• Aucun résultat trouvé

有惑志

有惑志

有惑志

« You huo zhi »

Cette expression est employée au paragraphe XIV.38 qui relate un entretien entre Confucius et Zifu Jingbo, grand officier du pays de Lu ; Gongbo Liao, un homme de Lu, ayant prévenu Ji Sun contre Zilu, disciple de Confucius, Zifu Jingbo en informa ce dernier et dit qu’il pouvait faire mettre à mort Gongbo Liao ; Confucius répondit que la réussite ou l’échec de la Voie dépendait du décret du Ciel et un Gongbo Liao ne pouvait rien y changer. Pour décrire l’état d’esprit de Ji Sun au sujet de Zilu suite aux dénigrements de Gongbo Liao, Zifu Jingbo a utilisé l’expression 有惑志 « You huo zhi » qui, selon le sens retenu pour 惑 huo peut être traduite soit par : « avoir des doutes, des soupçons » (au sujet de Zilu) soit par : « être égaré, être dans l’erreur. »

5.1.3 L’emploi du caractère yu

dans Les Entretiens de

Confucius.

Ce caractère est utilisé plus d’une trentaine de fois dans le texte du Lun yu ; dans le lexique annexé à l’ouvrage Les quatre Livres S. Couvreur en a donné les sens principaux : « Désirer, vouloir, aimer, convoiter ». En chinois moderne, yu 欲, moins utilisé se rapporte plutôt à des désirs très matériels ; déjà le Shuowen jiezi (par Xushen, fin du 1er siècle après J.C.) n’a retenu pour yu qu’un seul sens : Yu 欲= tan yu ye 贪欲也 soit yu = convoiter ou plus précisément convoiter les richesses (le caractère tan 贪 qui s’écrit avec la clef bei 贝, représentant le cauris , coquillage utilisé comme monnaie dans l’antiquité est très souvent associé avec les idées de gourmandise, de cupidité ou même de corruption).

Or dans le Lunyu sur plus d’une trentaine de caractères rencontrés, seuls deux ont été utilisés avec un sens nettement dépréciatif. Dans le premier cas (§ XIV.2), un disciple demanda à Confucius : « Etre libre de toute ambition, de tout désir de paraître, de toute rancune et de convoitise (yu 欲 ), est-ce atteindre la vertu d’humanité ? » ; réponse de Confucius : « Il est possible de dire que c’est faire une chose difficile ; dire si c’est atteindre la vertu d’humanité, je ne sais pas. ». Dans le second cas (§XIV.12), répondant à Zilu qui le questionna sur ce qu’était un homme accompli, le Maître dit : « Avoir les savoirs d’un Zang Wuzhong, le détachement (« bu yu » 不欲= non-convoitise) d’un Meng Gongchuo, la bravoure d’un Zhuangzi de Bian, les compétences de Ran Qiu, tout cela parachevé par la pratique de la bienséance et de la musique ; alors on peut dire qu’il s’agit dun homme accompli ». Dans ces deux emplois le caractère yu 欲 désigne une pensée , une attitude considérée comme négative et se traduit par un substantif (convoitise) .

Le verbe yu 欲 du § II.4 mérite une attention particulière ; ce paragraphe résume la vie de Confucius dans sa poursuite de la Voie : « A quinze ans , j’avais le zhi à l’apprentissage ; à trente ans, je m’établis ; à quarante ans je n’avais plus de doute ; à cinquante ans, je connaissais les décrets du Ciel ; à soixante ans, aucun propos ne pouvait me troubler ; à soixante-dix ans, je suivais tout ce que désirait (yu 欲) mon cœur sans transgresser aucune règle. » Yu 欲 n’est pas employé ici dans un sens dépréciatif ; la dernière phrase qui le contient signifie simplement qu’un homme ordinaire qui suivrait tout ce que son cœur désirait aurait enfreint quelque règle ; ce n’était pas le cas de Confucius dont tous les désirs, à l’âge de soixante- dix ans, auraient été « naturellement » conformes à la Voie.

