribution ou non d'un terme à un champ lexical, j'ai décidé de mettre ces termes à part dans une liste proposée à quelqu'un de totalement neutre (un joker). A la suite du groupe de travail, un cinquième collaborateur

indépendant (journaliste de profession) s'est donc prononcé sur l'appartenance ou non (par une question du type "oui/non") des concepts restants aux catégories litigieuses. La liste de chacun de ces champs est disponible en annexe (Annexe 5).

3.2.2 Champs lexicaux après catégorisation

Ces catégories et les termes qu'elles comprennent peuvent donner lieu à de nombreuses analyses.

En effet, ils révèlent donc les différents champs sémantiques caractérisant les différents participants ou groupes de participants, ce à quoi nous allons revenir dans quelques instants. Il est avant cela intéressant d'examiner le nombre de mots de chaque catégorie:

58 Les occasions ne seront jamais suffisantes pour remercier ces trois collaborateurs pour ce travail infiniment minutieux, laborieux et valeureux!

On peut remarquer plusieurs

participants étaient tous des enseignants, que les termes directement liés au contexte dans lequel ils ont à parler de la "langue" soient plus nombreux et plus riches que les autres, mais peut aussi témoigner du fait que l'enseignement est un domaine qui traite la matière linguistique dans son ensemble; autant dans sa forme que sur les idées véhiculées, sur son usage, sa sonorité, son orthographe ou encore son ancrage culturel.

La notion d'un objet que l'on utilise à des fins précises a elle aussi été définie par un grand nombre de termes différents (tels que "agir", "humour", "insulte", "séjour", "manipuler", "presse"…), ce qui montre non seulement l'importance de la Langue comme instrument d'action, mais également la variété des utilisations qui peuvent en être faites et des contextes dans lesquels on se sert d'une langue. En tête de ces contextes, les interactions relationnelles semblent être placées en premier plan, puisque parmi tous les termes énoncés, on en compte plus de 120 impliquant forcément la présence de plusieurs personnes comme "agresser", "comprendre", "famille", "empathie",

"influencer", "respect" ou "séparation".

On se rend aussi compte que nettement plus de termes ont été attribués au champ de l'oralité qu'à celui de l'écrit, cette dernière dimension donnant apparemment lieu à des concepts plus variés, et qui – comme nous le voyons – semble donc occuper une plus grande place dans les représentations des enseignants.

Le peu de concepts se référant à la normativité, avant-dernière dans cette liste, semble également indiquer que ce trait de représentation n'évoque pas un grand nombre de termes – nous verrons dans quelques paragraphes que ceci se retrouve d'ailleurs également dans les fréquences des productions des participants.

3.2.2.1 Indice d'Ellegard

Avant de nous intéresser aux fréquences d'évocation de ces champs, il est aussi intéressant

d'examiner la proximité entre ces catégories en termes de contenu. L'indice d'association d'Ellegard (voir page 166) nous permet en effet de calculer la proximité entre deux dictionnaires formés ici par l'ensemble des mots de deux champs lexicaux. Pour rappel, plus l'indice d'Ellegard s'approche de 1, plus les dictionnaires sont semblables.

Catégorie nb mots

Tableau 8: Enquête sur La Langue: Nombre de termes par catégorie

Indices d'Ellegard

Ens. scolaire Linguistique scientifique Plurilinguisme Structure et norme Outil et contextes Objet d'apprentiss. Relationnel Oralité Ecrit Objet socioculturel Identité indiv. Bouche

Ens. scolaire 0.21 0.11 0.22 0.10 0.43 0.07 0.13 0.24 0.05 0.04 0.00 Linguistique scientifique 0.21 0.23 0.11 0.01 0.07 0.00 0.15 0.02 0.07 0.02 0.00 Plurilinguisme 0.11 0.23 0.02 0.05 0.02 0.01 0.04 0.04 0.26 0.05 0.00 Structure et norme 0.22 0.11 0.02 0.01 0.07 0.00 0.05 0.06 0.02 0.00 0.00 Outil et contextes 0.10 0.01 0.05 0.01 0.02 0.17 0.11 0.19 0.03 0.02 0.00 Objet d'apprentissage 0.43 0.07 0.02 0.07 0.02 0.01 0.04 0.02 0.01 0.08 0.00 Relationnel 0.07 0.00 0.01 0.00 0.17 0.01 0.10 0.03 0.13 0.13 0.04 Oralité 0.13 0.15 0.04 0.05 0.11 0.04 0.10 0.22 0.04 0.06 0.00

Ecrit 0.24 0.02 0.04 0.06 0.19 0.02 0.03 0.22 0.00 0.05 0.00

Objet socioculturel 0.05 0.07 0.26 0.02 0.03 0.01 0.13 0.04 0.00 0.06 0.00 Identité individuelle 0.04 0.02 0.05 0.00 0.02 0.08 0.13 0.06 0.05 0.06 0.02

Bouche 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.04 0.00 0.00 0.00 0.02 Tableau 9: Indice d'Ellegard entre les différents champs lexicaux. (Arrière-plan vert: > 0.20.)

