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cœur Les chapitres 21 et 23.

5.5.2.1 L’autonomie de l’être humain.

Le chapitre 23 intitulé : « La mauvaise nature (humaine) » commence ainsi :

人之性恶, 其善者伪也.

« Ren zhi xing e, qi shan zhe wei ye. »

Soit :

« La nature humaine est mauvaise, ce qui est bon en lui est élaboré. »

Le caractère wei 伪 que nous avons traduit ici, suite à Ivan P. Kamenarovic, par « élaboré », est composé du verbe « wei 为 = faire » précédé de la clef de l’homme ; son sens fondamental est : « fait par l’homme ».

Très tôt ce caractère a acquis en plus le sens de : « faux », « frauduleux »… par exemple dans le livre de Mencius, paragraphe 3.A.4 :

…国中无伪

« …guo zhong wu wei » Soit :

« …(alors) il n’y a plus de fraude dans le pays. »

Malgré le risque possible de malentendu lié à cette polysémie, Xun Zi a utilisé ce caractère wei 伪 29 fois dans le chapitre 23 dont le texte en chinois ne dépasse pas 6 pages.

Par ailleurs, la phrase: 其善者伪也

« qi shan zhe wei ye »

Soit: « Ce qui est bon en lui est élaboré. » a été répétée 9 fois dans ce même texte.

Cette répétition et cette utilisation fréquente du caractère wei 伪 montrent bien l’insistance avec laquelle Xun Zi affirme que le « bien » est une affaire strictement humaine.

Pour Mencius, il existe, par nature, chez l’être humain, des parties nobles et des parties viles, des parties majeures et des parties mineures ; celui qui nourrit ses parties majeures deviendra un grand humain ; celui qui nourrit ses parties mineures sera un humain de peu ; la vertu d’humanité, le sens du juste, l’amour

inlassable pour le bien… sont des titres de noblesse conférés par le Ciel (Mencius 6.A.14, 6.A.15 et 6.A.16) ; le rôle de l’humain est de faire pousser les bonnes germes qui existent déjà en lui.

Chez Xun Zi, pour qui la nature humaine est mauvaise, le rôle de l’humain est beaucoup plus important : il lui faut corriger sa propre nature ; celle-ci est comparée à du bois tordu qui doit être rectifié. Les moyens pour cette rectification sont l’enseignement des maîtres (shi 师), les normes et règles (fa 法), la bienséance authentique (li 礼)25 et le sens du juste (yi 义,義 ).

A la question : « La nature humaine étant mauvaise, comment peuvent naître la bienséance authentique et le sens du juste ? », Xun Zi a répondu :

凡礼义者, 是生于圣人之伪, 非故生于人之性也.

« Fan li yi zhe, shi sheng yu sheng ren zhi wei, fei gu sheng yu ren zhi xing ye ». Soit :

« La bienséance authentique, le sens du juste, tous naissent de l’élaboration humaine (wei 伪) des Saintes Personnes et ne naissent pas de la nature (xing 性) de l’homme.»

Le texte offre ensuite, à titre de comparaison, des images de travaux concrets comme celui du potier :

« Lorsqu’un potier ajoute de l’eau à l’argile, la malaxe et fabrique un ustensile, alors l’ustensile naît de l’élaboration humaine (wei 伪) du potier, il ne naît pas de la nature de l’humain. »

avant de poursuivre les explications :

« Les Saintes Personnes transforment la nature humaine (hua xing 化性) et font surgir l’élaboration humaine (qi wei 起伪); de l’élaboration humaine, naissent la bienséance authentique (li 礼 ) et le sens du juste (yi 义 ) ; la bienséance authentique et le sens du juste nés, alors sont instituées normes et règles.

Ce que les Saintes Personnes ont en commun avec les hommes de la foule c’est la nature humaine (xing 性), ce par quoi elles en diffèrent est l’élaboration humaine (wei 伪).»

S’appuyant sur des exemples courants : des pauvres qui voudraient devenir riches, des personnes au physique quelconque qui voudraient devenir belles, des gens de basse condition qui voudraient occuper des positions éminentes… le texte déclare : « Tout humain qui veut (yu 欲) faire le bien, il le veut parce que sa nature est mauvaise. »

Cette phrase peut être interprétée de différentes façons ; on peut par exemple admettre qu’elle veut dire au minimum que : la nature de l’humain étant mauvaise, cela entraîne l’existence d’un enjeu qui constitue l’objet du désir représenté par le verbe yu 欲.

Vouloir corriger sa propre nature est un acte très important qui peut être considéré comme une marque fondamentale caractérisant l’être humain. Bien entendu il ne

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Li 礼 est souvent traduit par rites mais il convient de noter que, pour le Xunzi, chap.27, « Le li 礼 prend comme racine la concordance avec le cœur humain, … »; pour cette raison, nous convenons de traduire li 礼 par l’expression: « bienséance authentique » ou pour faire

court : « bienséance », ce mot désignant le caractère de quelque chose qui convient ou cette chose elle-même.

suffit pas de vouloir faire le bien, il faut le faire et persévérer et cela peut conduire à des résultats exceptionnels ; ainsi le texte dit :

« Soit un homme de la rue qui apprend de tout son cœur, avec sa résolution orientée exclusivement vers cela (专心一志 zhuan xin yi zhi) ; il suit humblement la méthode, réfléchit, cherche, enquête tout en accumulant, sans s’arrêter, jour après jour, pendant longtemps de bonnes actions, alors cet homme de la rue sera en communion avec la clarté merveilleuse et participera aux actions du ciel et de la terre. C’est pourquoi une Sainte Personne devient ce qu’elle est par accumulation d’actions humaines. »

Le caractère zhi 志志志志 ci-dessus est le seul du chapitre 23 ; il est utilisé ici dans l’expression : « 专心一志专心一志专心一志专心一志 zhuan xin yi zhi » qui signifie : s’appliquer de tout son cœur ( à faire quelque chose) et orienter sa résolution exclusivement sur cela .

5.5.2.2. Les capacités du cœur humain. Son autonomie.