• Aucun résultat trouvé

7.3.2.1 Résumé de la nouvelle.

Cette nouvelle Xie Xiao’e zhuan 谢小娥传 (Histoire de XieXiao’e) est l’œuvre de Li Gongzuo 李公佐, fonctionnaire et écrivain de la période des Tang, vivant entre le 8ème et le 9ème siècle. L’auteur a écrit cette nouvelle comme si c’était la biographie d’une personne qu’il a connue.

Pour notre travail, nous avons utilisé le texte en chinois donné par le site de l’Université Normale de l’Est de la Chine et par celui de la société Baidu (consultés le 15 03 2010)

Xie Xiao’e était donc la fille d’un riche marchand ; mariée très jeune à un homme qui collaborait avec son père dans ses affaires. An cours d’un voyage en bateau, ils ont été attaqués par des pirates ; son père, son mari, tous les membres de l’équipe ont péri ; elle seule, blessée, a été sauvée ; elle se retrouva ainsi orpheline et veuve à quatorze ans ; sans ressources elle vivait de mendicité. Un jour elle vit en songe son père qui lui dit :

« Celui qui m’a tué c’est 车中猴门东草 ‘Che zhong hou men dong cao’ » soit en mot à mot : « Celui qui m’a tué c’est ‘Voiture, milieu, singe, porte, Est, herbe’. » Quelques jours après, son mari lui apparut aussi en songe et lui dit :

« Celui qui m’a tué c’est :禾中走一日夫 ‘He zhong zou yi ri fu’ » soit en mot à mot : « Celui qui m’a tué c’est ‘céréale sur pied, milieu, marcher, un, soleil, mari’. »

C’est une sorte de rébus en caractères chinois qu’elle ne comprenait pas ; pendant plus d’un an elle a cherché de l’aide auprès des personnes les plus instruites, mais personne ne parvenait à trouver la réponse.

C’est ici qu’intervint l’auteur de la nouvelle qui s’exprima à la première personne ; au cours d’un voyage, il alla voir un bonze de ses connaissances qui lui parla de Xie Xiao’e et de ses rébus ; il chercha et parvint à les résoudre.

Résumons son raisonnement en commençant par celui qui vient du mari défunt, plus simple: les trois premiers caractères 禾中走 he zhong zou signifient : marcher au milieu des céréales, ce qui revient à traverser un champ, or un champ c’est tian 田 et traverser un champ peut être représenté par un dessin comprenant le caractère tian 田 avec un long trait qui le traverse :申 ; ce dessin est le caractère shen représentant le 9ème des douze rameaux terrestres qui servent notamment à désigner les années ; par ailleurs en combinant les trois derniers caractères 一日

夫 yi ri fu on obtient le caractère 春 chun qui désigne le printemps ; l’assassin désigné par le rébus du mari défunt s’appelle donc Shen Chun.

Prenons maintenant les six caractères du rébus qui vient du père défunt, écrits cette fois en version non simplifiée48:車中猴門東草 ‘Che zhong hou men dong cao’ ; les trois premiers caractères signifient : un singe au milieu de la voiture ; en enlevant les deux traits horizontaux extérieurs du caractère 車 che, ce qui reste est son milieu, qui est aussi le caractère 申 shen désignant un des douze rameaux terrestres ; quand les rameaux terrestres servent à désigner des années, à chaque rameau correspond un animal ; pour shen c’est le singe ; ainsi c’est cohérent et 申 shen semble bien être le nom du second assassin ; en combinant les trois caractères restant 門東草 men dong cao, on obtient le caractère 蘭 lan=orchidée (avec 草 réduit à sa clef) ; le second assassin s’appelle donc Shen Lan.

