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L’authenticité du Ciel, de la Sainte Personne et celle de l’être humain.

« Zhong yong »)

5.4.4 La notion d’authenticité.

5.4.4.1 L’authenticité du Ciel, de la Sainte Personne et celle de l’être humain.

Le chapitre 20, de loin le plus développé du Zhong yong, débute par une question du duc Ai sur le bon gouvernement ; la réponse du Maître à cette question occupe à peu près les 70% de l’espace du paragraphe. C’est une réponse concrète abordant de nombreux aspects :

• un élément essentiel : les hommes ; pour attirer les hommes il faut cultiver sa personne, pour cultiver sa personne il faut cultiver la Voie, on cultive la Voie par la vertu d’humanité…;

• les cinq relations : entre prince et sujet, entre père et fils, entre époux et épouse, entre frère aîné et frère puîné, entre amis ;

• les trois capacités : la connaissance, la vertu d’humanité, le courage ; • les neuf règles pour diriger les nations sous le ciel : cultiver sa personne, honorer les sages, chérir ses proches, respecter les grands officiers, montrer de la compréhension vis-à-vis du corps des mandarins, traiter les gens du peuple comme ses enfants, faire venir les artisans des cent corps de métiers, bien traiter les gens qui viennent de loin, choyer les princes feudataires ;

• importance de la préparation : tout ce qui est préparé à l’avance va vers le succès.

Après avoir traité de façon détaillée ces sujets, le paragraphe passe à la notion d’authenticité par une transition traduite ci-dessous :

« Si ceux qui sont dans une position inférieure n’obtiennent pas [la confiance] de leurs supérieurs, le peuple ne peut être bien gouverné ; obtenir [la confiance] de ses supérieurs, cela a sa voie (ses exigences) : si l’on n’a pas la confiance de ses amis , on n’obtient pas [la confiance] de ses supérieurs ; avoir la confiance de ses amis, cela a sa voie : si l’on ne s’accorde pas avec ses parents, on n’a pas la confiance de ses amis ; s’accorder avec ses parents, cela a sa voie : si, faisant retour sur soi, [on s’aperçoit qu’] on n’est pas authentique, on ne s’accorde pas avec ses parents ; accéder à l’authenticité personnelle, cela a sa voie : si l’on n’a pas une claire vision du bien, on n’accède pas à l’authenticité. (诚身有道, 不明乎 善, 不诚乎身矣. Cheng shen you dao, bu ming hu shan, bu cheng hu shen yi. ) » Nous avons reproduit ci-desus la phrase en chinois qui correspond à la dernière phrase, fort importante, qui commence par : accéder à l’authenticité personnelle, …

A partir de ce point, le texte présente, en moins de 140 caractères, la notion d’authenticité : 诚者,天之道也。诚之者,人之道也。 诚者,不勉而中,不思而得,从容中道,圣人也。 诚之者,择善而固执之者也。 博学之,审问之,慎思之,明辨之,笃行之。 有弗学,学之弗能,弗措也。 有弗问,问之弗知,弗措也。 有弗思,思之弗得,弗措也。 有弗辨,辨之弗明,弗措也。 有弗行,行之弗笃,弗措也。 人一能之,己百之。人十能之,己千之。 果能此道矣,虽愚必明,虽柔必强。

« Cheng zhe, tian zhi daoye. Cheng zhi zhe, ren zhi dao ye.

Cheng zhe, bu mian er zhong, bu si er de, cong rong zhong dao, sheng ren ye.

Cheng zhi zhe, ze shan er gu zhi zhi zhe ye.

Bo xue zhi, shen wen zhi, shen si zhi, ming bian zhi, du xing zhi. You fu xue, xue zhi fu neng, fu cuo ye.

You fu wen, wen zhi fu zhi, fu cuo ye. You fu si, si zhi fu de, fu cuo ye.

You fu bian, bian zhi fu ming, fu cuo ye. You fu xing, xing zhi fu du, fu cuo ye.

Ren yi neng zhi, ji bai zhi. Ren shi neng zhi, ji qian zhi. Guo neng ci dao yi, sui yu bi ming, sui rou bi qiang. »

Soit :

« L’authenticité, c’est la manière du Ciel. Accéder à l’authenticité, c’est la voie de l’homme.

Être l’authenticité, c’est le fait d’être dans la centralité sans effort, d’appréhender sans travail de réflexion, de cheminer libre et à l’aise sur la voie du centre ; c’est le cas de la Sainte Personne.

Celui qui accède à l’authenticité, c’est celui qui choisit le bien et s’y tient fermement.