Dans tous les autres cas yu 欲 est utilisé dans un sens neutre non dépréciatif; il est souvent traduit par un verbe (vouloir ou désirer) et a comme complément un verbe, un substantif ou un pronom.

Dans l’ensemble, l’expression «Yu 欲+complément » sert soit à relater des faits ou attitudes rencontrés dans la vie quotidienne soit à décrire des comportements exemplaires ou à exhorter les disciples à mener une vie conforme à la Voie : - un artisan qui veut16 faire du bel ouvrage doit commencer par aiguiser ses outils ( §XV.10) ;

-Confucius était invité par tel ou tel personnage, il aurait voulu y aller mais Zilu objectait : « ….. » (§XVII.4, §XVII.6) ;

-quelqu’un voulait voir Confucius (§XVII.1 et §XVII.18 ) ;

-quelqu’un croisa Confucius et chanta : « … » le Maître descendit de son char et voulut lui parler (§XVIII.5) ;

-honneurs et richesses sont ce que tout être humain désire,… -quelqu’un qui veut réussir au plus vite (§XIV.44) ;

-le Maître voulait vivre chez les neuf tribus barbares (§IX.14) ; -le Maître dit : « J’aimerais ne plus parler » (§XVII.17) ;

-pour répondre à Zizhang qui a demandé comment discerner l’égarement, Confucius s’est appuyé sur un exemple : « Aimer quelqu’un et vouloir qu’il vive, le haïr et vouloir qu’il meure ; vouloir sa vie puis vouloir sa mort, c’est cela l’égarement. » (§ XII.10) ; dans ce passage yu 欲 est associé successivement à deux souhaits opposés, ce qui illustre bien l’emploi neutre qui en est fait; c’est aussi un des rares cas où ce caractère est associé à un souhait négatif ;

16

-en réponse à une question de Zizhang, Confucius a cité les cinq excellences dont il faut faire grand cas et les quatre méchantes pratiques qu’il faut éliminer pour être apte à participer au gouvernement ; parmi les excellences il y a eu l’indication « désirer et ne pas convoiter » ( yu er bu tan 欲而不贪) ; c’est exactement le contraire de la définition de yu 欲 donnée par le Shuowen jiezi rappelée ci-dessus; prié d’expliciter l’indication « désirer et ne pas convoiter », Confucius a expliqué : « Aspirer à la vertu d’humanité et y parvenir, où serait la convoitise ? ».

-« Ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il fût fait à soi-même, » ; ce précepte fondamental a été énoncé deux fois aux paragraphes XII.2 et XV.24 sous une forme impersonnelle et lapidaire :

其所不欲,勿施于人。 « Qi suo bu yu, wu shi yu ren. » Soit en mot à mot:

« Ce que soi-même ne veut pas, ne pas le faire à autrui. »

Zigong en parlant de lui-même l’a énoncé sous une forme personnelle : « Ce que je (wo 我) ne voudrais pas qu’on me (wo 我) fit , je(wu 吾) veux aussi ne pas le faire à autrui » et Confucius lui a répondu : « Mon cher Ci, tu n’y es pas encore » ( §V.12) .

Le paragraphe VI.30 donne un autre précepte qui complète le précédent sur le versant des souhaits positifs et qui est plus généreux parce qu’il dépasse l’idée de la stricte réciprocité :

夫仁者,己欲立而立人,己欲达而达人。 « Fu ren zhe, ji yu li er li ren, ji yu da er da ren. » Soit:

« Un humain animé par la vertu d’humanité établit les autres s’il veut s’établir, fait arriver les autres s’il veut arriver. »

Les résultats de l’analyse de l’emploi de ce caractère dans le Lunyu tendent à montrer que la langue chinoise, outre le caractère yao 要 très utilisé en chinois moderne , dispose aussi du caractère yu 欲 pour désigner de façon neutre une activité de nature volitive.

5.1.4 Note sur les notions de xian (sage), de Sheng圣ou