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principaux du Roman des Trois Royaumes.

7.3.3.4 Le personnage de Zhuge Liang.

D’une vingtaine d’années plus jeune que Liu Bei, Zhuge Liang ne rencontre ce dernier qu’au chapitre 38.

Mais grâce aux déclarations d’autres personnages, la réputation de Zhuge Liang comme un homme aux capacités extraordinaires nous est connue un peu avant. Au chapitre 36 Xu Shu, un excellent conseiller de Liu Bei, trompé par une fausse lettre, quitte celui-ci pour se rendre auprès de sa mère à Xuchang, capitale sous la domination de Cao Cao ; en partant il propose à Liu Bei d’aller chercher Zhuge Liang qu’il présente comme un génie comparable à Lü Wang ou Zhang Liang qui ont aidé à fonder respectivement la dynastie des Zhou et la dynastie des Han. Il est même allé voir Zhuge Liang pour s’assurer que celui-ci ne refusera pas l’invitation de Liu Bei. Zhuge Liang n’apprécie pas son intervention et dit qu’il le prend pour un animal destiné au sacrifice.

Au chapitre 37 Sima Hui propose aussi à Liu Bei de chercher à avoir Zhuge Liang comme conseiller ; il rapporte qu’un jour des gens demandent à Liang quelle est son ambition (son zhi 志), Liang ne répond pas et se contente de rire ; il se compare souvent à Guan Zhong et Yue Yi (respectivement Premier ministre de l’Etat de Qi, époque Printemps Automnes et ministre du royaume de Yan, époque des Royaumes combattants) ; pour Sima Hui on ne peut comparer ces deux personnages à Zhuge Liang qui est à mettre au niveau des plus grands : Lü Wang et Zhang Liang.

Le reste du chapitre 37 est consacré aux deux premiers voyages de Liu Bei à Longzhong pour voir Zhuge Liang, voyages sans succès car à chaque fois Zhuge Liang est absent.

Lors de sa seconde venue, Liu Bei demande au jeune domestique, qui vient ouvrir, si son maître est présent ; la réponse est oui ; Liu Bei entre et remarque sur le mur deux phrases parallèles en gros caractères:

Une vie frugale qui fait briller notre aspiration (zhi 志), Une démarche calme qui permet d’aller loin.

Il entend aussi un jeune homme déclamer un poème exprimant une grande ambition et attend la fin du poème pour se présenter ; le jeune homme le détrompe, il n’est pas Zhuge Liang mais Zhuge Jun, frère de Zhuge Liang ; à sa demande Zhuge Jun lui apporte du papier et un pinceau ; Liu Bei écrit une lettre pour Zhuge Liang et rentre à Xinye avec sa suite.

Des mois passent, on arrive au printemps, Liu Bei fait consulter les sorts avec des brins d’achillée pour déterminer les jours fastes, jeûne pendant trois jours, se purifie afin de se rendre pour la troisième fois à Longzhong solliciter la collaboration de Zhuge Liang. Apprenant la nouvelle, Guan Yu et Zhang Fei ne sont pas contents et décident de voir Liu Bei pour l’en dissuader.

Le chapitre 37 se termine sur une remarque sur ce point en forme de vers : « L’éminent sage n’a pas gagné le cœur (zhi 志) des héros,

L’humilité, contre toute attente, crée le doute chez des hommes de valeur. »

Le chapitre 37 comprend trois caractères zhi 志 ; les deux premiers concernent Zhuge Liang ; le dernier que nous avons traduit par ‘cœur’ est moins important.

Au chapitre 38, c’est le début de la collaboration entre Liu Bei et Zhuge Liang. Malgré les réticences de Guan Yu et de Zhang Fei, Liu Bei maintient sa décision d’aller chez Zhuge Liang pour la troisième fois.

A son arrivée Liu Bei trouve Zhuge Liang en train de dormir ; il demande au jeune domestique de ne pas le réveiller puis laissant ses deux frères dehors il entre seul, reste debout les mains jointes à attendre que Zhuge Liang se réveille et finit par avoir un entretien avec lui. C’est un jeune homme de huit pieds de haut avec un très beau visage qui, avec sa façon de s’habiller, de se comporter, dégage une impression de détachement, de pureté quelque peu surnaturelle.