Il (lui) faudra étudier cela dans toute son ampleur, s’en enquérir dans le détail, y réfléchir avec attention, le discerner clairement, le mettre en pratique avec conviction et diligence.

S’il y a des choses qu’on n’étudie pas ou qu’on étudie mais sans parvenir à les maîtriser, alors on ne s’arrêtera pas là en chemin.

S’il y a des choses dont on ne s’enquiert pas ou dont on s’en enquiert mais sans parvenir à les connaître, alors on ne s’arrêtera pas là en chemin.

S’il y a des choses sur lesquelles on ne réfléchit pas ou sur lesquelles on réfléchit mais sans parvenir à les appréhender, alors on ne s’arrêtera pas là en chemin. S’il y a des choses qu’on ne cherche pas à discerner ou qu’on cherche à discerner mais sans parvenir à une perception claire, alors on ne s’arrêtera pas là en chemin. S’il y a des choses qu’on ne met pas en pratique ou qu’on met en pratique mais sans conviction et diligence, alors on ne s’arrêtera pas là en chemin.

Ce que d’autres réussissent en une fois, je le ferai (si nécessaire) en cent fois. Ce que d’autres réussissent en dix fois, je le ferai (si nécessaire) en mille fois.

Si vraiment on est capable de suivre cette voie, alors à coup sûr, quoique ignorant on deviendra éclairé, quoique faible on deviendra fort. »

Commentaires :

Le premier alinéa distingue la manière d’être du Ciel et la voie de l’être humain. Le second alinéa est consacré au Sheng ren 圣人 désignation que nous traduisons par Sainte Personne ; il est à noter qu’en ce qui concerne l’authenticité, la manière de la Sainte Personne est pratiquement celle du Ciel ; la phrase la concernant comme celle concernant le Ciel commencent par cheng zhe 诚者 (L’authenticité ou Être l’authenticité) alors que celle qui décrit la situation de l’homme commence par cheng zhi zhe 诚之者 (Celui qui accède à l’authenticité) ; la Sainte Personne n’a aucun effort (de type humain) à faire et tout est parfait ; son mode d’action est différent. Cependant considérer ce mode d’action de la Sainte Personne comme un élément tendant à montrer que la pensée chinoise est favorable au non-effort serait un malentendu ; en effet les penseurs chinois ne s’y trompent pas ; ils savent bien que cette notion de Sheng 圣 correspond à une figure théorique pratiquement inaccessible aux hommes de ce monde et que beaucoup d’efforts sont à faire ne serait-ce que pour se rapprocher de cette figure. (Voir la note sur les notions de xian 贤=sage et de Sheng 圣 vers la fin de la section consacrée aux Entretiens de Confucius).

Les sept phrases suivantes indiquent, en détail, à l’homme ordinaire ce qu’il faut faire pour accéder à l’authenticité. Ils constituent un exemple très concret de l’établissement du zhi 志 et de sa mise en application, l’ensemble formant un plan d’action qu’on peut décomposer en quatre étapes :

a) faire son choix (le texte suggère de choisir le bien pour espérer d’accéder à l’authenticité) ;

b) étudier le sujet dans toute son ampleur, s’en enquérir dans le détail, réfléchir avec attention, discerner clairement ;

d) contrôler que les différentes actions : étude, réflexion, …, mise en application ont été effectuées de façon complète et correcte, sinon il faudra persévérer dans ses efforts.

A première vue on pourrait critiquer ce programme de réflexion et d’action en disant qu’il commence par l’étape a) qui concerne le choix à faire avant l’étape b) consacrée à l’étude, à la recherche, à la réflexion… ; un tel ordre pourrait avoir pour effet d’enlever à l’étape b) une grande partie de son utilité ; en réalité ce n’est pas le cas car le choix initial proposé est celui du bien, notion générale qui ne fait que fournir une orientation à partir de laquelle la personne, par l’étude, la recherche, la réflexion pourra vraiment bâtir son projet de vie ; l’étape d) qui propose d’effectuer des contrôles et de ne pas s’arrêter si l’on constate des insuffisances montre bien que le programme proposé est un programme de nature itérative.

L’avant-dernière phrase conseille de revenir à la charge cent fois s’il le faut afin de réussir ce que d’autres réussissent en une seule fois, c’est une exhortation à la détermination.

La dernière conclut qu’en suivant une telle voie, une personne même peu douée pourra devenir éclairée et forte.

5.4.4.2 L’authenticité condition nécessaire pour qu’un humain