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Les personnages de Liu Bei, Guan Yu et Zhang Fei.

principaux du Roman des Trois Royaumes.

7.3.3.2 Les personnages de Liu Bei, Guan Yu et Zhang Fei.

Après une introduction générale sur l’état plutôt critique de l’empire, le chapitre 1 donne des informations sur la force des Turbans jaunes, leurs attaques et les réactions des autorités de l’empire. Une partie de l’armée des Turbans jaunes étant sur le point de pénétrer dans la région de Youzhou, son gouverneur Liu Yan, apparenté à la famille impériale, fait afficher un appel à la population pour que des volontaires s’enrôlent pour la défense contre les rebelles ; c’est en répondant à cet appel que Liu Bei, Guan Yu et Zhang Fei font connaissance et deviennent des frères jurés.

Le texte présente Liu Bei comme quelqu’un qui n’aime pas trop se consacrer à la lecture des livres ; il est généreux et bienveillant, parle peu, ne laisse pas apparaître ses sentiments sur son visage, nourrit depuis toujours de grandes et nobles ambitions (素有大志 su you da zhi) et aime entrer en relation avec les personnes de grande valeur.

Tout jeune, jouant avec d’autres enfants sous un grand mûrier dont le feuillage ressemblait au dais d’un char de grand dignitaire, Liu Bei s’écria : « Je fais le fils du Ciel et je voyage sur un char à dais ».

C’est un descendant d’une branche cadette de la famille impériale des Han dont un ancêtre a perdu son apanage de marquis et qui s’est appauvrie de génération en génération ; ayant perdu très tôt son père, Liu Bei sert sa mère avec piété, vend des sandales de paille, fabrique des nattes pour gagner sa vie.

Voyant Liu Bei pousser un long soupir en lisant l’Appel à l’enrôlement, un puissant gaillard de 8 pieds l’interpelle et à la demande de Liu Bei se présente : il s’appelle Zhang Fei, sa famille habite cette région depuis des générations, possède un domaine rural avec des champs, un commerce d’alcool et un abattoir de porcs ; lui-même il aime entrer en relation avec les personnes de grande valeur.

Liu Bei lui répond : « Je suis un descendant de la famille impériale des Han, mon nom de famille est Liu, mon nom personnel est Bei ; maintenant que j’entends

parler des désordres causés par les Turbans Jaunes, je veux (有志欲 you zhi yu) détruire ces brigands et apporter la paix au peuple ; je regrette que mes moyens soient insuffisants, c’est la raison de mon long soupir. »

Zhang Fei lui répond : « J’ai quelques moyens qui permettent de recruter des braves du village pour avec vous, Monsieur, débuter notre grande affaire ; qu’en pensez vous ? ». Liu Bei en est très content et tous les deux vont à l’auberge du village pour prendre quelque boisson alcoolisée. Une fois attablés les deux amis voient arriver un homme impressionnant de puissance, 9 pieds de haut avec un visage rouge et une barbe de 2 pieds de long ; l’homme demande qu’on lui serve rapidement à boire car il va aller en ville pour s’enrôler dans l’armée. Liu Bei vient lui proposer de se mettre ensemble et l’homme se présente : il s’appelle Guan Yu ; comme un tyranneau du coin abusait de sa position pour opprimer les gens, il l’a tué et depuis 5, 6 ans, pour échapper aux poursuites, il circule dans le monde des rivières et des lacs ; ayant entendu parler de cet Appel à l’enrôlement il vient pour s’engager. Liu Bei lui expose alors son dessein ( 以己志告之 yi ji zhi gao zhi); il en est très content.

Les trois rentrent à la ferme de Zhang Fei pour délibérer et prendre des décisions concernant leur grand projet. Zhang Fei propose de procéder le lendemain, dans le jardin de pêchers de son domaine, à un sacrifice au Ciel et à la Terre afin de les prendre à témoin de leur intention de s’allier et devenir des frères jurés, de conjuguer leurs forces et d’unir leurs cœurs ; après cela, il leur sera possible de se consacrer à la réalisation de leur grande affaire ; les deux autres approuvent. Le lendemain dans le jardin de pêchers, après avoir préparé les offrandes dont un buffle noir et un cheval blanc, les trois hommes brûlent de l’encens, se prosternent à plusieurs reprises et font le serment suivant :

« Nous, Liu Bei, Guan Yu, Zhang Fei, bien que portant des noms de famille différents, nous nous sommes alliés pour devenir des frères jurés ; ainsi nos cœurs sont unis et nos forces conjuguées. Nous nous devons secours et assistance en cas d’adversité ou de danger. En haut, nous remplirons notre devoir envers notre pays et en bas, nous apporterons la paix à la multitude. Nous n’avons pas besoin de naître la même année, le même mois, le même jour, nous voulons seulement mourir la même année, le même mois, le même jour. Que l’Auguste Ciel et la Souveraine Terre examinent la sincérité de nos cœurs ; celui d’entre nous qui tournerait le dos à notre aspiration commune, qui oublierait nos devoirs réciproques, que le Ciel et les hommes le punissent de mort. »

Après le serment, Liu Bei est honoré comme le frère aîné, Guan Yu comme le puîné et Zhang Fei est le cadet. Le sacrifice au Ciel et à la Terre effectué, un banquet est organisé, auquel participent plus de trois cents braves du village. Dès le début du roman, on voit que l’auteur a particulièrement privilégié le personnage de Liu Bei ; c’est lui qui conçoit et expose son aspiration, son zhi 志 : « détruire les brigands et apporter la paix au peuple », d’abord à Zhang Fei qui met ses moyens matériels et financiers au service de cet objectif, puis à Guan Yu qui en est très heureux. L’intention initiale de ce dernier, redresseur de torts en fuite suite à un meurtre, est : il veut s’engager dans l’armée ; quant à Zhang Fei certains de ses comportements dans ce premier chapitre montrent qu’il a aussi une mentalité de redresseur de torts assez spontané ou impulsif.

En fait dans ce premier chapitre, qui présente aussi Cao Cao que nous verrons au paragraphe suivant, les trois caractères zhi 志 qui ne sont pas le prénom d’un personnage, se rapportent tous à Liu Bei ; c’est ce dernier qui parle de son zhi, son ambition, sa détermination ; Guan Yu et Zhang Fei suivent ; Cao Cao aura l’occasion de parler de son zhi 志, mais plus tard, pas dans ce premier chapitre49 . Par ailleurs, la constitution de cette fraternité jurée est un exemple de zhi 志 collectif très fort ; c’est Zhang Fei qui, le premier, en a suggéré l’idée, mais c’est Liu Bei qui en a formulé l’ambition politique.