Mise au courant des déductions de l’auteur, Xiao’e pleura à chaudes larmes presque en hurlant et fit le serment de tuer les deux assassins pour venger son père et son mari ; elle nota les deux noms, demanda à l’auteur son nom, ses fonctions et s’en alla. Elle se déguisait en garçon, louait ses services comme employée de maison. Un jour, deux ans après la mort de son père et de son mari, elle trouva sur la porte d’une maison du district de Xunyang un avis cherchant un employé, se présenta et c’était la maison de Shen Lan ; dominant sa colère, elle se fit embaucher, gagna la confiance des occupants et y resta plus de deux ans ; elle y retrouvait tous les objets que les pirates ont pris à sa famille lors de leur attaque du bateau. Un jour, Shen Chun qui était un cousin de Shen Lan vint chez celui-ci pour festoyer ensemble avec d’autres complices. Profitant de l’ébriété générale, Xiao’e enferma Shen Chun, trancha la tête à Shen Lan et appela le voisinage à la rescousse ; Shen Chun et plusieurs dizaines de complices furent arrêtés et condannés à mort. La droiture de Xiao’e, son comportement firent qu’elle fut dispensée de la peine de mort. Le texte indiqua que ces faits furent arrivés pendant l’été de l’an Yuan He 12. Agée maintenant de 19 ans, Xie Xiao’e déclina plusieurs demandes en mariage et se fit nonne. A l’occasion d’une seconde rencontre, Xie Xiao’e raconta la suite de son histoire à l’auteur de cette nouvelle, qui conclut son texte : « Connaître une bonne conduite et ne pas la consigner, ce n’est pas dans le sens de la chronique Printemps et Automnes, c’est pourquoi j’ai écrit ce texte pour célébrer cela. »

7.3.2.2 Les caractères zhi 志志 de la nouvelle.

Il y a quatre caractères zhi 志 dans cette courte nouvelle ; ils sont examinés dans l’ordre de leur apparition.

Ayant appris que Shen Chun vient voir Shen Lan, Xiao’e se dit : « Monsieur Li a très bien compris cette histoire mystérieuse, ses explications concordent bien avec les paroles entendues dans les rêves, c’est le Ciel qui a ouvert son cœur et son esprit, ma résolution (zhi 志) de venger mon père et mon époux va bientôt se réaliser. »

Le second zhi 志 se rencontre dans la phrase décrivant le comportement très déterminé de la novice Xiao’e, travaillant dur pour être digne de devenir nonne :

48 Pour comprendre les rébus il faut utiliser les caractères non simplifiés qui seuls existaient au

temps de l’auteur Li Gongzuo ; pour le rébus venant du mari défunt, les deux versions, en caractères simplifiés et non simplifiés, sont identiques.

« E, avec une ferme détermination, une conduite bravant les souffrances (娥, 志坚志坚志坚志坚 行苦

行苦 行苦

行苦 E, zhi jian xing ku) se consacre, par temps de pluie comme par temps de givre, aux tâches qui lui son confiées (ramassage du bois de chauffage,…) sans jamais se relâcher. ».

Comme indiqué au §3.3 consacré à l’étude des expressions toutes faites, le membre de phrase 志 坚 行 苦志 坚 行 苦志 坚 行 苦 « zhi jian xing ku » est devenu une de ces 志 坚 行 苦 expressions.

Le troisième zhi 志 est employé avec 愿 yuan formant 志愿 zhi yuan=aspiration ; il se trouve dans le paragraphe résumant le récit que Xiao’e a fait à l’auteur sur son entreprise depuis le début jusqu’à ce que son père et son époux aient été vengés, réalisant ainsi, dans les grandes lignes, son aspiration (志愿 zhi yuan). Le dernier zhi 志 se trouve vers la fin du texte dans un jugement attribué à un homme de bien anonyme :

« L’homme de bien dit : ‘Forger sa détermination et faire le serment de ne pas abandonner (誓志不舍 shi zhi bu she), parvenir à venger son père et son époux, c’est de la force d’âme ; louer ses services dans des milieux mélangés, sans laisser les autres savoir que vous êtes une femme, c’est de la chasteté.’ »

7.3.2.3 Observations.

Cette nouvelle a manifestement comme objectif de mettre en exergue la très grande détermination d’une jeune femme à poursuivre la réalisation des objectifs qu’elle s’est fixés : venger la mort de ses proches et devenir nonne ; dans cette recherche, elle ne recule pas devant les difficultés et accepte les sacrifices.

Les rencontres en songe avec les défunts, les rébus et leur résolution sont des éléments susceptibles de renforcer l’intérêt des lecteurs ; par ailleurs, le texte tel qu’il est rédigé présente Xie Xiao’e non comme un personnage de roman mais comme une femme exemplaire de la vie réelle.

7.3.3 L’étude de la notion de zhi志chez cinq personnages