Liu Bei s’incline très bas, se dit être un ignorant et demande à Zhuge Liang de l’éclairer ; Zhuge Liang de son côté se considère comme un jeune paysan, aux capacités insuffisantes…

Après quelques échanges de cette sorte, Zhuge Liang dit : « Je souhaite vous entendre parler de vos aspirations (zhi 志) ». Liu Bei demande à l’entourage de sortir avant de répondre :

«La dynastie des Han est en pleine décadence ; des sujets félons ont usurpé l’autorité impériale ; sans avoir bien évalué mes capacités, j’ai voulu promouvoir la grande cause dans tout l’empire ; mais, mon intelligence étant superficielle et mes capacités insuffisantes, finalement je n’ai rien accompli. Vous seul, Monsieur, pouvez ouvrir l’esprit au sot que je suis et me sauver de cette situation calamiteuse. »

Zhuge Liang résume alors pour Liu Bei la situation de l’empire :

au Nord, Cao Cao dispose d’une armée d’un million d’hommes et se prévaut de l’autorité du Fils du Ciel pour donner des ordres aux princes feudataires, Liu Bei ne peut espérer concurrencer Cao Cao sur son terrain ; au Sud, Sun Quan et sa famille administrent le Jiangdong depuis trois générations, la population les approuve et le pays dispose de bonnes défenses naturelles ; LiuBei peut en faire un allié, mais n’a aucune chance de conquérir ce pays ; il reste deux régions :celle de Jingzhou d’une grande importance stratégique et celle de Yizhou étendue et riche ; elles sont à la portée de Liu Bei.

Zhuge Liang lui conseille de prendre Jingzhou puis Yizhou pour y établir un troisième état face aux deux autres, matérialisant ainsi le partage de l’empire en trois ; selon Zhuge Liang, au nord Cao Cao a su saisir l’opportunité offerte par le Ciel, au Sud Sun Quan a l’avantage du terrain, à l’ouest Liu Bei doit chercher à gagner le cœur des hommes, notamment en y établissant un bon gouvernement ; sur le plan extérieur Zhuge Liang propose de rester en harmonie avec les tribus Rong à l’ouest, de tranquilliser les pays Yi et Yue au sud et de nouer une alliance avec Sun Quan à l’est. Par la suite il faudra renforcer le pays en attendant l’occasion propice ; le moment venu, une double attaque avec une armée partant de la région de Jingzhou et l’autre de la région de Yizhou peut permettre de rétablir la fortune de la Maison des Han.

Liu Bei s’incline et remercie Zhuge Liang pour toute cette lumière mais il a quelques scrupules ; Jingzhou est à Liu Biao et Yizhou à Liu Zhang, comment peut-il prendre ces contrées à des parents ? Zhuge Liang cherche à le rassurer et y parvient facilement.

Liu Bei prie alors Zhuge Liang de descendre de sa colline pour l’aider, mais celui- ci décline l’invitation. Liu Bei se met à pleurer à chaudes larmes et demande ce que deviendra le peuple si Zhuge Liang ne sort pas de sa chaumière ; finalement il

parvient à convaincre Zhuge Liang qui accepte. Liu Bei et sa suite passent la nuit à la ferme de Zhuge Liang ; le lendemain celui-ci confie la ferme à son frère et part avec Liu Bei.

Cette partie du chapitre 38 relatant la rencontre entre Liu Bei et Zhuge Liang se termine par un poème de vingt vers heptasyllabiques, très élogieux pour Zhuge Liang ; il nous apprend que Liang a 27 ans à l’époque, souligne qu’il a de grandes ambitions (有大志 you da zhi) servies par une clairvoyance extraodinaire. Ce caractère zhi 志 est le second et dernier du chapitre 38.

La collaboration entre Liu Bei et Zhuge Liang dure une quinzaine d’années jusqu’au décès de Liu Bei au chapitre 85 qui nous montre Liu Bei, souverain de Shu, confier ses enfants à son premier ministre Zhuge Liang.

7.3.3.5 Observations.

Liu Bei, personnage préféré de l’auteur et ses proches collaborateurs, offrent une illustration intéressante de l’établissement du zhi 志 et de la poursuite de sa réalisation.

C’est Liu Bei qui formule son propre zhi 志 et associe Guan Yu et Zhang Fei, des hommes forts, courageux à son ambition ; le serment du Jardin des pêchers exprime le zhi 志 collectif des trois frères jurés qui est de remplir leur devoir envers le pays et d’apporter la paix à la multitude.

Les trois hommes sont à peu près de la même génération ; en obtenant la collaboration de Zhuge Liang, d’environ vingt ans plus jeune que lui, Bei non seulement parvient à compléter sa légitimité de descendant des Han et les capacités guerrières de Guan Yu et de Zhang Fei par les compétences exceptionnelles en stratégie de Zhuge Liang mais il se donne aussi un collaborateur fidèle à qui il pourra confier plus tard son royaume et ses enfants. Zhuge Liang est le second personnage du groupe à qui le texte attribue de grandes ambitions (da zhi 大志) ; son ambition est de devenir un grand conseiller d’un souverain ; ceci fait que sa collaboration avec Liu Bei est parfaite.

Le personnage de Cao Cao fournit une illustration non idéalisée d’un homme politique réaliste ; il a de grandes ambitions (da zhi 大志), une détermination forte ainsi que des capacités polititiques remarquables.

Le texte nous laisse savoir que les trois personnages principaux : Liu Bei, Zhuge Liang et Cao Cao nourrissent tous, depuis un temps indéterminé, de grandes ambitions, probablement pas bien définies au départ ; elles le seront par la suite au cours des actions.

7.3.4 L’étude de la notion de zhi

chez des personnages