On constate tout d'abord que les valeurs sont relativement faibles (l'indice d'association trouvé le plus haut étant de 0.43). Ceci est plutôt rassurant puisque le but de la définition de ces champs lexicaux était bel et bien de distinguer les familles lexicales, non de trouver des similitudes, même si certaines sont à soulever:

Premièrement, le dictionnaire représenté par les mots du champ de l'enseignement scolaire des langues est celui qui est le plus proche du plus grand nombre d'autres dictionnaires, puisque 7 autres catégories y sont liées avec un indice d'Ellegard de 0.10 ou plus. Même si la valeur même de ces indices est, comme nous l'avons dit, plutôt faible (le maximum étant à 0.43, et la moyenne à 0.07), il reste intéressant de constater que, par cette analyse également, l'enseignement ressort comme un domaine qui touche à toutes les autres facettes de la Langue évoquées dans ce travail, et de façon plus large, par les participants.

Le lien entre les champs de l'enseignement scolaire des langues et la Langue comme objet d'apprentissage est également particulièrement remarquable (rn=0.43), et dénote bien que

l'enseignement/apprentissage d'une langue a un ancrage fort dans l'idée qu'une langue nécessite un apprentissage et que le niveau des apprenants est sujet à évolution. Ceci se traduit par la présence dans les deux catégories de mots tels que "apprendre", "erreurs", "exercice", "examen", "facile",

"objectifs", "stratégies", "travailler"…

On voit également, alors que nous avions beaucoup parlé de la place plus importante accordée à la dimension orale de la Langue qu'à celle de l'écrit, c'est surtout cette dernière que l'on retrouve liée à l'enseignement. En effet, les concepts évoqués dans cette catégorie sont sensiblement plus proches du domaine de l'écrit (rn=0.24) que de l'oral (rn=0.13). Comme nous aurons l'occasion d'en discuter plus amplement plus tard, l'enseignement est sensiblement plus lié à une utilisation écrite la Langue qu'à sa pratique orale (voir la section 3.2.3). Il n'en reste pas moins que les champs de l'écrit et de l'oral sont, comme nous l'avons déjà mentionnés, complémentaires et donnent donc lieu à deux dictionnaires comparables (rn=0.22).

L'enseignement est également fortement lié à la linguistique (comprenant les termes propres aux sciences du langage) et de la Langue comme structure, et ce même si ces deux champs ne sont pas fortement similaires (rn=0.11). Ceci est particulièrement intéressant puisque les deux champs lexicaux sont fortement liés à une systématisation de la description de l'objet, à une forme de

"définition standardisée". En effet, dans leur activité quotidienne, les enseignants sont sans cesse amenés à expliquer l'objet linguistique, à fournir aux élèves des moyens de se repérer dans la multitude des éléments le constituant, et ce également en en délimitant les possibilités, en dressant les frontières de l'acceptable et du "faux", soulignant l'importance de tels champs lexicaux dans l'enseignement. On ne manquera d'ailleurs pas de remarquer, à ce titre, que le champ de la linguistique scientifique est cependant surtout proche de celui du plurilinguisme (rn=0.23) – qui est lui-même lié aux aspects socio-culturels (rn=0.26), et ce même si ces derniers ne se retrouvent pas dans la catégorie de l'Enseignement scolaire.

3.2.2.2 Recoupement proportionnel entre champs lexicaux

Ces considérations prennent d'ailleurs encore une ampleur différente si l'on examine, plutôt que ces indices d'Ellegard, le rapport proportionnel entre deux catégories. En effet,si on examine de façon unilatérale le pourcentage des concepts d'un champ qui se retrouvent dans un autre, ces liens se modifient un peu (et nous y trouvons une image peut-être tenant mieux compte des différences de taille des champs utilisés)59:

Recoupement